Berlin, Allemagne – Selon les Prs Malik Peiris et Gabriel Leung (Université de Hong Kong), « une première génération de vaccins devrait être approuvée d'ici fin 2020 ou début 2021 ». Toutefois, et à l'inverse de nombreux espoirs soulevés, les deux chercheurs rappellent dans le Lancet [1] que pour eux, ces vaccins ne constitueraient pas forcément une solution miracle permettant de revenir à la situation que nous connaissions avant le début de la pandémie. Nombre de questions restent ouvertes qu’elles soient d’ordre l'immunologique ou relatives à la distribution de ces potentiels vaccins. Trois points notamment doivent être pris en considération :
Un vaccin pourrait-il arrêter la transmission du SARS-CoV-2 ?
En supposant un taux de reproduction s'élevant à 4, les auteurs estiment que 25 à 50 % de la population devrait être immunisée contre ce coronavirus pour espérer contenir sa propagation. L'Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande que les vaccins réduisent d'au moins 50% le risque de contracter la maladie. « Même si les futurs vaccins offraient un certain niveau de protection contre la maladie, il n'est pas sûr qu'ils réduiraient sa transmission dans la même proportion », estiment Malik Peiris et Gabriel Leung.
Les essais de vaccination réalisés sur des primates ont montré une atténuation des symptômes et de la charge virale dans leurs voies respiratoires inférieures. Le virus persistait cependant dans les voies respiratoires supérieures et continuait à se propager. Il reste à voir si, comme on l'espère, une activité immunitaire stérilisante [un phénomène grâce auquel un pathogène est éliminé du corps avant d'être capable d'infecter des cellules, NDLR] s'observera dans les voies respiratoires supérieures de l'être humain.
De plus, « la corrélation immunologique entre la Covid-19 et la protection contre l'infection par le SARS-CoV-2 reste encore inconnue », notent les auteurs, qui font référence au flou actuel sur le bénéfice réel des anticorps neutralisants déjà connus – ce qui n'empêche pas leur utilisation expérimentale voire compassionnelle, comme l'a illustré récemment le cas de Donald Trump.
D'autres questions se posent également sur l'immunité au niveau des muqueuses, sur la cytotoxicité à médiation cellulaire qui serait associée aux anticorps, et sur le rôle des lymphocytes T dans l'immunisation naturelle ou passive.
Pendant combien de temps les vaccins protègeront-ils contre d'éventuelles réinfections ?
D'après les deux spécialistes, la prévalence et la durée des réponses par anticorps neutralisants après une infection naturelle doivent encore être étudiées au moyen de meilleurs tests de neutralisation, qui utiliseraient des virus vivants. On sait que la protection acquise contre les coronavirus responsables du simple rhume disparait souvent après moins d'un an.
« Le MERS-CoV, apparenté au SARS-CoV-2, peut réinfecter les dromadaires, qui en sont naturellement porteurs. Mais on ignore s'ils sont aussi fortement infectés que lors de l'infection primaire », expliquent les auteurs. « Le MERS-CoV est enzootique dans les populations de dromadaires, malgré une séroprévalence élevée (> 90%) chez les chameaux jeunes et adultes, et cela signifie que la transmission du virus n'est probablement pas empêchée par une infection antérieure. Ces observations suggèrent que nous ne pouvons pas affirmer que les vaccins contre la Covid-19 réduiront considérablement la transmission du virus. L'idée que l'immunité induite par ces vaccins permettra à la population de revenir à la situation pré-pandémique ne peut se baser sur des hypothèses illusoires. »
Comment les vaccins devraient-ils être distribués ?
Outre les aspects immunologiques, la distribution des vaccins contre la Covid-19 soulève également des questions d'un autre ordre, d'après Malik Peiris et Gabriel Leung. Ils font référence aux stratégies développées dans nombreux pays visant à procurer des vaccins aux personnes qui présentent un risque élevé de morbidité sévère ou de mortalité. Et c'est précisément sur ce dernier point que les auteurs voient la nécessité d'agir : comme les vaccins antigrippaux sont connus pour produire moins d'anticorps neutralisants chez les personnes âgées, il conviendra de vérifier ce qu'il en sera pour les vaccins dirigés contre le SARS-CoV-2.
D'autres aspects doivent être pris en compte au sujet de la distribution des vaccins. Aux Etats-Unis par exemple, l'Académie nationale de médecine a défini deux critères supplémentaires pour déterminer qui devrait être vacciné : le risque personnel d'être infecté et l'impact qu'aurait l'infection sur l'entourage et les personnes-contacts. Vu sous cet angle, les professionnels de la santé et les enseignants, notamment, font partie de ceux qui devraient être vaccinés en priorité. Par ailleurs, « les décideurs doivent garder un œil sur l'impact potentiel du vaccino-scepticisme », indique l'article. Certains hommes politiques ont déjà exprimé la crainte que la confiance de la population puisse être encore plus ébranlée par des erreurs possibles, comme des approbations trop hâtives.
Les stratégies de distribution des vaccins ne devraient pas seulement viser les populations concernées, ajoutent les experts, mais devraient également tenir compte des différences structurelles et économiques entre les pays. Le SARS-CoV-2 touche le monde entier, et une liberté de voyager accordée prématurément pourrait entraîner une nouvelle propagation de l'infection si la vaccination est appliquée de manière inégale selon les pays.
Les Prs Malik Peiris et Gabriel Leung déclarent n'avoir aucun lien d'intérêt avec le sujet évoqué dans l'article.
Cet article a été publié initialement sur Medscape.de sous le titre Rückkehr zur Normalität eine Illusion? 3 Fragen, die deutlich machen, warum Corona-Impfstoffe kein Allheilmittel sind .Traduction-adaptation par le Dr Claude Leroy
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Citer cet article: Un vaccin contre le SARS-CoV-2 ne serait pas forcément la panacée - Medscape - 12 oct 2020.
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