Paris, France -- La Cour des comptes a présenté mercredi 7 octobre son rapport annuel sur la Sécurité sociale où elle ne peut que constater le déficit historique provoquée cette année par la crise épidémique. Pour autant, « pour sauvegarder notre système de Sécurité sociale, un maillon essentiel de cohésion et de solidarité dans notre pays, nous devons progressivement reconstruire une trajectoire de retour à l’équilibre de nos comptes sociaux » a affirmé devant la presse, Pierre Moscovici, premier président de la Cour, depuis juin [1]. Trois préconisations visent spécifiquement la branche maladie.
La dette de la Sécu s’est creusée d’environ 30 milliards
Contre évidemment toutes prévisions, celle-ci doit encaisser un surplus de dépenses occasionnées par l’épidémie de 15 milliards d’euros. Dans le même temps, la baisse, de fait, de l’activité de soins pendant le confinement a entrainé une économie involontaire de 4,5 milliards d’euros. Toujours est-il que les dépenses d’assurance maladie devraient augmenter de 7,6% par rapport à l’année précédente alors que le Parlement avait voté un objectif d’évolution de 2,45%, du jamais vu depuis la création de cet objectif en 1997. Sachant que les recettes de la Sécurité sociale se sont parallèlement effondrées de 27,3 milliards, la dette de la Sécu s’est creusée d’environ 30 milliards alors qu’elle était en passe d’être effacée. « Dans ce contexte, l’horizon d’extinction de la dette sociale a été reporté d’une décennie et demeure très incertaine » a souligné Pierre Moscovici, estimant également que « l’augmentation des recettes affectées au financement de la Sécurité sociale apparait aujourd’hui peu envisageable ».
Ainsi, même si le contexte est exceptionnel, la Cour ne peut se résoudre au laisser-aller des comptes sociaux sur le long terme. « Nous devons identifier les leviers qui permettent de remettre les comptes sur la voie de l’équilibre en agissant sur la qualité de la dépense » a ajouté le Pierre Moscovici, dans la lignée de ces prédécesseurs. S’agissant de l’Assurance maladie, les magistrats de la Cour des comptes se sont concentrés sur trois sujets en particulier.
Des GHT trop petits
Le premier est celui des groupements hospitaliers de territoires (GHT). « La réforme de la coopération hospitalière en 2016, visant à améliorer l’accès à des soins de qualité et à rechercher une gestion plus économe, doit être poursuivie » écrivent les magistrats dans le rapport au sujet des GHT dont l’utilité n’est aujourd’hui plus vraiment contestée. Pour autant, la Cour estime que tous les GHT ne sont pas encore à la bonne dimension, un certain nombre seraient ainsi trop petit. Ainsi sur les 136 GHT, dans 15 d’entre eux l’établissement principal est le seul établissement sanitaire et dans 19 GHT il n’y a que deux établissements de santé. « Du fait de leur hétérogénéité, tous les GHT ne sont pas en mesure d’offrir un panier de soins homogène » regrette la Cour. Par exemple, la psychiatrie n’est exercée que dans 79% des GHT et l’hospitalisation à domicile dans 54% d’entre eux. Certains ne peuvent pas proposer des prises en charge comme la pose de stent ou le traitement des AVC. Enfin, ils peinent à combler les effets de la pénurie médicale sur certains territoires.
Une nécessaire simplification des financements
La Cour s’est également largement penchée sur le système de financement par dotation des activités hospitalières alors qu’une réforme en cours prévoit la diminution progressive de la tarification à l’acte. Les financements via les Missions d’intérêt général et d’aides à la contractualisation (Migac) et les Fonds d’intervention régionaux (Fir) ont représenté, en 2019, un total de près de 11 milliards d’euros. « Or l’existence de chevauchement entre les différentes enveloppes financières et un empilement croissant de lignes budgétaires, difficilement compréhensibles par les établissements de santé, appellent une simplification de ces financements et une répartition plus claire des responsabilités dans leur attribution entre administration centrale et agences régionales de santé » estime la Cour.
La régulation des dépenses en ligne de mire
Enfin, elle constate également l’envolée des dépenses consacrées aux dispositifs médicaux qui représentent aujourd’hui 15 milliards (en hausse annuelle de 4%). A l’instar des médicaments, elle recommande des actions sur la pertinence des prescriptions, sur l’optimisation des achats par les hôpitaux et sur la lutte contre les fraudes et les abus.
Mais au-delà des trois illustrations, la Cour des comptes garde clairement dans sa ligne de mire la régulation des dépenses de santé de manière générale. « Nous estimons d’ailleurs nécessaire de développer pour les professionnels de santé libéraux des outils analogues à ceux qui existent pour les établissements de santé » a glissé Pierre Moscovici. Une expérimentation en ce sens avait d’ailleurs été tenté dans le budget de la Sécurité sociale pour 2020.
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Citer cet article: Face à un déficit historique, la Cour des comptes appelle à rendre le système de santé plus efficace - Medscape - 8 oct 2020.
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