VERTIS CV: le bénéfice procuré par l'ertugliflozine serait inférieur à celui des autres inhibiteurs du SGLT2

Mitchel L. Zoler

Auteurs et déclarations

9 octobre 2020

New York, Etats-Unis--- D’après l’étude VERTIS CV, le bénéfice cardiovasculaire procuré par l'antidiabétique ertugliflozine serait inférieur à celui des autres inhibiteurs du SGLT2.

Toutefois, des analyses complémentaires de l’étude VERTIS CV réalisée chez des diabétiques de type 2 et portant sur l'ertugliflozine, un inhibiteur du SGLT-2, ont permis de préciser ses effets positifs sur la préservation de la fonction rénale. Elles indiquent également que ce médicament pourrait être bénéfique aux patients souffrant d'une insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection réduite (HFpEF).

Des résultats un peu décevants

Dans l'ensemble, les résultats de VERTIS CV avec l'ertugliflozine sont « quelque peu décevants » aux yeux du Dr Melanie J. Davies, qui n'a pas participé à l'étude mais a présidé une session au congrès de l'EASD (Association européenne pour l'étude du diabète) [1.] Bien que les résultats observés sur l'ensemble des 8246 patients inclus dans VERTIS CV placent l'ertugliflozine au même niveau que les autres médicaments de sa classe sur le plan de la sécurité, « nous n'avons pas vu les bénéfices significatifs observés dans de nombreuses études précédentes sur la santé cardiovasculaire » pour d'autres médicaments de la classe des inhibiteurs du SGLT-2, en particulier la canagliflozine, la dapagliflozine et l'empagliflozine, a ajouté Melanie Davies. En conséquence, l'ertugliflozine « n'est [actuellement] pas susceptible de se voir attribuer de nouvelles indications. » En revanche, les autres médicaments de la classe ont, par exemple, reçu une indication officielle aux États-Unis dans la réduction de la mortalité cardiovasculaire (empagliflozine) ou des événements cardiovasculaires majeurs (canagliflozine) chez les patients porteurs d'un diabète de type 2 ou d'une pathologie cardiovasculaire, ainsi que du nombre d'hospitalisations pour cause d'insuffisance cardiaque (dapagliflozine).

L'ertugliflozine " n'est [actuellement] pas susceptible de se voir attribuer de nouvelles indications.

Un premier représentant de la classe des antidiabétiques I-SGLT2 – la  dapagliflozine – est désormais commercialisé en France, avec une publication au Journal Officiel en date du 1er avril 2020.

Les principaux résultats de VERTIS CV, publiés par le New England Journal of Medicine après la session de l'EASD et rendus  publics en juin 2020, lors de la réunion annuelle de l'Association Américaine du Diabète ont montré l'absence de bénéfice sur le critère combiné de décès d'origine cardiovasculaire, IDM non mortel et AVC non mortel  (réduction de 3%, non statistiquement significative).

Ils n'ont montré qu'une seule différence significative de résultat entre l'ertugliflozine et le placebo parmi les dix critères secondaires étudiés au cours des trois années de suivi moyen : une réduction relative de 30% (soit une réduction absolue de 1,1%) du taux d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque, qui représentait le seul effet pour lequel l'ertugliflozine égalait les autres inhibiteurs du SGLT-2.

La conception de VERTIS CV appelait à une séquence hiérarchisée d'analyses secondaires. La non-infériorité statistiquement significative du critère primaire a permis de préciser le calcul du critère secondaire initial, à savoir une réduction du taux combiné de mortalité cardiovasculaire et d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Le traitement par l'ertugliflozine a réduit ce résultat d'un pourcentage relatif de 12 % par rapport au placebo, une différence qui n'est pas significative.

Ni positives ni négatives, ces observations ont incité à s'abstenir de tests statistiques complémentaires pour l'ensemble des autres paramètres secondaires, comme l'impact sur l'hospitalisation pour cause d'insuffisance cardiaque en tant que telle. Elles ont également eu pour conséquence qu'aucun effet bénéfique éventuellement observable au travers des données de l'étude ne justifierait une validation statistique, ce qui rend peu probable que l'ertugliflozine obtienne de nouvelles indications officielles sur base de ces résultats.

Quel inhibiteur du SGLT-2 choisir ?

« Ce que nous pouvons affirmer avec certitude, c'est qu'il existe un bénéfice en termes de glycémie et du taux d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque » pour les quatre inhibiteurs du SGLT-2. « Au-delà, le mieux que nous puissions dire aujourd'hui [sur l'utilisation de ces médicaments en pratique clinique] est qu'il convient de suivre les indications légales et les recommandations », a commenté le cardiologue Javed Butler, professeur et titulaire de la chaire de médecine au Centre médical de l'université du Mississippi, à Jackson. « Ces résultats vont susciter des débats importants au sein des mondes de la recherche, de la clinique et des autorités sur les effets de classe versus effets de chaque médicament de la classe, ainsi qu'au sujet des données spécifiques des études par rapport à l'ensemble des éléments de preuve. »

De nouvelles analyses montrent une plus grande cohérence des effets rénaux. L'une des surprises créées par les premiers résultats de VERTIS CV concernait le critère principal de l'étude. Il s'agissait d'un composite de la mort rénale, de la nécessité d'une dialyse, et d'un doublement du taux de créatinine sérique – ce doublement reflète une réduction d'au moins 50% de l'eGFR. Ce critère composite indiquait un bénéfice significatif mais insuffisant, car ne produisant qu'une réduction relative nominale de 19%. Il est probable qu'on ait « placé la barre trop haut », estime le néphrologue David Cherney, qui a conduit les évaluations rénales de l'étude. Les analyses exploratoires qu'il a présentées au cours de la session virtuelle de l'EASD ont montré que l'ertugliflozine avait sa place parmi les inhibiteurs du SGLT2 en ce qui concerne les bénéfices pour la fonction rénale. Le résultat le plus convaincant de ces analyses était peut-être celui qui concernait un légerajustement du principal critère composite rénal, à savoir une réduction d'au moins 40% (au lieu de 50% ou plus) de l'eGFR. En plaçant ainsi la barre un peu plus bas, le traitement par ertugliflozine s'est vu associer à une réduction de 34% du risque relatif par rapport au placebo (soit une réduction absolue d'environ 1%). Un chiffre statistiquement significatif et, surtout, qui s'est révélé très proche de l'effet observé pour les trois autres médicaments inhibiteurs du SGLT2.

Se baser sur la prévention d'une diminution de 40% ou plus de l'eGFR « donne une mesure beaucoup plus robuste du niveau de protection rénale », ajoute David Cherney, clinicien et chercheur à l'Université de Toronto. « Le message clé est que la protection rénale procurée par l'ertugliflozine est beaucoup plus conforme » à celle des autres médicaments de la classe thérapeutique lorsqu'elle est évaluée de cette manière ou par quelques-uns des autres paramètres alternatifs que David Cherney a évoqués. Il n'empêche que ces évaluations rénales ne changent rien aux disparités observées entre les médicaments de la classe des inhibiteurs du SGLT2 sur le plan des effets cardiovasculaires.

« L'impression générale qui ressort de VERTIS CV est que l'ertugliflozine procure moins de bénéfices cardiovasculaires », à l'exception de la prévention des hospitalisations pour cause d'insuffisance cardiaque.

Un teaser pour la HFpEF

Une autre découverte notable qui a été discutée au cours de la session de l'EASD était la capacité des chercheurs à extraire, à partir des dossiers médicaux et des informations sur les antécédents d'insuffisance cardiaque ainsi que sur les fractions d'éjection ventriculaire gauche, un ensemble de données qui était « unique » en comparaison avec les autres études portant sur les effets cardiovasculaires des inhibiteurs du SGLT2, d'après le Pr Francesco Cosentino (Institut Karolinska, à Stockholm), un co-auteur de VERTIS CV.

Environ un quart des patients inclus dans l'étude présentaient des antécédents d'insuffisance cardiaque, et environ la moitié de ces patients souffraient d'une insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection préservée (HFpEF) - soit environ 1 000 patients au total. Dans ce sous-groupe, le traitement par ertugliflozine était associé à une réduction relative de 30 % des hospitalisations pour insuffisance cardiaque par rapport au placebo, ce qui correspond à une réduction absolue d'environ 0,5 %. Ces chiffres sont trop faibles pour constituer une preuve convaincante mais ils indiquent un possible bénéfice pour un besoin non satisfait et qui est actuellement le sujet d'études conçues pour rechercher spécifiquement les bénéfices éventuels dans ce sous-groupe de patients, affirme Francesco Cosentino.

L'étude VERTIS CV a été sponsorisée par Merck et Pfizer, les sociétés qui commercialisent l'ertugliflozine. La docteure Melanie Davies a été conférencière pour Merck et a entretenu des relations avec plusieurs autres sociétés. Le Dr Javed Butler est consultant pour Merck et plusieurs autres sociétés. Le docteur David Cherney a bénéficié d'honoraires de Merck, d'un soutien non financier à la recherche de la part Pfizer, et il a également entretenu des relations avec plusieurs autres sociétés. Le docteur Francesco Cosentino a bénéficié d'honoraires de Merck et de Pfizer, ainsi que d'Abbott, d'AstraZeneca, de Bayer, de Bristol-Myers Squibb et de Novo Nordisk. Mitchel Zoler et le docteur Claude Leroy ne rapportent aucun conflit d'intérêt.

 

Cet article a été publié initialement sous le titre  VERTIS CV: Ertugliflozin Benefit Falls Short of Other SGLT2 Inhibitors sur MDedge.com, qui fait partie du réseau professionnel Medscape. Traduction-adaptation du Dr Claude Leroy.

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....