Professions médicales intermédiaires : un rejet unanime

Philippe Anaton

24 novembre 2020

France – La plupart des syndicats de praticiens hospitaliers viennent de signer ensemble un communiqué commun contre la dernière initiative d'Olivier Véran et n'en reviennent toujours pas et. De quoi s'agit-il ? De la réactivation d'une proposition de loi problématique, concernant, avant tout, la création de professions médicales intermédiaires. « C'était une des propositions du Ségur de la santé que nous n'avions pas ratifié, nous y étions tous opposés, explique Rachel Bocher, présidente de l'Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH). Or, il y a une dizaine de jours, à l'Assemblée nationale, le ministre de la Santé a présenté une proposition de loi ratifiant la création des professions médicales intermédiaires ». Depuis, l’ensemble des représentants des syndicats médicaux a rejeté catégoriquement cette proposition du ministre de la Santé Olivier Véran.

Créer une profession médicale intermédiaire

De quoi s'agit-il ? D’une proposition de loi, à l'initiative de la députée LREM  Stéphanie Rist, « visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification » qui répond à la mesure 7 des conclusions du Ségur de la santé.

La proposition de loi ne dit pas grand-chose des contours de cette future profession médicale intermédiaire, mais l’on comprend à demi-mot qu’il s’agit de créer un statut qui se situerait entre le corps infirmier et celui des médecins. Le Chapitre 1 indique en effet que « l’exercice légal de la médecine en France conduit à un cloisonnement important des professionnels de santé avec d’une part le médecin diplômé d’un bac +10 et d’autre part l’infirmière titulaire d’un bac +3 [...]. La création d’une nouvelle profession prévue à l’article 1er répond aux engagements du Ségur de la santé pour inscrire dans le code de la santé publique les conditions de définition de cette nouvelle profession intermédiaire. » Pour le reste, tout sera défini par décret en conseil d'État, précise la proposition de loi.

La discussion reste ouverte mais ce n'est pas pour rassurer les syndicats de praticiens hospitaliers. « En pleine pandémie, l’exploit mérite d’être souligné : les Pouvoirs Publics, en catimini, ressortent tout à coup un projet « urgent » instaurant la création des Professions médicales Intermédiaires », dénoncent-ils dans leur communiqué (APH, Alliance hôpital, INPH). Ils ajoutent : « Défendre en 2020 la renaissance du corps des « Officiers de Santé » de 1803 (exercer la médecine sans avoir le titre de Docteur en Médecine) il fallait y penser : Olivier Véran l’a fait en réclamant en urgence et en catimini, un blanc-seing pour la restauration d’un corps d’exception ». Avant de continuer « en essayant de faire passer en force cette mesure unanimement dénoncée, et refusé en bloc par l’ensemble des professionnels de santé (encore récemment lors du Ségur de la santé) le gouvernement pense retrouver la confiance avec les patients et les professionnels de santé. C’est évidemment tout le contraire. Ce manque de considération pour les uns comme pour les autres est décevant ». Pour conclure : « L’ensemble des organisations syndicales de praticiens hospitaliers demande le retrait immédiat de ce projet de loi incongru, dans son intégralité ».

Opposition de la médecine libérale

Les médecins libéraux ne sont pas en reste, et ont également fait part de leur désapprobation. Dans un communiqué commun, Le Bloc, MG France, la CSMF, FMF, et le SML « constatent avec étonnement que cette proposition de loi prévoit la création d’une « profession médicale intermédiaire ». Ils rappellent que les infirmiers en pratique avancée représentent d'ores et déjà un échelon supplémentaire entre l'infirmier de base à bac +3 et le médecin. « Ce n’est pas le moment de créer une profession intermédiaire dont on voit mal où elle va se situer : en concurrence avec les IPA ? Cela ne remet-il pas en cause l’universitarisation de la formation en soins infirmiers ? » argumentent-ils.

Comme les praticiens hospitaliers, les syndicats de médecins libéraux redoutent que cette profession médicale intermédiaire soit la réplique des officiers de santé du 19ème siècle. Les officiers de santé, créés par une loi de 1803, étaient des professionnels de santé qui exerçaient la médecine sans pour autant avoir un doctorat en médecine : cela « s’est traduit par un consumérisme médical accru puisque les patients de l’époque allaient voir l’officier de santé puis le docteur en médecine. Veut-on tirer vers le bas la prise en charge de certains Français, dans certains territoires ? », s'interrogent les syndicats de médecins libéraux. Et, à l'instar des syndicats de praticiens hospitaliers, les médecins libéraux demandent « le rejet de cette proposition de loi dans son article 1, afin d’apaiser l’ensemble des soignants et leur permettre de se concentrer sur les enjeux majeurs actuels ».

Cnom et doyens contre

Les institutionnels ne sont pas en reste. Le conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) s'est également ému, dans un communiqué, de cette initiative quelque peu précipitée d'Olivier Véran. Le Cnom refuse désormais de mener une « mission exploratoire pour la création d'une nouvelle profession médicale intermédiaire" : « alors que les représentants de médecins, des universités, du Collège de Médecine Générale et des Conseils Nationaux Professionnels, interrogés par le Cnom, ont fait part de leur opposition à cette création, le Cnom a informé ce jour le ministre des Solidarités et de la Santé qu’il ne conduirait pas, en l’état, la mission qui devait lui être confiée ». Et d'ajouter : « L’Ordre des médecins demande par conséquent le retrait du Chapitre Un de la PPL du groupe LREM. Il demande que soit engagée avant tout projet en ce sens, une réflexion préliminaire ».

Même son de cloche du côté de la conférence des doyens des facultés de médecine, de pharmacie et d'odontologie. Pour la Conférence, « la création des infirmiers et infirmières de pratique avancée (IPA) constitue déjà une réponse originale ». Mais surtout, elle désapprouve la précipitation de la démarche, et considère qu'une « telle évolution professionnelle ne peut être envisagée sans la contribution des structures de formation et sans l'avis de l'ensemble des responsables professionnels ». Elle demande donc « que soit mené un véritable travail d’analyse de ce que pourraient être des professions médicales intermédiaires » et concluant ce le fait qu' « inventer de nouveaux métiers sans considérer les conditions de leur formation n'aurait pas de sens ».

Il semble bien qu'Olivier Véran, avec cette proposition de loi précipitée, ait fait l'unanimité contre lui...

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