Pénurie de vaccins contre la grippe : la polémique enfle

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

5 novembre 2020

France – Trois semaines après le début de la campagne de vaccination contre la grippe saisonnière, rien ne va plus.  Dans nombre de pharmacies, les stocks sont épuisés. Le ministre de la Santé Olivier Véran expliquait le mardi 3 novembre que « 18% des pharmacies [...] étaient à date en rupture de stock ». Un pourcentage bien plus faible que celui annoncé par l'Union syndicale des pharmaciens d'officine (USPO ) qui, après enquête auprès de ses adhérents, avance que la pénurie est bien plus large. Elle concernerait 80 à 90% des pharmacies, lesquelles ne seraient plus en mesure de répondre aux demandes des patients, y compris les populations cibles avec des bons de prise en charge. Pour l'USPO, ce sont les laboratoires qui sont les grands responsables de cette situation inquiétante.

« Manque de réactivité des labos »

Lancée le 13 octobre dernier, la campagne de vaccination contre la grippe saisonnière a suscité un engouement inédit. Rappelons que depuis la fin de l'été les médecins et les sociétés savantes ont multiplié les déclarations sur l'importance particulière de cette vaccination pour la saison 2020-2021 qui va voir circuler de façon concomitante le virus de la grippe et le nouveau coronavirus. La principale crainte est que la co-infection augmente considérablement le risque de mortalité et engorge les hôpitaux.

La France s'est donnée l'objectif d'atteindre 75 % de couverture vaccinale telle que préconisée par l'OMS. Mais elle n'a pas  élargi la vaccination à de nouvelles populations cibles en raison du contexte de la Covid-19 comme l’ont fait d'autres pays, et notamment l'Angleterre. Le ministère de la Santé a même demandé que les personnes à risque soient prioritaires pour recevoir le vaccin et d'attendre fin novembre pour la vaccination des personnes qui n'étaient pas munies de bon de l'Assurance Maladie.

Reste qu'en une dizaine de jours, les pharmacies ont « dispensé 7 millions de doses et vacciné 2 millions de personnes » selon les chiffres de l'USPO. « On a vacciné en l'espace de quelques jours plus de Français que ceux qu'on vaccine habituellement en plus d'un mois » a confirmé Olivier Véran au micro de la matinale de RTL tout en se voulant rassurant puisque selon lui « les labos continuent de produire des vaccins en temps réel et alimentent les pharmacies ». Un optimisme que ne partage par l'USPO.

 
On a vacciné en l'espace de quelques jours plus de Français que ceux qu'on vaccine habituellement en plus d'un mois  Olivier Véran
 

Lors d'une visioconférence, par la voix de son vice-président Pierre-Olivier Variot, l'USPO a expliqué que les laboratoires étaient responsables de cette pénurie car ils avaient choisi d'étaler les livraisons. En conséquence, les pharmacies sont livrées au compte-goutte et les frigos se vident aussi vite qu'ils se remplissent. Impossible donc de répondre à la demande.

Et pourtant d'après Pierre-Olivier Variot, la consigne de privilégier pour l'instant les seules populations cibles semble avoir été bien suivie : seuls 7 % des patients ne présentent pas de bon, parmi lesquels, souligne-t-il, on recense des personnels d'Ehpad et des officines ainsi que des patients qui, sans être dans la cible de l'Assurance maladie, sont des patients fragiles auxquels le médecin traitant a prescrit le vaccin.

En revanche, Pierre-Olivier Variot pointe les nombreuses entreprises qui auraient détourné quantité de doses de vaccin pour vacciner en masse leurs salariés.

Pas de doses supplémentaires d'après l'USPO

Quid des doses supplémentaires ? L'an dernier, les pharmaciens disposaient de 11 millions de doses. Pour cette nouvelle campagne vaccinale, ce nombre aurait dû être bien plus élevé. « L'industrie a mis 20% de doses en plus, mais par rapport aux doses qu'elle avait prévu de nous donner » explique Pierre-Olivier Variot. Or, les laboratoires auraient prévu de livrer moins de doses cette année. « On n'aura pas les 15 millions qui étaient prévues, mais de l'ordre de 13 millions de doses à distribuer à nos patients » conclut-il.

 
On n'aura pas les 15 millions qui étaient prévues, mais de l'ordre de 13 millions de doses à distribuer à nos patients  Olivier Véran
 

Cela dit, l'Etat, devant l'engouement pour la vaccination antigrippale de l'hémisphère sud, a de son côté commandé 1,5 à 1,8 millions de doses qui constituent un stock d'Etat. Gilles Bonnefond, président de l'USPO, imagine, qu'à l'instar des masques, ce stock sera redistribué dans les pharmacies. « Le ministère fait aussi beaucoup pour essayer de récupérer un maximum de doses » indique-t-il. Une denrée rare sur un marché européen extrêmement tendu.

 

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