France -- L’étude américaine ASPREE[1] a permis d’établir le risque absolu des sujets âgés d’avoir une hémorragie digestive avec ou sans un traitement par aspirine faible dose. Ainsi, un sujet de 70 ans sans facteur de risque hémorragique particulier a un risque de saignement gastro-intestinal de 0,22% [0,14-0,33], et une personne de plus de 80 ans a un risque supérieur (0,52 [0,36-0,75]). Traité par aspirine 100 mg, le premier voit son risque accru à 0,40%. Le second, s’il est fumeur et présente une insuffisance rénale chronique, voit son risque augmenter jusqu’à 5,76% [2,38-11,32].
Le sur-risque de saignement gastro-intestinal lié à la prise d’aspirine est parfaitement connu mais l’incidence sous traitement par rapport au risque individuel hors traitement n’est pas précisément déterminée en population générale, ou pour les sujets âgés réputés fragiles face à ce risque. Les seules données sont observationnelles ou issues d’études ayant regroupé un faible effectif.
Un essai randomisé sur près de 20 000 personnes âgées
En conséquence, les investigateurs de l’essai ASPREE (ASPirin in Reducing Events in the Elderly) ont mené une analyse spécifique à partir d’une large cohorte de près de 20 000 personnes âgées non institutionnalisées.
ASPREE est un essai clinique randomisé américain ayant comparé la survie sans invalidité chez des personnes âgées de 70 ans et plus (ou ≥65 ans pour les personnes afro-américaines et hispaniques) lorsqu’elles étaient traitées par 100 mg d'aspirine enrobée versus placebo. Les personnes ont été recrutées entre mars 2010 et décembre 2014 et leur suivi assuré jusqu’en juin 2017. Elles devaient notamment ne pas avoir de pathologie cardiovasculaire, de risque hémorragique significatif ou d’anémie et avoir une espérance de vie d’au moins 5 ans. Les auteurs ont repéré dans ce travail la survenue de saignements gastro-intestinaux significatifs (documentés cliniquement ou à l’imagerie, ou nécessitant une hospitalisation, une chirurgie, une transfusion ou ayant une évaluation fatale).
Le vieillissement était aussi associé à un risque accru de saignement
Au total, 19 114 personnes ont été recrutées (âge médian 74 ans, 44% d’hommes, 4% de fumeurs, 25% sous IPP). Au cours du suivi (durée médiane 4,7 ans), 264 évènements hémorragiques gastro-intestinaux ont été recensés chez 257 participants, 137 étaient des saignements hauts et 127 des saignements bas. Deux décès liés à des hémorragies gastro-intestinales sont survenus dans le groupe placebo.
Les évènements se sont produits majoritairement dans le groupe aspirine (162 versus 102), soit un hazard ratio de 1,61 [1,26 -2,08], p=0,002) sans évolution significative avec le temps. Le HR était respectivement de 1,87 ([1,32 -2,66], p<0,001) pour les saignements hauts, soit 2,1 évènement pour 1.000 personnes-années dans le groupe aspirine contre 1,1/1.000 dans le groupe placebo. Il était de 1,36 ([0,96-1,94], p=0,08) pour les saignements bas, soit 1,7 et 1,3 évènements pour 1.000 personnes-années dans les groupes aspirine et placebo respectivement.
Après ajustement multivarié, l'aspirine était associée à un HR ajusté de 1,62 ([1,25-2,10], p<0,001). Le vieillissement était aussi associé à un risque accru de saignement, le risque des personnes de 75-79 ans étant d’environ 60% supérieur aux personnes de moins de 75 ans (HR 1,59 [1,18-2,18]), et celui des plus de 80 ans étant près de 3 fois supérieur (HR 2,91 [IC 2,12 -3,99]). Par ailleurs, l’existence d’une hypertension artérielle ou d’un tabagisme actuel ou ancien multipliait le risque par plus de 2 (2,12 [1,16-3,88]) et l'IRC par 1,5 (HR 1,46 [1,12-1,91]).
Cet article a été publié initialement sur Univadis.fr du groupe Medscape.
Actualités Medscape © 2020 WebMD, LLC
Citer cet article: Sujets âgés et aspirine : le risque d'hémorragie digestive n'est pas le même pour tous - Medscape - 27 oct 2020.
Commenter