France -- Ces derniers jours, l’actualité sur les vaccins anti-SARS-CoV-2 s’est accélérée avec la communication sur les résultats intermédiaires de l’essai de phase 3 sur le vaccin à ARNm BNT162b2 de Pfizer/BioNTech, la communication de l’institut de recherche russe sur le vaccin Sputnik V de Gamaleya, et encore plus récemment l’annonce de résultats intermédiaires encourageants par la biotech américaine Moderna pour son vaccin mRNA-1273.
Rappelons qu’aujourd’hui, onze vaccins anti-SARS-CoV-2 ont atteint le stade d’étude de phase 3 à travers le monde :
quatre utilisant un virus vivant inactivé (BBPI-CovV et WIBP de Sinopharm, CoronaVac de SinoVac, Covaxin de Bharat Biotech),
quatre utilisant un vecteur viral non réplicatif (ChAdOx1-s d’AstraZeneca, Ad5-nCoV de CanSino, Ad26CoV2.s de Janssen et Gam-COVID-Vac ou Sputnik V de Gamelaya)
un vaccin basé sur une sous-unité protéique (NVX-CoV2373 de Novavax)
deux vaccins à ARNm (mRNA-1273 de Moderna et BNT162b2 de Pfizer/BioNTech)
L’espoir des vaccins à ARNm
Ces derniers jours, le vaccins BNT162b2, basé sur un ARNm qui code pour la protéine Spike du SARS-CoV-2 a fait la une des médias : les résultats de l’analyse intermédiaire communiqués le 9 novembre dernier font en effet état d’une efficacité de 90% vis-à-vis du risque de développer la maladie chez les personnes vaccinées par BNT162b2 (l’un des 4 vaccins expérimentaux développé par ces laboratoires) par rapport à ceux ayant reçu un placebo.
L’essai de phase 3 dont ils sont issus a été lancé fin juillet et a recruté plus de 43.000 personnes dans différentes régions du globe (Afrique du Sud, Allemagne , Argentine, Brésil, États-Unis, Turquie). Le schéma de vaccination reposait sur deux doses de vaccin ou de placebo administrées à 3 semaines d’intervalle. Au total, près de 39.000 participants ont reçu la seconde injection. Le protocole prévoyait plusieurs analyses intermédiaires dont la première lorsque 32 cas de COVID-19 seraient diagnostiqués au sein de la cohorte, l’analyse finale du critère principal (incidence de la maladie confirmée par RT-PCR) étant attendue dès la barre des 164 cas confirmés passée.
Alors que le laboratoire et les autorités étaient en pourparlers pour décaler la première analyse intermédiaire à 62 premiers cas (tous bras confondus), l’incidence de la maladie a connu une progression telle que cette première analyse a finalement été menée sur un total de 94 cas diagnostiqués au moins 7 jours après la seconde dose. Il y a fort à parier que l’incidence de la maladie dans les pays investigateurs permette d’atteindre rapidement le nombre des 164 cas requis pour l’analyse finale. Les deux firmes tablent sur fin novembre, date après laquelle ils pourraient demander une homologation.
Si les données étaient confirmées, trois éléments majeurs devront être pris en considération :
le premier est celui de la tolérance et de la sécurité liée à cette nouvelle technologie vaccinale. Pour l’heure, aucun signal de sécurité particulier n’a été relevé, sans que le communiqué soit plus précis à ce sujet. Les critères secondaires d’efficacité et le suivi à plus long terme qui sont prévus par le protocole (à 14 jours, puis 1, 6, 12 et 24 mois) devront confirmer l’efficacité du vaccin et son maintien dans le temps, mais aussi d’acquérir des données plus robustes en matière de sécurité et de tolérance.
le second est la disponibilité du vaccin. Le laboratoire avance une production envisageable de 50 millions de doses d’ici fin 2020 et de 1,3 milliard de doses en 2021, soit moitié moins de sujets traités. La question de la priorisation des publics cibles de la vaccination sera rapidement sur la table.
La dernière concerne le stockage de ce type de vaccin qui nécessite d’être conservé aux environs de -70°C et qui va donc imposer des circuits logistiques et de délivrance spécifiques.
Parmi les autres vaccins à ARN en développement, le mRNA-1273 de Moderna est le plus avancé, et c’est probablement en réaction à l’annonce relative au BNT162b2 que Moderna a annoncé ses propres résultats intermédiaires. Son étude de phase 3 COVE, conduite parmi 30.000 sujets recrutés aux États-Unis depuis juillet a, selon le laboratoire, atteint l’étape intermédiaire des 53 cas. Le laboratoire, qui a préalablement rendu le protocole public, souligne que la cohorte comporte plus d’un tiers de patients issus de minorités ethniques, 7.000 individus de plus de 65 ans, et 5.000 plus jeunes mais présentant un facteur de risque de forme grave de COVID-19 (diabète, obésité, cardiopathie…). Les deux vaccins à ARNm de CureVac et de l’Imperial College London n’ont pas atteint les études de phase 3.
Moderna n’a pas été le seul laboratoire à monter au créneau cette semaine : Sinopharm, qui a deux candidats vaccins en phase 3, a également annoncé que ses études arrivaient à leur terme, après avoir fait paraître des données de phase 1/2 indiquant que son vaccin vivant atténué BBIBP-CorV est bien toléré et apte à permettre la production d’anticorps spécifiques. La Russie a, elle, rapidement rappelé l’efficacité à 92% de son Sputnik V (ou Gam-COVID-Vac) mais aucune donnée n’a été rendue publique.
Quid de l’immunisation passive ?
Outre les vaccins préventifs, plusieurs laboratoires tablent sur l’immunisation passive en développant des anticorps monoclonaux ciblant spécifiquement le domaine de liaison de la protéine virale S du SARS-CoV-2.
LY-CoV555 (ou bamlanivimab) est l’un des candidats développés par Lilly, et ses données intermédiaires de phase 2, menées dans des formes légères à modérées de COVID-19, ont été publiées fin octobre. Elles montrent que la fréquence des hospitalisations à J7 et la charge virale à J11 semblent plus faibles sous traitement que sous placebo, mais l’absence de différence significative entre les trois posologies testées interrogent. Quoi qu’il en soit, l’évaluation de ce candidat médicament se poursuit, avec notamment une approche où ce premier anticorps est combiné à un second (LY-CoV016).
En revanche, l’essai clinique mené par le NIH et associant LY-CoV555 et le remdesivir a été stoppé pour raison de sécurité mi-octobre.
Simultanément, Regeneron a communiqué les données relatives à son propre candidat REGN-CoV2, sans qu’elles n’aient pour l’heure fait l’objet d’une publication scientifique. Il s’agit ici d’une combinaison de deux anticorps monoclonaux REGN10933 et REGN10987, envisagée pour éviter l’apparition de mutation. Les données intermédiaires de l’étude de phase 2/3 montrent chez 524 patients ambulatoires et ayant un diagnostic confirmé de COVID-19 une diminution supérieure de la charge virale, ainsi qu’une diminution du recours aux visites médicales (généralistes, urgences, télémédecine…) de 57% globalement versus placebo et de 72% pour les seuls patients les plus à risque de forme grave.
Rappelons qu’actuellement, 38 vaccins anti-SARS-CoV-2 ont atteint le stade d’évaluation clinique à travers le monde (soit 108 études), et environ 150 sont en développement ou au stade d’évaluation préclinique.
Cet article a été initialement publié sur Univadis.fr, membre du réseau Medscape.
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Citer cet article: Vaccins contre le SARS-CoV-2 : où en est la recherche clinique ? - Medscape - 19 nov 2020.
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