France – Face à une prescription massive et inappropriée des inhibiteurs de la pompe à protons (IPP), des traitements qui ne sont pas sans risque à long terme, la Haute Autorité de Santé (HAS) a été amenée à reévaluer leur service médical rendu (SMR) et leur place dans la stratégie thérapeutique.
Cette démarche demandée par le ministère des Solidarités et de la Santé fait suite à une enquête de l’ANSM qui a montré qu’en 2015, 16 millions de français avaient reçu des IPP et que ces traitements étaient souvent prescrits de manière trop systématique ou sur des durées trop longues.
Selon l’Assurance Maladie, ce mésusage concernerait entre 40 et 80% des patients et l’ANSM a montré que près de 80% des patients ayant débuté un traitement en association systématique avec un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) n’avaient aucun facteur de risque pouvant justifier cette co-prescription « préventive » du risque d’ulcère gastroduodénal, rappelle la HAS dans un communiqué [1].
Le verdict de la HAS
Quelques années plus tard, le verdict de la HAS est sans grande surprise : « Les IPP restent utiles mais doivent être moins et mieux prescrits ».
La HAS indique que « les IPP gardent une place majeure dans les indications de l’AMM » « qu’ils sont efficaces et restent bien tolérés à court terme dans ces indications ».
La HAS reste donc « favorable au maintien de leur remboursement sans restriction de la durée de remboursement au titre de l’usage décrit par l’AMM ».
Elle rappelle toutefois qu’à long terme, un doute subsiste sur leur profil d’effets indésirables et en particulier en cas de mésusage prolongé.
La HAS estime donc « urgent et prioritaire de favoriser une prescription raisonnée et d’engager une dynamique de « déprescription » de ces médicaments ».
Les situations de mésusage
La HAS rappelle que les inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) sont indiqués dans la prise en charge du reflux gastro-œsophagien (RGO) et des ulcères gastro-duodénaux.
Le mésusage concerne principalement ces trois situations cliniques :
Les IPP sont prescrits inutilement dans 80% des cas en prévention des lésions gastroduodénales dues aux AINS chez des patients non à risque de complications gastroduodénales. Or cette prescription n’est justifiée que chez les patients à risque : personnes de plus de 65 ans, antécédent d’ulcère gastrique ou duodénal, association à un antiagrégant plaquettaire.
La durée de prescription dans le traitement du RGO est trop longue : il est recommandé de prescrire les IPP pour une durée initiale de 8 semaines maximum. Il est ensuite nécessaire de procéder à une réévaluation régulière de la poursuite du traitement en tenant compte du soulagement obtenu chez les patients, du profil de tolérance et des résultats des examens complémentaires. Après cette période de 8 semaines, la posologie sera éventuellement réduite et une fibroscopie est nécessaire si les symptômes persistent.
Les prescriptions d’IPP sont trop fréquentes chez les personnes les plus âgées et les nourrissons ou les jeunes enfants :
La pertinence de leur utilisation chez les personnes âgées, souvent polymédiquées et fragiles, notamment en cas de traitement prolongé, doit être attentivement évaluée, en raison des risques d’effets indésirables et d’interactions médicamenteuses.
Chez les nourrissons et les jeunes enfants, les IPP sont rarement justifiés et ils ne sont pas utiles en cas de régurgitation non compliquée.
Parmi les actions décidées par la HAS, une fiche de bon usage des médicaments (fiche BUM) sera diffusée auprès des professionnels de santé ainsi qu’un document à l’usage des patients pour promouvoir et accompagner le changement des pratiques.
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Citer cet article: Réévaluation du service médical rendu des IPP : la HAS rend son verdict - Medscape - 19 nov 2020.
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