Vaccination antigrippale 2020-2021: une stratégie qui diffère de celle de nos voisins anglais

Aude Lecrubier

13 octobre 2020

France -- La campagne de vaccination antigrippale a débuté ce mardi 13 octobre 2020, alors que pour la première fois, le premier ministre, Jean Castex, a prononcé les mots tant redoutés de « seconde vague forte» en parlant de la situation épidémique de Covid-19 en France hier sur Franceinfo .

L'objectif est d'atteindre 75 % de couverture vaccinale telle que préconisée par l'OMS mais il n'y aura pas d’élargissement de la vaccination à de nouvelles populations cibles en raison du contexte de la Covid-19 comme l’a fait, à l’inverse, l’Angleterre.

Pas de nouvelles populations cibles

Cette année, le gouvernement britannique a, en effet, significativement étendu le programme de vaccination contre la grippe pour atteindre environ 30 millions de personnes – soit près de la moitié de la population.

Pour la première fois, les anglais âgés de 50 à 64 ans auront le droit de se faire vacciner gratuitement contre la grippe. Et la vaccination sera également disponible pour les enfants à partir de 11 ans.

Avec un peu plus de 15 millions de vaccinations prévues, la position de la France ne s’est pas alignée sur celle de son voisin outre-Manche. Il n'y aura donc pas de vaccination "élargie" en France cette année alors même que la demande de la population pourrait s’avérer forte.

D'après une enquête d'opinion réalisée par le groupe Aésio avec Harris Interactive, 39% des français souhaiteraient se faire vacciner contre la grippe cet hiver alors qu'ils sont 26 % à déclarer s'être faits vacciner l'année dernière.

«Des enquêtes d’intention, ainsi que le retour d’expérience de La Réunion laissent pressentir une forte demande de vaccination contre la grippe par des personnes non prioritaires », a souligné pour sa part l’Ordre des Pharmaciens.

Des doses réservées aux personnes prioritaires

Cette pression a incité le directeur général de la santé à demander à ce que les doses de vaccins contre la grippe soient réservées aux personnes prioritaires.

Des enquêtes d’intention laissent pressentir une forte demande de vaccination contre la grippe par des personnes non prioritaires Ordre des Pharmaciens

A compter du 13 octobre et pendant deux mois, les vaccins doivent donc être réservés aux personnes à risque ciblées par les recommandations vaccinales. Les personnes non prioritaires auront donc accès à cette vaccination plus tardivement que d'habitude. La campagne de vaccination prendra fin le 31 janvier 2021.

Interrogés sur cette question d’un élargissement de la vaccination contre la grippe, les Prs Daniel Floret (vice-président de la Commission Technique des Vaccinations à la HAS) et Jean-Daniel Lelièvre (infectiologue, hôpital Henri Mondor, Paris), appellent avant tout à vacciner les personnes habituellement ciblées par les recommandations en vigueur.

« Doivent rester prioritaires, les gens prioritaires pour la vaccination anti-grippale », a expliqué le Pr Lelièvre pour Medscape édition française.

« En France, nous avons des recommandations vaccinales qui concernent plusieurs millions de personnes », a renchéri le Pr Floret. «  Or, nous avons des couvertures vaccinales qui sont d’un peu plus de 50 % chez les personnes âgées et qui sont de moins de 40 % chez les personnes qui ont des facteurs de risque qui sont ciblés par les recommandations*. Ces populations cibles sont également les personnes qui sont à risque de Covid. Donc, la priorité, avant de vacciner toute la population, est de vacciner ceux qui devraient l’être. Il faut vacciner ceux qui sont le plus à risque de grippe grave et de Covid. Ce que l’on espère, cette année, c’est que grâce aux campagnes de communications, ces populations cibles se fassent mieux vacciner », précise-t-il.

Doivent rester prioritaires, les gens prioritaires pour la vaccination anti-grippale Pr Jean-Daniel Lelièvre

*Les femmes enceintes, les personnes atteintes de pathologiques chroniques respiratoires, de maladies CV, de maladies rénales chroniques, de diabète, de maladies hépatiques chroniques, les immunodéprimés, les personnes obèses et les professionnels de santé, les personnes en contact avec des personnes à risque de formes graves.

 

Le vaccin antigrippal 2020-2021

La composition du vaccin antigrippal 2020-2021 a été modifiée par rapport à celle de l'année précédente. Elle comprend des virus appartenant aux souches :

-virus de type A/Guangdong-Maonan/SWL1536/2019/H1N1pdm09,

-virus de type A/Hongkong/2671/2019/(H3N2),

-virus de type  B/Washington/02/2019,

-virus de type  B/Phuket/3073/2013.

Quels objectifs ?

L’objectif de la vaccination antigrippale est non seulement de protéger les personnes à risque, mais aussi d’éviter la saturation du système de santé.

« Le système de santé va être mis à l’épreuve avec la Covid-19, ce n’est pas la peine d’y ajouter les grippe graves », souligne le Pr Floret qui ajoute que dans ce contexte de Covid-19, la vaccination des soignants est particulièrement importante : «  nous avons plus que jamais besoin des professionnels de santé ».

Aussi, même s’il existe actuellement peu de données sur la co-infection grippe/Covid-19, selon une étude anglaise, il semblerait qu’elle puisse augmenter fortement le risque de décéder (Lire Co-infection COVID-19 et grippe: un risque de décès plus que doublé?). « D’après cette petite étude, lorsqu’on est infecté par les deux virus, on a un risque beaucoup plus élevé de mourir mais, 80 % des personnes qui sont décédées dans cette étude avaient plus de 70 ans. Donc, ce sont des gens qui auraient dû être vaccinés… », précise le Pr Floret.

Le vice-président de la Commission Technique des Vaccinations à la HAS se veut toutefois rassurant : « Comme ce qui a été observé dans l’hémisphère Sud cette année, l’épidémie d’infection grippale attendue devrait, être moins importante en France du fait des mesures barrières pour lutter contre la propagation de la Covid-19, de l’utilisation de masques... ».

Faudrait-il vacciner les enfants?

A ce jour, le Royaume-Uni et les Etats-Unis ont fait le choix de vacciner une partie de leurs enfants car ces derniers sont considérés comme les réservoirs des virus grippaux. Le rationnel de cette vaccination serait donc de protéger les adultes à risque (Immunité de groupe). Devrait-on faire de même ?

« En France, la question reste posée. Mais pour l’instant, nous n’avons pas de données claires sur l’efficacité de cette approche d’immunité de groupe. Il semble qu’il y ait moins de cas de grippe dans ces pays mais c’est une tendance, nous n’avons pas d’arguments définitifs pour le dire », souligne le Pr Lelièvre

Aussi, « pour que cela marche, il faut un taux de vaccination élevé, ce qui est le cas au Royaume-Uni parce qu’ils vaccinent les enfants dans les écoles. Mais, en France, la vaccination n’est pas toujours bien acceptée », ajoute le Pr Floret.

Enfin, les vaccins atténués, disponibles sous forme nasale qui sont ceux utilisés chez les enfants, ne sont pas disponibles actuellement en France.

« Nous n’avons donc pas d’arguments clairs pour recommander cette vaccination et nous n’avons pas les bons vaccins. Je ne pense donc pas que cela soit pertinent de recommander cette vaccination à l’heure actuelle en France », conclut le Pr Floret.

 

 

 

 

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