Le blog du Dr Dominique Savary – urgentiste, réanimateur
Les nouveautés 2020 dans le pneumothorax spontané , SDRA, choc septique, traumatisme sévère et agitation aux urgences, présentées par Dominique Savary.
TRANSCRIPTION
Bonjour, je vous retrouve en cette fin d’année 2020 pour un exercice un petit peu particulier qui est celui de colliger ou de choisir les études qui ont marqué les soins critiques en 2020. Cette année a été très particulière, puisqu’elle a été marquée par la crise COVID-19, avec de multiples études autour de ce sujet, que vous avez largement plus suivre sur Medscape. J’ai donc volontairement orienté mon choix vers des études en dehors de la crise COVID.
1. Pneumothorax spontané : observation vs intervention
Pour commencer, j’ai choisi une première étude, australienne, menée par Brown et al. sortie cette année dans le New England Journal of Medicine . [1] Elle s’est intéressée à la comparaison entre un traitement conservateur et un traitement interventionnel dans la prise en charge des pneumothorax spontanés. Les patients âgés entre 14 et 50 ans et qui faisaient un premier épisode de pneumothorax unilatéral spontané de taille moyenne à large étaient randomisés en deux groupes : 1) un traitement observationnel comparé à 2) celui classique que l’on fait dans nos services d’urgence, qui est la mise en place d’un drain en queue de cochon avec un diamètre French inférieur à 12 French, posé en technique Seldinger classique. Il s’agissait donc d’une étude de non-infériorité qui avait comme critère de jugement principal la résolution radiologique complète de ce pneumothorax à 8 semaines. Pourquoi 8 semaines ? c’était le choix des auteurs, mais rien ne justifie particulièrement ce délai. 316 patients ont été inclus dans cette étude.
Résultats : ils démontrent une non-infériorité du traitement conservateur par rapport à la résolution du pneumothorax à huit semaines. Il y avait une différence entre les deux groupes : 98,5 % de résolution dans le groupe intervention versus 94,4 % dans le traitement conservateur, et donc, même si le nombre de pertes de vue n’était pas négligeable — 28 % de patients — ils ont été inclus dans l’analyse. Donc je pense qu’il faut retenir que, même s’il faut attendre probablement des études de plus grande envergure, le traitement conservateur présente de multiples avantages. Il diminue le risque des complications, il diminue les récidives de pneumothorax, il diminue, bien sûr, la durée de séjour hospitalier de ces patients, mais il diminue aussi la durée d’arrêt de travail de ces patients. Par contre, les auteurs insistent — et ils ont raison — sur le fait qu’il faut un suivi rigoureux des patients et il est nécessaire que ces patients demeurent à proximité d’un centre hospitalier en cas de complications. Donc c’est une étude intéressante sur un traitement conservateur dans le pneumothorax spontané.
2. Kétamine pour les patients agités aux urgences
La deuxième étude, sortie dans American Journal of Emergency Medicine , [1] a été réalisée à San Diego, aux États-Unis, et s’est intéressée à l’efficacité de la kétamine dans le contrôle initial des états d’agitation au service d’urgence. Il s’agissait d’une étude randomisée réalisée sur des patients adultes agités. La kétamine à 4 mg/kg faite en intramusculaire ou 1 mg/kg faite en i.v. était comparée à une stratégie associant l’halopéridol 5 mg à 10 mg en i.m. ou en i.v. plus du lorazépam 1 mg à 2 mg i.m. ou i.v., de la même façon. Le critère de jugement, c’était la sédation de l’agitation mesurée à l’aide de l’échelle de Richmond à cinq minutes, avec un jugement des critères secondaires qui étaient la sédation adéquate à 15 minutes et le temps nécessaire pour obtenir une sédation adéquate, et enfin un score de sédation de l’échelle Richmond médian à 30 minutes. Il s’agissait bien sûr d’une étude prospective, mais à noter qu’elle était réalisée dans un seul centre tertiaire, aux États-Unis.
Résultats : Ce qu’il faut retenir de cette étude intéressante, c’est que la kétamine est largement supérieure à la combinaison de l’halopéridol et du lorazépam pour un niveau de sédation à cinq minutes, puisque 22 % des patients avaient une sédation dans le groupe kétamine versus zéro dans le second groupe. Sur les critères de jugement secondaire, il faut retenir que parmi les patients qui avaient une sédation adéquate à 15 minutes, là aussi il y avait une différence très significative avec 67 % des patients qui avaient une sédation complète avec la kétamine versus 7 % avec l’association. Les complications des thérapeutiques étaient suivies, mais sur un délai court, ce qui est un peu regrettable dans cette étude, puisque la demi-vie seule de la kétamine est très courte vis-à-vis des deux autres produits. Il a été noté qu’une hypertension et une tachycardie étaient beaucoup plus fréquentes dans le groupe kétamine versus le groupe association halopéridol lorazépam. Ce que l’on peut donc conclure de cette étude, c’est que dans un service d’urgence, la kétamine est plus efficace et rapide qu’une combinaison halopéridol/lorazépam pour le contrôle de l’agitation aiguë, sans être associée à plus d’effets indésirables, même s’il faut probablement attendre d’autres études pour suivre à plus longue échéance les effets indésirables qui pourraient apparaître secondairement.
3. Dexaméthasone dans les syndromes de détresse respiratoire aiguë
La troisième étude, publiée dans le Lancet [3] par l’équipe de Jesús Villar, en Espagne, s’est intéressée au traitement par dexaméthasone lors des syndromes de détresse respiratoire aiguë (SDRA) à travers une étude multicentrique randomisée contrôlée. On sait qu’il n’y a pas vraiment de traitement pharmacologique spécifique éprouvé dans le SDRA. L’efficacité des corticostéroïdes reste encore controversée, même si des arguments arrivent chaque jour davantage. Ces corticostéroïdes pourraient modifier l’inflammation pulmonaire et systémique, et entraîner une diminution de la durée de ventilation mécanique et donc de la mortalité des patients. Dans cet essai multicentrique, ce sont 17 unités de soins intensifs espagnoles qui ont été testées. Les patients qui ont été inclus avaient des SDRA modérés à sévères, établis sur les critères de Berlin, des critères stricts, non discutables. Les patients du groupe dexaméthasone recevaient 20 mg i.v. une fois par jour pendant cinq jours, suivi de cinq jours supplémentaires à 10 mg, donc à mi-dose, associé bien sûr à une ventilation mécanique protectrice – celle que l’on fait en France, c’est-à-dire un VT à 6 mL/kilo, pression de plateau inférieure à 30 cm d’eau, une PEEP supérieure à 5 cm d’eau, des patients qui sont curarisés avec proposition de décubitus ventral si P/F <150.
Résultats : Sur le critère de jugement principal, qui était le nombre de jours sans ventilateur à 28 jours, l’administration précoce de dexaméthasone réduisait cette durée de ventilation mécanique. Dans les critères de jugement secondaires, qui étaient la mortalité à J60, là aussi la mortalité globale chez les patients atteints de SDRA modérée à sévère était établie avec la dexaméthasone. Juste à noter que dans cette étude, 277 patients étaient prévus, avec des groupes de 139 et 138 patients dans chaque bras et que l’essai a été arrêté par le comité de surveillance pour un effet, bien sûr, significatif. Cette année, ces essais, comme l’essai RECOVERY sorti dans le New England journal of Medicine, ont abouti à la mise en œuvre de dexaméthasone dans la COVID 19 et c’est donc une application directe des corticostéroïdes dans les SDRA. Ce sont donc probablement des modifications thérapeutiques à venir pour le SDRA.
4. Présence d’un médecin lors de prise en charge des traumatisés sévères
J’ai retenu aussi une étude germano-suisse publiée par Jürgen Knapp dans le Journal of Trauma and Acute Care Surgery [4]. C’est une revue systématique et une méta-analyse bien montée selon la méthode Cochrane et qui jugeait de l’intérêt de la présence d’un médecin dans la prise en charge d’un traumatisé sévère et qui comparait donc présence versus absence de médecin sur un paramètre principal qui était la mortalité. Bien sûr, pour que les groupes soient comparables, la gravité des blessures a été appareillée de chaque côté et, pour éviter un facteur de confusion, les études qui s’intéressaient au transport par hélicoptère, là aussi ont été mises de côté. Ce sont 2249 publications qui ont été trouvées et parmi celles-ci neuf de ces études ont été appariées et ajustées en fonction de la gravité des blessures.
Résultats : La prise en charge préhospitalière des patients traumatisés sévères par des équipes préhospitalières qui comprennent un médecin sont associées à une mortalité plus faible. Cette méta-analyse valide un peu la stratégie française d’équipe préhospitalière, telle que les SMUR que nous connaissons.
5. Initiation de la noradrénaline dans le choc septique
Enfin, une étude chinoise sortie dans Critical Care en 2020[5] et qui s’est intéressée au timing de l’initiation de la noradrénaline chez les patients en choc septique. Là aussi, il s’agissait d’une étude de méta-analyse avec revue systématique. Cette étude interrogeait l’initiation de la noradrénaline sur le devenir de ces patients, puisqu’en savoir s’il faut le mettre précocement au pas, telle était la question posée. L’étude s’est intéressée à des patients adultes de plus de 18 ans qui présentaient un choc septique. Le résultat principal s’intéressait à la mortalité à court terme et les résultats secondaires ont analysé la durée de séjour en unité de soins intensifs et le délai pour atteindre la pression artérielle moyenne cible qui était fixée à un taux supérieur ou égal ≥ 65 mm Hg. Cinq études, qui ont inclus quasiment 1000 patients, ont été retenues.
Résultats : L’initiation précoce de la noradrénaline chez des patients qui présentent un choc septique est associée à une diminution de la mortalité à court terme et à un délai plus court pour atteindre la pression artérielle moyenne cible, à une diminution de volume de remplissage dans les moins de six heures pour cette cohorte. Les auteurs concluent que même s’il faudrait probablement d’autres essais contrôlés et randomisés de plus grande échelle pour confirmer ces résultats, c’est un premier pas dans l’intérêt de l’initiation très précoce associée, bien sûr, au remplissage et aux antibiotiques, ce que vous connaissez bien, pour le traitement de ces chocs septiques.
Voilà donc les cinq études que j’ai choisies. Un choix discutable. Je vous souhaite, en tous les cas, une bonne fin d’année 2020 et je vous retrouve dès janvier sur Medscape édition française.
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Citer cet article: Urgences : 5 études non-COVID qui ont marqué les soins critiques, selon Dominique Savary - Medscape - 22 déc 2020.
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