France – Le moral des Français est en berne. L’étude CoviPrev de Santé publique France montre une augmentation significative des troubles dépressifs dans l’ensemble de la population ces derniers jours, traduisant une dégradation de l’état de santé mentale à l’échelle de la population [1]. « La santé mentale des Français s'est à nouveau dégradée entre fin septembre et début novembre », a déclaré Jérôme Salomon, le directeur général de la Santé, lors de son point d'information sur l'évolution de l'épidémie en France. Les services de l'Etat ont constaté « une augmentation importante des états dépressifs entre fin septembre et début novembre » chez les Français. Tandis qu’une enquête IFOP de la Fondation Jean Jaurès révèle que 20% des personnes interrogées ont pensé à se suicider au cours de l’année 2020 [2]. Faut-il s’inquiéter d’un risque d’augmentation des troubles anxieux, voire même craindre des séquelles psychiatriques chez les patients infectés par le Covid-19 ? Certains, à l’instar de la psychiatre Marion Leboyer s’en inquiètent et alertent.
Le mois dernier, la psychiatre (hôpital Henri Mondor, Créteil) affirmait dans un communiqué de la Fondation FondaMental, dont elle est la directrice: « inévitablement, les besoins de prise en charge en santé mentale vont augmenter dans les semaines et mois à venir et la France n’est pas armée pour y faire face » [3].
Augmentation significative des états dépressifs
Déplacements limités, restaurants et petits commerces fermés, pratique du sport empêchée, étudiants précarisés et préparatifs des fêtes de fin d’année entravées…Le moral des Français a de quoi flancher en cette fin d’année.
L’enquête CoviPrev mise en place par Santé publique France pour évaluer la santé mentale des Français pendant l’épidémie de Covid en témoigne. Les résultats sur la période du 4 au 6 novembre montrent une augmentation significative des états dépressifs (+5 points). La prévalence a doublé, passant de 11% fin septembre à 21 % début novembre. Les hausses les plus importantes sont observées chez les jeunes (+16 points chez les 18-24 ans et +15 points chez les 25-34 ans), les inactifs (+15 points) et les personnes déclarant une situation financière très difficile (+14 points). Cette « vague » d’angoisse n’est pas apparue subitement mais suit la remontée des nombres de cas de Covid avec une augmentation continue et globalement significative des états anxieux (+3 points) ainsi qu’une diminution de la satisfaction de vie (-4 points) depuis fin août (24 au 26 août).
Sentiment de solitude et d’isolement
Sans grande surprise, les personnes sur qui les contraintes liées aux mesures mises en place pèsent le plus lourd (en termes de perte de revenus, d’incertitude quant à l’avenir, d’espace de vie réduit…) sont particulièrement impactées. Ainsi les profils de population ayant une plus forte prévalence d’états dépressifs (sur la base d’un score > 10 sur l’échelle HAD) sont :
− les personnes déclarant une situation financière très difficile (35% vs. 14% chez ceux déclarant une bonne situation financière) ;
− les personnes déclarant des antécédents de troubles psychologiques (30% vs. 18,5% chez ceux n’ayant pas d’antécédents) ;
− les inactifs et les CSP- (respectivement 29% et 25% vs. 15% chez les CSP+) ; − les jeunes (29% chez les 18-24 ans et 25% chez les 25-34 ans vs. respectivement 18,5 % et 14% chez les 50-64 ans et les plus de 65 ans).
Indépendamment des facteurs sociodémographiques, l’enquête s’est aussi intéressée aux perceptions et aux ressentis associés aux états dépressifs. Assez logiquement, le sentiment d’isolement et de solitude est le plus prégnant dans la population présentant un état dépressif, suivi par l’inquiétude vis-à-vis de la situation financière et le fait de se sentir vulnérable au risque d’infection par le SARS-Cov-2. Les sentiments de colère et de frustration, de même que la peur sont moins prépondérants.
Quid du risque suicidaire dans la population ?
Réalisée auprès d'un échantillon de 2000 personnes représentatif de la population âgée de 18 ans et plus, l’enquête de la Fondation Jean-Jaurès réalisée avec l'Ifop, et coordonnée par le Pr Michel Debout s’est penchée sur le lien entre pensées suicidaires et crise économique dans la population française. Les réponses donnent un aperçu du moral des Français, en sachant que les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 21 au 28 septembre 2020, soit avant l’annonce du reconfinement partiel.
Principal enseignement : 20% des personnes interrogées ont déjà envisagé sérieusement de se suicider. Parmi elles, 11% l'ont envisagé durant le premier confinement, 17% depuis la fin du premier confinement. Faut-il craindre des passages à l’acte dans les mois à venir ? En s’appuyant sur les exemples de la crise de 1929 et de 2008, le Pr Debout rappelle que « toutes les études montrent que les effets suicidaires des crises se font sentir dans un délai de plusieurs mois voire quelques années ». « Il y a toujours, explique-t-il, un décalage entre la déstructuration économique et sociale et les réactions des personnes les plus affectées sur le plan individuel et collectif. Elles ne trouvent comme unique issue à leur vécu de dévalorisation, de désocialisation et de dépression que leur effacement de la vie quand ce n’est pas un passage à l’acte violent pour protester contre l’injustice du monde » [2].
L’enquête révèle par ailleurs qu’au cours des douze derniers mois, 10% des Français ont pris des antidépresseurs (16% des chômeurs).
COVID-19 : prendre soin de sa santé mentale pendant l’épidémie
Rappelons une fois encore qu’il est important de ne pas rester seul face à ses difficultés et qu’il est bénéfique de pouvoir en parler. Des dispositifs en ligne existent qui proposent à toute personne en détresse psychologique, une écoute, un accompagnement et une orientation selon la nature des difficultés et des besoins exprimés.
Un numéro national gratuit : 0 800 130 000 est accessible à tous 24h/24, 7 jours/7 ;
Des sites de référence et des lignes d’aide à distance sont disponibles sur la page ressource « santé mentale et COVID » de Santé publique France : une rubrique spécifique est dédiée aux professionnels de santé.
Voir aussi notre article : Soutien psy aux soignants : les différentes options.
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Citer cet article: COVID-19 : forte hausse des états dépressifs chez les Français - Medscape - 17 nov 2020.
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