Paris, France — Où s’installer ? A quel moment? Faut-il opter pour le statut de collaborateur ou d’associé en intégrant un cabinet ? Quel contrat signer? Au cours d’un atelier des Journées nationales de médecine générale (JNMG 2020 ), deux représentants du syndicat ReAGJIR (Regroupement Autonome des Généralistes Jeunes Installés et Remplaçants) sont venus apporter des conseils pratiques pour réussir son installation [1].
S’installer seul ou avec d’autres praticiens, en optant pour le statut de collaborateur, d’associé ou de remplaçant, avec une activité incluant ou non des visites médicales… En médecine générale, « les modes d’exercice sont multiples », a rappelé le Dr Clément Menigoz, secrétaire général adjoint du syndicat ReAGJIR, en guise d’introduction.
En conséquence, devant toutes ces options, « l’objectif prioritaire est de définir son activité », en fonction de son choix de vie, estime le médecin généraliste. D’où l’intérêt, selon lui, d'avoir si possible une expérience au préalable en tant que médecin remplaçant pour évaluer les différentes manières de travailler et mieux cerner ses préférences en termes d’activité et de conditions de travail.
Définir son lieu d’activité
Le lieu d’installation peut aussi avoir un impact sur l’activité professionnelle du médecin et son évolution dans le temps. Pour aider à le choisir, le syndicat recommande de passer par Cartosanté pour avoir un aperçu des différents indicateurs selon les régions. Cette base de données permet notamment de connaitre, au niveau local, la consommation et l’offre de soins.
Le praticien peut aussi faire le choix de s’installer en zone sous-dotée (zone d’intervention prioritaire, zone d’action complémentaire et zone d’accompagnement régional) pour bénéficier d’une aide à l’installation. « Les montants peuvent aller jusqu’à 50 000 euros pour un engagement en général d’une durée de 5 ans », précise le Dr Menigoz.
Vient ensuite la question de savoir quand concrétiser son installation. Si, pour faciliter la comptabilité, il est conseillé de s’installer en début d’année, il apparait surtout fondamental de ne pas se précipiter. « Il faut prendre le temps de faire le point sur les différents types de contrat, les modalités d’association », tout en tenant compte de certains détails pratiques (démarches administratives, délai de livraison de matériel…).
En cas d’installation en groupe, il faut en effet choisir entre l’association et la collaboration. « L’association est à considérer comme un contrat à durée indéterminée, tandis que la collaboration peut se faire sous forme de contrat à durée déterminée », a précisé le Dr Agathe Lechevalier, médecin généraliste et chargée de mission des régions sud au syndicat ReAGJIR. Il est donc conseillé de s’informer au mieux sur le cabinet et les futurs associés avant de s’engager.
Des contrats-types du CNOM
Dans le cas de la collaboration, il s’agit de rejoindre un cabinet existant, sans investissement initial, en instaurant une collaboration avec un ou plusieurs médecins. Une redevance (forfaitaire ou proportionnelle au chiffre d’affaire) est versée en contrepartie pour payer les charges fixes du cabinet. Le collaborateur est moins impliqué dans le fonctionnement du cabinet et, par conséquent, « a moins de poids dans les prises de décision ».
L’association implique, en revanche, un investissement initial. En rejoignant un cabinet existant, il peut être nécessaire de racheter des parts de la société. La participation financière est précisée dans les statuts de la société et peut être fixe ou représenter un pourcentage du chiffre d’affaire.
Des contrats-type selon le mode d’exercice sont mis à disposition sur le site du Conseil national de l’Ordre des médecins (CNOM). « Il est important de bien définir les termes du contrat », en vérifiant notamment les conditions à respecter en cas de rupture, souligne le Dr Lechevalier. Le syndicat recommande de soumettre le contrat au conseil de l’Ordre avant toute signature pour vérifier qu’il est bien en règle juridiquement.
« Il faut bien prendre le temps de lire les contrats avant de signer », a insisté, de son côté, le Dr Menigoz avant de préciser que beaucoup de sollicitations auprès du syndicat concernent des problèmes liés à un contrat mal compris ou contenant des clauses négligées. Des clauses de non-concurrence peuvent, par exemple, définir un périmètre dans lequel le médecin ne pourra pas exercer en cas de rupture. Cette clause, non obligatoire, peut être retirée.
Anticiper les démarches administratives
Est-il préférable de créer son cabinet ou de reprendre une patientèle? Chaque situation a ses avantages et ses inconvénients. « Avec une création, on choisit tout à son goût, mais le début d’activité peut être faible en volume. En reprenant un cabinet, l’activité est déjà en place », précise le Dr Lechevalier. En cas de reprise, le prédécesseur peut proposer de racheter son matériel, mais en aucun cas sa patientèle, ni demander un pourcentage de son chiffre d’affaire.
Concernant les démarches auprès des différents organismes, il faut savoir anticiper, notamment pour avoir la validation du Conseil de l’ordre. « La prise de contact avec le Conseil départemental de l’ordre des médecins (CDOM) doit se faire au moins deux à trois mois avant l’installation ». Le conseil doit notamment valider les différents contrats (société, collaboration, bail des locaux…).
L’inscription auprès du CDOM, qui permet également d’obtenir la carte de professionnel de santé (CPS), peut s’effectuer dès la soutenance de thèse. Elle est indispensable pour se déclarer à la Caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) auprès du service « Relations avec les professionnels de santé » et signer la convention choisie (secteur 1, 2 ou 3). Les premières feuilles de soins sont alors remises au praticien.
Vient alors l’inscription à URSSAF pour obtenir son numéro SIRET, après création ou modification d’activité. L’installation implique de régler les cotisations incluant les allocations familiales, la cotisation d’assurance maladie, la contribution à la formation professionnelle et la contribution aux unions régionales des professionnels de santé (CURPS), « qui représentent uniquement les praticiens installés ».
La CARMF de pair avec l’URSSAF
Après obtention de la thèse, il est également obligatoire de s’affilier à la Caisse autonome de retraite des médecins français (CARMF), qui gère les régimes d’assurance vieillesse des médecins libéraux. L’affiliation est à réaliser dans le mois qui suit la première inscription au CDOM. La CARMF, dont l’avenir dépend de la réforme des retraites, verse également une rente en cas d’invalidité et des indemnités journalières après 90 jours d’arrêt maladie.
La déclaration des revenus auprès de la CARMF est commune avec celle de l’URSSAF. Pour les médecins libéraux de secteur 1, le syndicat met à disposition sur son site internet un simulateur permettant d’avoir un aperçu des cotisations à régler auprès des deux organismes. Le calcul se fait à partir des revenus annuels.
Concernant les assurances, la RCP (Responsabilité civile professionnelle) est obligatoire. Le prix varie selon les compagnies et les activités de soins déclarées. Il faut aussi prévoir l’assurance des locaux, du véhicule, une prévoyance qui permet d’avoir des indemnités en cas d’arrêt maladie (délai de carence variable selon les contrats) et enfin une Assurance volontaire Accident du travail (AVAT), non obligatoire.
En terme de comptabilité, il est préférable d’opter pour un régime de bénéfices non commerciaux (BNC) lorsque le chiffre d’affaire > 70 000 euros par an ou de frais professionnels > 24% du chiffre d’affaire, a indiqué le Dr Le Chevalier. « Il faut alors noter et déclarer tous ses frais. »
Pour sa déclaration d’impôts, mieux vaut passer par l’Association de gestion agréée (AGA), qui se charge de valider les comptes avant de transmettre la déclaration aux impôts. « Sinon, l’administration fiscale n’hésite pas à appliquer une majoration de 25% des bénéfices imposables ». Il faut compter près de 200 euros par an pour s’offrir les services de l’AGA.
Avec un régime en micro-BNC (chiffre d’affaire < 70 000 euros et abattement systématique de 34% pour frais professionnels), il n’est pas nécessaire de passer par l’AGA.
Enfin, il est obligatoire d’avoir un compte uniquement dédié à son activité professionnelle. Il vaut mieux alors opter pour un compte professionnel, sans hésiter à négocier les frais bancaires. Celui-ci permet de recourir à un comptable et de proposer à ses patients de payer par carte bancaire.
Au final, l'installation en libéral reste associée à une prise de risque et à de nombreuses démarches. Des facteurs probablement responsables en partie du fait que dans la réalité, seuls 12% des nouveaux inscrits s'installent en libéral et 1% en mixte alors que 62% des nouveaux professionnels sont salariés, selon une enquête réalisée auprès de plus de 15 000 médecins par la commission jeunes médecins du Conseil national de l’Ordre (CNOM) l’année dernière.
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Citer cet article: Médecin généraliste: le B.A.-BA pour réussir son installation en libéral - Medscape - 6 nov 2020.
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