Pour le Dr Tcherakian, il est encore difficile de mesurer l’impact ce raz-de marée qu’a été le Covid-19 en 2020. Catastrophique sur le plan de la maladie respiratoire et des conséquences à venir, il faut néanmoins, selon lui, garder espoir sur l’arrivée de thérapeutiques en 2021.
TRANSCRIPTION
Bonjour à tous, je suis Colas Tcherakian, pneumologue à l’hôpital Foch, et je voudrais partager avec vous le bilan de cette année 2020 qui a été si particulière. Certains disent qu’elle sera une année historique au sens "triste" du terme, en l’occurrence par le nombre de millions de personnes qui ont été touchées et par les désordres médico-économiques qui ont secoué l’ensemble des pays.
Épidémiologie
Nous approchons de la fin de l’année et je vous montre ici l’étendue de l’atteinte virale [voir la répartition des cas de COVID-19 en continu dans le monde ]. Elle couvre aujourd’hui quasiment le monde entier, avec une atteinte particulièrement importante aux États-Unis et en Europe, et qui est en train de s’étendre à l’Amérique du Sud. Les zones les plus épargnées sont celles où la distanciation sociale est "naturelle''. On peut parler ici du nord de l’Amérique du nord, et de l’Australie où finalement les choses semblent être assez limitées.
C’est une infection qui ne s’éteint pas. Nous avons aujourd’hui 68 millions de personnes déclarées et diagnostiquées — et beaucoup plus, évidemment, non diagnostiquées. Le nombre de cas ne fait qu’augmenter — avec une pente cumulative qui ne faiblit pas et un nombre de décès qui continue de monter. Les pays qui se sont confinés ce sont tous retrouvés, au moment du déconfinement, avec une nouvelle vague. Certes, sur une note plus positive, il faut rappeler que c’est la première fois que l’on voit une telle répartition des données scientifiques, avec une distribution de tout ce que nous avons pu créer comme informations scientifiques de façon gratuite à l’ensemble de la communauté médicale. C’est quelque chose qui n’était jamais arrivé. Donc il y a vraiment eu aussi ce changement : cela nous a poussé à partager beaucoup plus vite les connaissances. Je crois que cela a été un moteur pour la production médicale, même si hélas, malgré cela, nous n’avons pas, en cette fin d’année, de traitement curatif de la maladie. Nous peinons aussi à produire un traitement préventif, puisque nous en sommes aux essais des vaccins sans pouvoir proposer aujourd’huiun traitement sûr à nos patients et à leur entourage.
Les conséquences du COVID-19
Concernant les conséquences de cette maladie aux niveaux social, économique et médical, je crois que nous aurons du mal à en soupçonner l’étendue et la gravité. C’est le temps, probablement, qui nous dira à quel point les choses sont plus graves que ce que l'on pense. Et il y a eu beaucoup de modélisation sur ce qui pourrait se passer.

On voit clairement que cette première vague était attendue, elle a paralysé notre système de soins — pour prendre l’exemple de la France, tout s’est arrêté. Toute la médecine qui n’était pas COVID s’est arrêtée durant la première vague de mars, avec une saturation des hôpitaux qui étaient ouverts (sachant qu’une grande partie des hôpitaux avait fermé), mais avec une infection assez localisée dans des zones géographiques. Et très vite après ce premier séisme, nous avons eu ce qu’on appelle une première réplique, une espèce d’onde de choc en retour, avec des patients qui n’avaient finalement pas pu bénéficier de soins. Cela a été la découverte de cancers — notament pulmonaire — à des stades avancés. On s’est rendu compte à quel point l’arrêt de la médecine pendant quelques semaines avait pu engendrer des dégâts sur la population et les diagnostics de nouvelles pathologies.
Puis nous avons eu un deuxième effet de réplique, avec cette fois-ci l’arrivée de patients diagnostiqués, mais pour lesquels il y avait eu un défaut de prise en charge et d’administration des soins, avec des consultations auxquelles ils ne s’étaient pas présentés ou que nous n’avions pas pu honorer. C'étaient des hospitalisations qui n’avaient pas pu avoir lieu, avec des patients qui se sont retrouvés déstabilisés. Pour la pathologie respiratoire, ce sont des déconditionnements majeurs avec des malades qui ne sont pas sortis de chez eux par crainte d’être touchés et qui ont perdu tous leurs muscles. C’est une catastrophe sur le plan de la maladie respiratoire et des conséquences à venir. Nous allons mettre des mois à rééduquer ces patients.
Nous étions tout juste en train de récupérer ce retard diagnostique et de prise en charge des maladies chroniques, que la deuxième vague est arrivée. Et cette fois-ci, elle s’est distribuée différemment avec une répartition plus homogène sur les différents hôpitaux. Chaque hôpital ayant acquis une certaine expérience, il a pu mettre en route une amélioration de la prise en charge avec, c’est certain, le maniement des corticoïdes et immunomodulateurs. Il y a donc un progrès dans la prise en charge, et notament dans la ventilation. Je dirais que cette deuxième vague a été la partie la plus « simple ». Mais, surtout, on a découvert des soignants brûlés par la première vague, épuisés, qui se sentaient difficilement capables de faire face. Des soignants avec la peur. Ils exprimaient très bien la peur de mourir — car il y a eu des soignants qui sont décédés à la première vague, au cours de l’infection.
La troisième réplique touchera essentiellement les gens qui ont subi les impacts socio-économiques de la première vague, avec tous les métiers qui n’ont pas pu fonctionner et qui n’ont pas pu être soutenus suffisamment par l’État — bien qu’il y ait eu, en France, des forfaits de soutien pour aider les commerçants à pouvoir redémarrer au moment du déconfinement — et un impact sur les soignants qui est évident et pour lequel nous n’avons pas encore mesuré l’ensemble des conséquences. On a vu par exemple des grèves en Espagne, avec un corps infirmier qui fait part à son ordre, pour un tiers d’entre eux, de volonté de changement de profession... Nous n’avons donc pas encore mesuré l’impact de ce raz-de-marée qu’a été cette maladie en 2020. Et j’espère que nous pourrons aborder 2021 avec plus de capacité à gérer les déconfinements, afin d’éviter cet effet d’accordéon déconfinement-reconfinement qui rend catastrophique le maniement de la gestion des patients.
Je voulais partager ce moment ce recueil sur cette année 2020 qui porte un deuil, auprès des soignants, auprès des patients, mais aussi auprès de la population générale, en termes de complications économiques et de conséquences sur les stress post-traumatiques, en espérant ouvrir en 2021 une année avec un certain espoir thérapeutique et peut-être l’arrivée de traitements. J’espère donc vous retrouver l’année prochaine avec de bonnes nouvelles à partager.
Bonne fin d’année à tous.
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Citer cet article: Pneumologie : le point sur l'année 2020 avec Colas Tcherakian - Medscape - 17 déc 2020.
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