POINT DE VUE

« Je suis inquiet pour l’hiver qui vient », en Europe

Dr Nathanael Goldman

Auteurs et déclarations

7 octobre 2020

Dr Nathanael Goldman

Début mars, le Dr Nathanael Goldman, pédiatre d’origine belge, travaillant depuis plusieurs années en Chine, avait accepté de partager avec Medscape édition française l’expérience qu’il vivait à Shanghai depuis le début de l’épidémie (Lire Covid-19 en Chine : un médecin belge témoigne de la situation sur place).

Sept mois plus tard, il tire le bilan des mesures drastiques prises en Chine et dans d’autres pays asiatiques pour contrer l’épidémie de Covid-19 et s’inquiète de la faible réactivité de l’Europe face à la recrudescence des cas.

Shangai, Chine – « Je découvrais ce matin de fin septembre 2020 ce court documentaire sur la réponse de Taiwan face à la menace d'un virus inconnu venant de Chine fin décembre 2019.

Une réponse résolue avec des chiffres qui parlent d'eux-mêmes : 23 millions d'habitants, 513 cas et 7 morts à ce jour (0,3/M). J'aurais pu mentionner la Corée du Sud (8/M), Singapour (5/M), la Nouvelle-Zélande (5/M), le Japon (12/M) ou même l'Australie (35/M).

En Europe, on se situe entre 8 (Slovaquie) et 1237 (San Marino) décès par million de population, avec la Belgique, l'Espagne, le Royaume-Uni, l'Italie, la France et les Pays-Bas dans le top 10 des plus fortes mortalités par million et de l'ordre de 100 fois plus importantes que dans les pays asiatiques pourtant les plus proches de l'épicentre de l'épidémie.

La recette d'un tel succès est pourtant ancienne et testée : diminuer la rapidité de la transmission dans la population avec les gestes barrières et découvrir les cas et de leurs contacts ainsi que les isoler jusqu'à guérison. Le principe est simple, mais la mise en place d'une telle entreprise est lourde et demande une formidable détermination politique, la coopération et la coordination avec de nombreux acteurs de la société, incluant en particulier la population générale.

La même détermination à endiguer l'épidémie existe en Chine, d'où j'écris. Comme on l'a vu, cependant, une série de démocraties ont également réussi le pari de protéger leur population et d'en même temps limiter le coût économique de l'épidémie.

Nous sommes passés ici à Shanghai par des mois d'un confinement strict puis dégressif alors que le suivi des cas suspects et la mise en quarantaine de ceux-ci est toujours strictement imposée, 9 mois après le début de l'épidémie. Les écoles n'ont rouvert en présentiel qu'en mai 2020, soit près de 2 mois après que l'incidence quotidienne eût été maintenue sous la barre des 100 nouveaux cas sur toute la Chine. Un enseignement à distance avait été organisé par les écoles locales et internationales jusque-là.

On peut rappeler aussi que les vols vers la Chine ont été arrêtés sans préavis le 28 mars 2020 pour les passagers internationaux. Ainsi, nous sommes nombreux à nous être trouvés séparés de nos conjoints et de nos enfants qui avaient souvent quitté la Chine pour retourner au pays au vu des conditions de confinement et des incertitudes quant à l'avenir proche, y compris au niveau politique. Nous savions que le virus se propagerait dans le monde, mais n'avions pas compté sur la durée de la séparation qui nous attendait. Dans notre cas, il a fallu plus de 6 mois pour que nous soyons enfin réunis, au bout de longues démarches administratives en Chine et en Belgique et six tickets d'avions annulés. Les vols et la délivrance des visas vers la Chine sont toujours très perturbés.

Nous nous sommes retrouvés en famille au moment précis du début de notre quarantaine de 14 jours dans notre appartement de Shanghai, après un test Covid pour mon fils et mon épouse au départ et à l'arrivée en Chine et une nuit d'hôtel dans l'attente du résultat. Tous les jours, nous commandions en ligne ce dont nous avions besoin pour manger et tout était déposé devant la porte; mais avec interdiction d'ouvrir la porte plus de 4 fois par jour et avec un contrôle policier électronique.

L'école a rouvert le jour de notre sortie de quarantaine, de sorte que les enfants n'ont pas raté un jour de classe. Contrôle de la température, lavage des mains, port du masque pour les enfants dans le bus sont devenues des habitudes.

La vie est pratiquement normale désormais ici à Shanghai. Le port du masque dans les lieux publics clos est le dernier signe visible de l'épidémie par où nous sommes passés. Nous ne pouvons malheureusement pas sortir de la ville à moins de devoir se réimposer une quarantaine vis-à-vis de l'école. Je n'ai pas quitté la ville depuis le 30 janvier.

En voyant le nombre des cas augmenter à nouveau en Europe, les difficultés à prendre des décisions, les discours anti-science, y compris de la part des scientifiques et des politiques, les divergences de vues dans la population, je suis inquiet pour l'hiver qui vient. »

Cette opinion a été initialement publiée sur MediQuality du groupe Medscape.

Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que leur(s) auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement celles de WebMD ou Medscape. 

 

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