TRANSCRIPTION/ADAPTATION—
Paris, France —Bonjour. Gilles Pialoux — je suis professeur de maladies infectieuses à Sorbonne université et chef de service à l’hôpital Tenon, à Paris, et je suis ravi de vous retrouver pour cette fin d’année morose et covidisée. Je suis censé faire un best of de maladies infectieuses, donc, effectivement, ça va être difficile d’échapper à la COVID-19.
J’ai quand même trouvé quelques éléments bibliographiques intéressants, si ce n’est représentatifs de tout ce qui s’est passé en dehors du COVID.
Un essai thérapeutique avec des anticorps humanisés anti-fièvre jaune
Le premier papier dont j’ai trouvé le concept assez intéressant est du New England. Il est daté du 30 juillet. C’est une phase 1 d’un essai thérapeutique avec des anticorps humanisés anti-fièvre jaune. L’idée a été d’administrer à des volontaires sains un vaccin classique, Stamaril, contre la fièvre jaune, et de voir quelle est, dans une étude randomisée contre placebo, l’efficacité de cet anticorps de type IgG1 spécifique de la fièvre jaune sur, précisément, la virémie induite par la vaccination antiamarile. Il y a une efficacité tout à fait saisissante. La discussion qui suit concerne la portée que cette thérapie immunologique pourrait avoir sur la fièvre jaune pour les pays qui n’ont, notamment, pas accès au vaccin.
Un nouveau mécanisme de blocage de la réplication du VIH
Un deuxième papier en tout conflit d’intérêts, dans le New England du 26 mars — conflit d’intérêts parce que j’en suis signataire — est une étude d’une nouvelle classe thérapeutique qui s’appelle le fostemsavir — un nouveau mécanisme de blocage de la réplication du VIH— Cet essai, qui s’appelle BRIGHTE est un essai chez des patients en échec des autres classes thérapeutiques. Ce qu’on observe, c’est une décroissance de la charge virale chez ces patients ultra-sélectionnés de 0,79 log10 par rapport au groupe contrôle, chez lequel on a poursuivi la thérapeutique qui était instituée. A la semaine 48, on a une réponse sur la charge virale < 40 copies/mL chez 54 % des participants, ce qui est extrêmement encourageant pour ces patients en multirésistance.
Greffe de microbiote et transmission des bactéries multirésistances
J’ai fait aussi la lecture d’un article du Lancet daté du 1er décembre sur un sujet qui avait fait l’objet d’une alerte de la FDA dès juin 2019. Il s’agit de la transplantation de microbiote, de la capacité à transmettre dans ces greffes de microbiote, des bactéries multirésistances, en l’occurrence essentiellement d’Escherichia coli BLSE.
C’est une étude extrêmement bien faite par la banque de données de microbiote de Hollande et qui met en alerte… La discussion est intéressante parce qu’il se trouve qu’on ne sait pas tout à fait quel est l’effet pathogène de cette transmission de bactéries résistantes, d’Escherichia coli productrice de BLSE chez les immunocompétents. Il y a même des papiers qui indiquent que probablement ça serait une possibilité de traiter. C’est intéressant parce que ça réaborde le sujet de la quarantaine et de la nécessité de traiter les donneurs régulièrement.
Les 10 personnalités qui ont marqué la science en 2020
Alors, évidemment, comme j’étais un peu perdu dans la bibliographie concernant les publications « hors COVID », je suis allé voir un article de Nature que je vous conseille, qui sont les 10 personnalités qui ont marqué la science —toute la science — pendant la période de 2020.
Évidemment, vous vous en doutez, il y a des références au COVID, mais pas seulement. Il y a Yong-Zhen Zhang, celui qui a donné le génome du SARS-CoV-2 et, évidemment, le papier du génome dans Nature est un papier majeur.
Une autre personne, est l’architecte du confinement en Chine. Il s’appelle Li Lanjuan, avec plusieurs études qui sont citées sur la technique du confinement et surtout la façon dont les Chinois ont pu analyser et contrôler les mouvements , quand il y a eu le confinement à Wuhan, puis dans la région de Hubei. Cela fait un petit peu rêver, dans le débat actuel.
Les publications sur les vaccins anti-Covid
Sur le plan scientifique, évidemment on ne peut pas échapper aux publications sur les vaccins, avec une pléiade — on n’a pas encore, à la date je vous parle, la troisième phase 3.
La publication du New England sur le vaccin COVID de Pfizer/BioNTech montre des données extrêmement saisissantes, puisqu’on a 95 % d’efficacité. Le dossier d’enregistrement de la FDA est aussi tout à fait intéressant et bien documenté. On a beaucoup trop parlé de l’efficacité et pas assez parlé du détail. On a aussi beaucoup trop parlé des effets secondaires immédiats. On peut quand même rappeler globalement qu’on a effectivement des effets secondaires qui sont assez marqués avec ce vaccin ARN, puisqu’on a 84 % de douleurs au point d’injection, 60 % de fatigue, 55 % de mal à la tête, mais évidemment, tout cela est à mettre en perspective avec tout ce que fait la maladie COVID elle-même.
Sur les vaccins adénovirus, on a plusieurs publications dont celle d’Astra Zeneca et on attend, on a déjà un début de publication, celle sur le vaccin ARN de Moderna.
Le nouveau monde des vaccins ARN
Plus intéressant encore, probablement : plusieurs vaccins ARN contre d’autres infections (des données non encore publiées), dans le pipeline des firmes, notamment de Moderna. Nous sommes dans un changement de monde puisqu’on s’aperçoit qu’ils ont en phase 2 ou en phase 1 un développement vaccinal pour le Zika, pour le CMV, pour le VRS, la grippe H7N9, le virus d’Epstein-Barr, mais aussi les applications qui ont, d’ailleurs, déjà été publiées dans certaines maladies auto-immunes et dans certains cancers. Nous sommes vraiment, dans cette année 2020, dans un changement de paradigme.
Pour terminer cette petite tournée du best of, je vous conseille, si vous avez le temps de lire, le dernier avis du Conseil scientifique « Accompagner une fin d’année pas comme les autres » qui guide les décisions des politiques en date du 12 décembre. Vous pourrez y lire et surtout y appliquer toutes les recommandations qui concernent cette fin d’année et ces fêtes de fin d’année qu’on espère, évidemment, les moins covidisées possible. Je vous remercie beaucoup.
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Citer cet article: 2020 en infectiologie : la sélection du Pr Pialoux - Medscape - 28 déc 2020.
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