Le blog du Pr Gabriel Steg – Cardiologue
TRANSCRIPTION
Gabriel Steg — Bonjour. Aujourd’hui, je voudrais vous parler d’un nouvel inhibiteur de SGLT2 et des résultats qu’il a donnés notamment dans le traitement de l’insuffisance cardiaque. Cet inhibiteur de SGLT2, c’est la sotagliflozine, qui est un médicament qui n’est pas commercialisé et qui a comme particularité non seulement d’inhiber SGLT2, donc la réabsorption tubulaire du sucre dans le néphron, ce qui donne un effet hypoglycémiant modéré et les bénéfices qu’on connaît avec les médicaments antidiabétiques de la classe, mais il inhibe également SGLT1. SGLT1, c’est le récepteur qui est localisé dans le tube digestif et qui permet la réabsorption digestive du glucose. Le fait d’inhiber ce récepteur pourrait avoir des bénéfices, notamment chez les patients insuffisants rénaux, puisqu’on sait qu’avec l’insuffisance rénale l’efficacité de l’inhibition de SGLT2 diminue.
Ce médicament a été testé dans deux grands essais cliniques qui ont été présentés lors du congrès de l’American Heart Association (AHA) il y a quelques semaines et publiés simultanément. Ces essais sont intéressants parce que cela fait longtemps que nous savons que le diabète est une affection qui prédispose à la survenue de l’insuffisance cardiaque. On en a pris conscience de façon particulièrement éclatante avec les résultats spectaculaires des médicaments inhibiteurs de SGLT2 sur la prévention de la survenue d’insuffisance cardiaque chez les sujets diabétiques de type 2, et on sait depuis maintenant un an ou deux que les inhibiteurs de SGLT2 sont également efficaces dans le traitement curatif de l’insuffisance cardiaque, au moins à fonction systolique altérée, grâce aux résultats de deux essais randomisés : DAPA-HF avec la dapagliflozine et EMPEROR-Reduced avec l’empagliflozine, qui ont montré un bénéfice non seulement dans le traitement curatif de l’insuffisance cardiaque chez le diabétique, mais aussi — et ça, c’était vraiment nouveau — chez les sujets non diabétiques.
SOLOIST : des données encourageantes dans l’IC aigüe
Les essais qui ont été présentés à l’AHA vont un peu plus loin parce que notamment le premier d’entre eux, SOLOIST, s’intéresse à l’insuffisance cardiaque aiguë ou plus exactement à l’insuffisance cardiaque post-aiguë chez les patients qui sont hospitalisés pour un épisode de décompensation d’insuffisance cardiaque et qui ont été traités avec des diurétiques intraveineux, qui gardent des signes congestifs — un BNP ou un NT-proBNP élevé — et qui ont été tirés au sort, dans cet essai, entre sotagliflozine et placebo en plus du traitement recommandé par les recommandations internationales pour l’insuffisance cardiaque : bêtabloquants, bloqueurs du système rénine-angiotensine, antagonistes des récepteurs minéralocorticoïdes, voire sacubitril/valsartan.
Cet essai a inclus 1222 patients avec une durée médiane de suivi de neuf mois, une durée maximale de suivi d’environ 22 mois. Malheureusement l’essai a été interrompu prématurément, à la fois en termes de suivi et en termes d’inclusion en raison de la survenue de la pandémie COVID, qui a mis à genoux le sponsor, qui était un petit sponsor — un laboratoire qui n’est pas un très grand laboratoire et dont les ressources se sont trouvées à sec pour pouvoir continuer la poursuite l’essai. Donc, l’essai a été interrompu prématurément. Néanmoins, malgré l’interruption prématurée, vous allez voir que les résultats sont intéressants. Le premier résultat qu’on observe, est que dans cette population d’insuffisance cardiaque aiguë ou de personnes qui sont encore hospitalisées pour une insuffisance cardiaque aiguë, le pronostic est très mauvais. Dans le groupe placebo, quasiment la totalité des patients du groupe ont eu un événement décès cardiovasculaire ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque ou décompensation de l’insuffisance cardiaque dans les 18 mois qui ont suivi la randomisation.
Deuxième observation, dans le groupe traité par sotagliflozine, on observe une réduction d’environ 30 % des critères qui combinent décès cardiovasculaire et insuffisance cardiaque, quelle que soit la façon de regarder — que ce soient les hospitalisations ou les décompensations pour insuffisance cardiaque, que ce soient les premiers événements ou la totalité des événements incorporant les événements récurrents, ce qui, dans l’insuffisance cardiaque, est fréquent.
Enfin, on observe que ce bénéfice est précoce — il apparaît dès les premières semaines de traitement. On note que la mortalité cardiovasculaire et la mortalité toute cause sont orientées dans le bon sens avec, numériquement, une réduction de 16 et de 18 %, respectivement, mais qui n’est pas du tout statistiquement significative.
On observe qu’il y a des effets secondaires, notamment plus d’hypoglycémie aiguë et plus de diarrhée dans le groupe traité, ce qui est probablement à rapprocher de l’effet inhibiteur de SGLT1.
IC altérée, préservée : un résultat homogène
Enfin — et c’est peut-être le résultat le plus important — on observe que le bénéfice est homogène, quelle que soit la fraction d’éjection de départ, avec un bénéfice concordant chez les patients avec insuffisance cardiaque altérée, mais aussi chez les patients avec insuffisance cardiaque préservée. C’est évidemment une nouvelle extrêmement importante, même si cela méritera confirmation secondaire par les résultats d’études dédiées avec d’autres inhibiteurs de SGLT2 dans la population des insuffisants cardiaques à fonction systolique préservée.
SCORED : un bénéfice cardiovasculaire
Toujours à l’AHA, il y avait un deuxième essai randomisé avec ce médicament, la sotagliflozine, qui s’appelle SCORED, qui, lui, est un essai plus conventionnel de sécurité cardiovasculaire des médicaments hypoglycémiants chez les diabétiques, qui a inclus un peu plus de 10 500 patients diabétiques de type 2 avec des facteurs de haut risque cardiovasculaire et — particularité — une fonction rénale modérément ou sévèrement altérée avec un débit de filtration glomérulaire entre 25 et 60. Ce que l’on observe, c’est qu’on a une réduction d’environ 25 % des critères décès cardiovasculaire ou insuffisance cardiaque et une réduction de 16 % du critère conventionnel triple décès cardiovasculaire, infarctus du myocarde ou AVC, avec une réduction statistiquement significative de chacun de ces composants, infarctus du myocarde ou AVC, ce qui suggère peut-être un effet antiathéroscléreux dans cette population. On note, là aussi, que le bénéfice est précoce dès les premières semaines de traitement.
Quels effets secondaires ?
On a évidemment des résultats très encourageants, très intéressants. Il y a, néanmoins, plusieurs réserves à garder en tête. D’abord, le médicament, la sotagliflozine, a des effets secondaires. Dans SOLOIST on en a parlé, dans SCORED, on note également une fréquence double dans le groupe traité par rapport au placebo d’acidocétose diabétique. Heureusement, c’est rare, 0,6 % contre 0,3 %, mais c’est quand même réel. On note une fréquence accrue d’infections génitales mycotiques, ce qui est classique avec cette classe médicamenteuse et, évidemment, ces effets secondaires sont réels et il faudra voir s’ils sont retrouvés avec les inhibiteurs purs de SGLT2 ou si le fait d’avoir un inhibiteur mixte de SGLT1 participe, soit au bénéfice, soit au risque de ce traitement.
Un risque de surestimation des bénéfices
Deuxièmement, toute étude interrompue prématurément a tendance ou, potentiellement, a le risque de surestimer les bénéfices qui sont observés. Et là, clairement, les deux études — SCORED, même si elle est plus grosse et avec un suivi plus long et SOLOIST, qui est une étude petite avec un suivi assez modeste — ces deux études ont été interrompues prématurément et, donc, il y a peut-être là une surestimation du bénéfice.
Des résultats à confirmer
Troisièmement, comme ces études avaient été interrompues prématurément, le plan d’analyse statistique a été modifié avant la levée d’aveugle et même si tous les critères, ceux qui avaient été modifiés, ceux qui n’ont pas été modifiés sont tous statistiquement alignés positifs, avec un bénéfice statistiquement significatif sur les critères primaires, il n’empêche que ces résultats méritent confirmation.
Donc, nous avons un espoir d’étendre encore le bénéfice thérapeutique de cette classe médicamenteuse que sont les inhibiteurs de SGLT2 à une population plus précoce dans l’insuffisance cardiaque, plus grave, avec potentiellement un bénéfice très important pour nos patients. C’est une bonne nouvelle. Nous verrons si ces bénéfices sont confirmés par les études qui arrivent. J’espère que cela vous a intéressé. Si vous voulez plus information, les deux essais randomisés, SOLOIST et SCORED, sont publiés en ligne dans le New England Journal of Medicine.
À bientôt.
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Citer cet article: Sotagliflozine : un nouvel espoir dans l'insuffisance cardiaque aiguë - Medscape - 8 déc 2020.
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