Obésité : facteur de risque à part entière d'une forme sévère de COVID

Marlene Busko

Auteurs et déclarations

12 novembre 2020

Virtuel – Une vaste étude internationale chez des patients Covid + en soins intensifs, conduite par des chercheurs lillois, a montré que le risque de pneumopathie sévère, nécessitant une ventilation mécanique, augmentait avec l'indice de masse corporelle (IMC). Et ce, indépendamment du statut vis-à-vis du diabète, de l'hypertension, de la dyslipidémie ou encore du tabac. Il existe même une corrélation linéaire entre l'IMC et la nécessité d'assistance respiratoire par ventilation mécanique, après ajustement pour la structure de soin, l'âge, le genre et d'autres facteurs de risques métaboliques.

Le risque de développer une pneumopathie sévère est « le plus élevé pour les personnes âgées et les hommes, mais le facteur de risque principal juste après ces deux-là est l'obésité » a expliqué le Dr François Pattou (chirurgien viscéral et digestif, CHU de Lille) qui a présenté ses résultats au congrès virtuel de l'ObesityWeek 2020. Son étude a été publiée en préprint dans The Lancet[1].

 
Le plus élevé pour les personnes âgées et les hommes, mais le facteur de risque principal juste après ces deux-là est l'obésité. Dr François Pattou
 

Discriminer l'IMC des autres facteurs de risque métaboliques

Le Dr Pattou et ses collègues avaient déjà alerté en avril dernier sur l'importance de l'obésité dans les formes sévères de Covid, en particulier chez les patients jeunes [2]. Ils sont à l'origine de la présente étude internationale et multicentrique.

De nombreuses études ont rapporté que parmi les patients touchés par le Covid-19, ceux qui étaient obèses avaient un risque plus élevé d'hospitalisation, d'admission en soins intensifs, d'assistance respiratoire par ventilation mécanique et de décès, mais il n'était pas clair que l'IMC soit un facteur de risque indépendant.

« Le grand nombre de patients inclus ici nous permet de démêler les rôles des différents co-facteurs métaboliques et de montrer que l'obésité, mais pas le diabète ni l'hypertension, est le principal déterminant d'une pneumopathie sévère [après l'âge et le genre] » a expliqué le Dr Pattou à Medscape Medical News.

« Cette étude représente la première collaboration internationale visant à explorer l'association entre l'IMC et les caractéristiques de la pneumopathie du Covid-19 des patients hospitalisés en soins intensifs » expliquent les investigateurs.

Près de 1500 patients dans le monde

Il s'agit une analyse rétrospective sur 1461 patients avec un Covid confirmé par une RT-PCR et ayant été admis en soins intensifs entre le 19 février et le 11 mai 2020. Les centres participant se répartissaient entre la France (13), l'Italie (3), les Etats-Unis (3), Israël (1), la Belgique (1) et l'Espagne (1).

Le Dr Pattou et ses collègues ont examiné la relation entre l'IMC, la sévérité de la pneumopathie liée au Covid-19 – définie par le besoin d'une assistance respiratoire (premier critère de jugement), et la mortalité toute cause à 28 jours (deuxième critère de jugement) parmi les patients admis en soins intensifs.

Ils ont aussi recherché à discriminer l'effet de l'IMC des autres facteurs de risque métaboliques (diabète, hypertension, dyslipidémie et tabagisme). Ils ont aussi examiné l'influence de l'âge et du genre sur ces deux critères de jugement.

Près des trois-quarts des patients étaient des hommes (73%), une proportion comparable aux autres études, a indiqué le Dr Pattou. La moyenne d'âge s'élevait à 64 ans, et l'IMC moyen était de 28,1 kg/m2. La moitié des patients avait de l'hypertension (52%), 29% du diabète, 29% de l'hyperlipidémie et 6,5% étaient fumeurs.

Obésité, assistance respiratoire et mortalité

Près des trois-quarts (74%) des participants ont eu besoin d'une assistance respiratoire par ventilation mécanique et 36 % sont décédés au cours de 28 jours suivant l'admission en soins intensifs.

Après ajustement des autres facteurs de risque, chaque augmentation de 5 kg/m2 de l'IMC était associée à une augmentation de 27 % du risque d'assistance respiratoire. Ce risque était même augmenté de 65% chez les femmes de moins de 50 ans.

 
Après ajustement...chaque augmentation de 5 kg/m2 de l'IMC était associée à une augmentation de 27 % du risque d'assistance respiratoire.
 

Le genre masculin et chaque décennie d'âge supplémentaire étaient associées respectivement à une augmentation du risque d'assistance respiratoire de 82 % et de 17%. L'hypertension, le diabète, l'hyperlipidémie et le tabagisme n'étaient pas associés à une augmentation du risque.

Après ajustement pour l'hôpital, l'âge, le genre et les facteurs de risque métaboliques, l'obésité de classe III (IMC ≥ 40 kg/m2) est associée à une augmentation de 68 % du risque de mortalité en comparaison aux patients maigres.

Les résultats étaient similaires dans tous les centres.

Le paradoxe de l'obésité 

L'étude a également mis en évidence un « paradoxe de l'obésité » pour la mortalité après l'admission en soins intensifs.

En comparaison avec des patients maigres (IMC< 25 kg/m2), les patients avec une obésité massive (obésité de classe III, IMC ≥ 40) présentaient un risque augmenté de décès au cours des 28 jours après l'admission. Les patients avec une obésité moins sévère (IMC compris entre 25 et 39,9) présentaient un risque diminué par rapport aux patients maigres.

« Le deuxième résultat original de notre étude est la relation non-linéaire entre l'IMC et le taux de mortalité toute cause chez les patients en soins intensifs » a en effet indiqué le Dr Pattou.

Le chirurgien Dr Matteo Rottoli (Université de Bologne) avait lui aussi publié une étude en juillet sur les patients obèses infectés par le nouveau coronavirus [3]. Il estime que ce nouvel essai « confirme les résultats de [leur] étude qui indiquaient que l'obésité était un facteur de risque indépendant pour l'admission en soins intensifs et le décès ».

Le Dr Rottoli et ses collègues ont découvert que dans leur population de patients Covid +, un IMC supérieur à 35 kg/m2 était associé à un risque plus important de décès.

Les patients atteints d’obésité sévère doivent se protéger

Le message à retenir de cette recherche est « que l'obésité devrait être considérée comme l'un des plus importants paramètres d'identification des populations à risque » en cas de contamination au Sars-Cov2. Des populations qui devraient prendre davantage de précautions comme la distanciation sociale, a souligné le Dr Rottoli. Le Dr Pattou approuve, en particulier pour les formes d'obésité les plus sévères.

 
L'obésité devrait être considérée comme l'un des plus importants paramètres d'identification des populations à risque. Dr Matteo Rottoli
 

Les médecins des services de soins intensifs ont beaucoup appris sur la prise en charge de la pneumopathie liée au Covid, notamment ne pas précipiter l'intubation, recourir aux corticostéroïdes, a-t-il rappelé.

« La population générale a aussi beaucoup appris. Nous pouvons espérer que les patients obèses, en particulier ceux avec une obésité sévère, prendront des mesures supplémentaires pour se protéger, ce qui permettrait de diminuer l'incidence de la pneumopathie sévère chez les patients jeunes et sévèrement obèses » a-t-il ajouté.

Dans leur article, les auteurs considèrent que « les preuves disponibles devraient encourager les interventions auprès des patients présentant le risque le plus élevé de pneumopathie sévère afin de diminuer les tensions des services de soins intensifs partout dans le monde. »

 

L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous l’intitulé “Obesity Biggest Risk for COVID-19 Pneumonia, After Age, Male Sex”.  Traduit/adapté par Marine Cygler.

 

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