Mortalité plus élevée chez les patients souffrant de troubles mentaux hospitalisés pour COVID-19

Batya Swift Yasgur

Auteurs et déclarations

20 octobre 2020

New Haven, Etats-Unis -- Avoir un diagnostic de maladie psychiatrique préalable à une hospitalisation pour Covid-19 est lié à une augmentation significative du risque de décès, selon une étude publiée dans le JAMA Network Open le 30 septembre [1].

En se basant sur les données de près de 1700 patients d’un hôpital psychiatrique de New Haven (Connecticut), des chercheurs font état d’un taux 1,5 plus élevé de décès chez ceux qui avaient un diagnostic de pathologie psychiatrique préalable à leur hospitalisation pour Covid-19 par rapport à ceux qui n’avaient pas un tel diagnostic.

Impact négatif

« Soyez attentifs et gérez/traitez potentiellement une pathologie psychiatrique sous-jacente si un patient est hospitalisé pour Covid, car ce facteur de risque peut impacter l’issue pour le patient – à savoir le décès – quand il sera à l’hôpital » a déclaré à Medscape Medical News le Dr Luming Li, principale investigatrice, professeur assistant en psychiatrie et directrice médical associée à l’amélioration de la qualité (Hôpital psychiatrique de Yale New Haven, New Haven, Etats-Unis).

« Nous cherchions à en savoir plus sur l’impact d’un diagnostic psychiatrique sur la mortalité par Covid-19, car de vastes études se sont déjà intéressées aux pathologies neurologiques et autres, mais elles n’ont pas évalué les diagnostics psychiatriques posés préalablement à l’infection, a indiqué Li.

« Nous savons de par la littérature qu’un diagnostic psychiatrique antérieur peut avoir un impact négatif sur l’issue de pathologies médicales, et de fait nous avons voulu tester l’hypothèse sur une cohorte de patients hospitalisés pour Covid-19 » a-t-elle ajouté.

Pour conduire leurs investigations, les chercheurs ont analysé les données de 1685 patients hospitalisés pour Covid-19 entre le 15 février et le 25 avril 2020, et dont les cas ont été suivis jusqu’au 27 mai 2020. Les patients (âge moyen 65,2 ans [18,4]; 52,6% d’hommes) sont issus du système de santé du Yale New Haven). La période de suivi était de 8 (4-16) jours.

Risque plus élevé même après ajustement

Sur ces patients, 28% avaient reçu un diagnostic psychiatrique antérieur à l’hospitalisation. Les patients avec des désordres psychiatriques étaient significativement plus âgés et plus susceptibles d’être des femmes, blanches, non-hispaniques, avec des co-morbidités (cancer, pathologie cérébro-vasculaire, insuffisance cardiaque, diabète, pathologie rénale, pathologie hépatique, infarctus du myocarde, et/ou VIH).

Les diagnostics psychiatriques ont été définis sur la base des codes ICD (classification internationale des maladies) qui inclus la santé mentale et comportementale, la maladie d’Alzheimer et l’automutilation.

Le tableau suivant montre les taux de mortalité des patients psychiatriques vs non psychiatriques hospitalisés pour Covid-19 (P < 0,001).

2 semaines

35,7% vs 14,7%

3 semaines

40,9% vs 22,2%

4 semaines

44,8% vs 31,5%

Avant ajustement, le risque de décès à l’hôpital lié au Covid-19 était plus important pour ceux qui avaient reçu un diagnostic psychiatrique comparé à ceux qui n’en avaient pas (hazard ratio : 2,3; [IC95% : 1,8 – 2,9; P < 0,001]).

Dans un modèle ajusté sur les caractéristiques démographiques, d’autres comorbidités médicales, l’emplacement de l’hôpital, le risque de décès décroit mais reste significativement plus élevé (HR : 1,5; IC95% : 1,1 – 1,9; P = 0,003).

Le Dr Li note qu’un certain nombre de facteurs peuvent expliquer ce taux de mortalité plus élevé, y compris « de potentielles réponses de stress et inflammatoire que le corps expérimente du fait de pathologies psychiatriques antérieures » dit-elle.

Avoir été diagnostiqué préalablement pour un trouble psychiatrique peut aussi « être le reflet de différences neurochimiques, et ces différences peuvent rendre la population préalablement diagnostiquée plus vulnérable quand il s’agit de répondre à un stress aigu comme la maladie à Covid-19 » considère la chercheuse.

Qualité des soins

Commentant ces résultats pour Medscape Medical News, le Pr Harold Pincus (service de psychiatrie, faculté de médecine de Vagelos, Université de Columbia, New York) a affirmé qu’ils s’ajoutaient au phénomène relativement bien connu et établi que les personnes souffrant de pathologies mentales sont à haut risque de toutes sortes de comorbidités et de mortalité pour des pathologies non psychiatriques ».

Les chercheurs ont ajusté leurs données pour plusieurs risques attendus de mortalité, indépendants de la présence du Covid-19, ce qui « montre bien qu’il se passe quelque d’autre associé à la mortalité » ajoute le Pr Pincus, qui n’a pas de liens avec l’étude.

Au-delà de la possibilité qu’il y ait des processus immunologiques basiques affectés par la présence d’un trouble mental », il est possible, selon lui, que la vulnérabilité puisse être « liée à des problèmes d’accès à des soins de qualité pour les comorbidités, qui, de fait, ne soient pas correctement prises en charge ».

« Le message à retenir est que les personnes avec des désordres mentaux sont à forts risque de décès, et nous devons nous assurer qu’indépendamment du Covid-19, ils obtiennent des soins en termes de prévention et de traitement pour leurs pathologies chroniques, ce qui serait la façon la plus efficace de les protéger de l’impact d’une pathologie aussi sérieuse que la Covid-19 » note-t-il. Cela implique d’être correctement vacciné et de recevoir des incitations à réduire leur consommation de tabac et des encouragements à perdre du poids.

Interrogé sur cette étude par Medscape édition française, le Pr Florian Ferreri, psychiatre à l’hôpital Saint-Antoine (Paris), a indiqué ne pas disposer de ce type de données pour la France. « On s’est aperçu avec les chiffres dont nous disposons en France que les patients étaient peut-être moins touchés par le virus, pour des raisons que nous ne connaissons pas bien mais qui pourraient faire intervenir un traitement psychotrope protecteur. En revanche, pour des raisons – peut-être propres à la pathologie psychiatrique – mais plus probablement liées à leur état de santé général – moins bon que celui de la population générale – et de comorbidités (de type cardiovasculaires et/ou respiratoires), une fois que ces patients sont infectés par le Covid-19, alors il n’est pas surprenant que leur pronostic soit plus mauvais que celui de la population sans troubles psychiatriques » a-t-il commenté.

Aucune source de financement n’est indiquée pour cette étude. Le Dr Li a rapporté des bourses pour jeune chercheur dans le cadre de la politique Santé et vieillissement. Les liens d’intérêt des autres auteurs figurent dans l’article.

L’article a été publié initialement sur Medscape.com sous le titre Mental Illness Tied to Increased Mortality in COVID-19. Traduit et complété par Stéphanie Lavaud pour Medscape France.

 

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