Traitement hormonal de la ménopause et risque TEV: l’intérêt de la voie transdermique confirmé

Vincent Richeux

15 octobre 2020

Paris, France -- Quel traitement hormonal administrer aux femmes ménopausées souffrant de troubles climatériques pour limiter le risque thromboembolique veineux? Lors des Journées nationales de médecine générale (JNMG 2020 ), le Dr Sandrine Pérol (hôpital Cochin, AP-HP, Paris) a présenté les dernières données de la littérature, qui confirment que ce risque est absent lorsque les estrogènes sont administrés par voie transdermique [1].

En évitant un premier passage hépatique, le traitement par voie transdermique limite la modification de certains paramètres biologiques favorisant la coagulation, a expliqué la gynécologue. Les études montrent qu’il y a « une hausse du risque thromboembolique avec les estrogènes administrés par voie orale », qui induiraient notamment une baisse des inhibiteurs de coagulation.

Le THM est recommandé en première intention dans le traitement des troubles symptomatiques de la ménopause en cas d’altération de la qualité de vie. Dans ses recommandations, la Haute autorité de santé (HAS) souligne la « nécessité d’une prescription à dose minimale et pour une durée limitée ». Les femmes doivent être informées des risques inhérents au traitement et l’intérêt de celui-ci est à réévaluer « au moins une fois par an », en prenant en compte de l’évolution du rapport bénéfice/risque.

Risque accru la première année

Les restrictions concernant la prescription du THM sont liées au risque de cancer du sein, qui augmente avec la durée du traitement et s’avère plus important avec la combinaison estrogènes-progestérone prise en continu, au risque de cancer de l’endomètre, qui justifie l’administration d’un progestatif chez les femmes non

hystérectomisées, ainsi qu’au risque thromboembolique veineux et d’accident vasculaire cérébral (AVC), essentiellement la première année.

Les troubles climatériques sont fréquents lorsque survient la ménopause. Menée auprès de 1001 femmes âgées de 45 à 65 ans, une enquête a montré que 82% des femmes interrogées ont déjà ressenti au moins un symptôme lié à la péri-ménopause ou à la ménopause. Parmi les symptômes les plus fréquents figurent les coups de fatigue, les troubles du sommeil, les bouffées de chaleur, les sueurs nocturnes et la prise de poids.

Pour rappel, le THM combine estrogène et progestatif (sauf en cas d’hystérectomie). Administrés par voie orale ou transdermique (gel ou patch), les estrogènes sont d’origine synthétique (estrogène équin) – peu utilisés en France – ou naturelle (17β-estradiol). Les progestatifs incluent la progestérone naturelle (Utrogestan®, Estima®), les prégnanes (Luteran®, Androcur®, Colprone®, Gestoral®) et les norpregnanes (Lutenyl®, Surgestone®).

De nombreuses controverses

Ce traitement a connu, depuis les années 2000, une forte baisse des prescriptions, qui a débuté après la publication des données de la Women’s Health Initiative (WHI) [2]. Cette vaste étude randomisée américaine a notamment rapporté une hausse du risque d’infarctus du myocarde avec le traitement estroprogestatif (RR=1,29, IC à 95%, [1,02-1,63]), en majorité lors de la première année de traitement.

Ces travaux, qui ont également montré un sur-risque de cancer du sein et d’AVC, ont fait l’objet de nombreuses controverses notamment sur la population étudiée ou sur les traitements employés, largement représentés par des hormones synthétiques. Une nouvelle analyse a ensuite révélé que le risque cardiovasculaire est minoré lorsque le traitement est pris au plus tôt et pendant moins de dix ans.

Par la suite, d’autres études, comme ESTHER, ont conclu que ce sont les estrogènes pris par voie orale, qui sont en cause dans la hausse du risque de thrombose. Dans cette étude, le risque d’événement thromboembolique est presque quatre fois plus élevé chez les femmes ménopausées sous THM par voie orale, que chez les femmes ménopausées non traitées [3]. L'estrogène utilisé était en grande majorité le 17β-estradiol.

A l’inverse, l’étude a montré que les estrogènes ne sont pas associés à une hausse du risque thromboembolique lorsqu’ils sont administrés par voie transcutanée. Les doses d’estradiol délivrées par cette voie étaient < 50 μg/jour chez 85 % des utilisatrices. Les doses prises par voie orale étaient, quant à elles, comprises entre 0,5 et 2 mg/jour (1,5 mg/jour en moyenne).

La progestérone naturelle plus sûre

Une récente méta-analyse, publiée en 2018, a repris les données de 22 études, dont ESTHER, évaluant plusieurs modalités d’administration du THM [4]. A nouveau, elle montre un risque thromboembolique accru avec le traitement oral par estrogène, en particulier lorsqu’il est combiné avec un progestatif (OR= 2,35, IC à 95%, [1,9-2,9]), tandis que la voie non orale n’a pas d’effet sur ce risque (OR 0,92, IC à 95%, [0,77–1,09]).

Selon l’analyse, le risque thromboembolique est augmenté de 66% chez les femmes prenant le traitement estroprogestatif par voie orale, comparativement à celles qui prennent les estrogènes par voie transdermique (OR= 1,66, IC à 95%, [1,39-1,98]).

D’autres études se sont focalisées plus particulièrement sur le risque associé à l’utilisation des progestatifs, qui apparait variable d’une molécule à l’autre. Une récente méta-analyse a ainsi montré que le risque de thrombose veineuse n’est pas modifié chez les femmes utilisant la progestérone naturelle micronisée, la plus prescrite en France, contrairement aux dérivés norpregnanes [5].

Concernant les femmes ayant un profil cardiovasculaire plus à risque, les données sont également en faveur du traitement estrogénique par voie transcutanée. C’est le cas pour les femmes présentant une thrombophilie héréditaire et pour celles ayant des antécédents de maladie thromboembolique [6,7]. « Les résultats sont à confirmer par des essais randomisés contrôlés », a souligné le Dr Pérol.

Quelle ordonnance?

« La voie transdermique permet d’éviter le premier passage hépatique qui est responsable de la modification de certains paramètres biologiques. Administré par voie orale, l’estradiol augmente certains facteurs procoagulants, telle que la prothrombine, et a tendance à diminuer les taux en inhibiteurs de la coagulation », comme la protéine S et l’antithrombine.

La voie transdermique permet d’éviter le premier passage hépatique qui est responsable de la modification de certains paramètres biologiques Dr Pérol

« Les estrogènes par voie percutanée ont un effet globalement neutre sur le risque thromboembolique, en particulier lorsqu’ils sont associés à la progestérone micronisée », a conclu la gynécologue. « Il faut rester prudent avec les dérivés norprégnanes et, même si le risque de thrombose est moindre avec les prégnanes, leur utilisation est déconseillée », en raison du risque de méningiome.

Pour terminer sa présentation, le Dr Pérol a exposé ce qu’elle considère être une ordonnance type de THM pour une patiente confrontée à un trouble climatérique:

  • Estradiol en traitement discontinu sous forme de gel (1 à 1,5 mg par jour) ou de patch (37,5 ou 50 μg à changer tous les trois jours) de J1 à J25;

  • Progestérone 200 mg. Un comprimé le soir au coucher de J1 à J25 (ou au moins 12 jours par mois). En cas de somnolence, la voie vaginale peut être envisagée.

  • Traitement trophique vaginal

  • Vitamine D

L’ordonnance est valable trois mois et peut être renouvelée après une nouvelle évaluation. « Le THM est à adapter au cas par cas pour une durée maximale qui, normalement, ne doit pas dépasser dix ans. »

Les estrogènes par voie percutanée ont un effet globalement neutre sur le risque thromboembolique, en particulier lorsqu’ils sont associés à la progestérone micronisée Dr Pérol

 

Le Dr Pérol n’a pas déclaré de liens d’intérêt.

 

 

 

 

 

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....