France -- Alors que la course aux vaccins contre le SARS-CoV-2 bat son plein et que les premiers résultats sur l’efficacité et l’innocuité de certains « candidats-vaccins » devraient être divulgués en novembre/décembre, l’absence de participants âgés dans les essais cliniques interroge. Le nouveau programme français COVIREIVAC va se consacrer en partie à cette problématique.
Essais vaccinaux recherchent volontaires
« Les personnes âgées n’ont pas été incluses dans les essais actuels. C’est une des problématiques. Très peu de candidats vaccins se sont intéressés aux gens plus âgés », a commenté le Pr Jean-Daniel Lelièvre (chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil) pour Medscape édition française.
« Or, aujourd’hui, c’est vraiment important de savoir comment protéger ces personnes âgées puisqu’on a vu que 90 % des décès étaient observés chez les plus de 65 ans. Il y a un intérêt tout particulier à pouvoir évaluer ces mesures de prévention dans cette population-là », a souligné le Pr Odile Launay (professeur en maladies infectieuses et tropicales à l’Université de Paris, coordinatrice du CIC Cochin-Pasteur, AP-HP, coordinatrice de Covireivac) lors de la conférence de presse de lancement de la plateforme COVIREIVAC qui recherche 25 000 volontaires adultes pour conduire plusieurs essais vaccinaux contre la Covid-19 en France [1].
Pas de place pour les personnes âgées ?
Dans une lettre de recherche publiée dans le JAMA Internal Medicine le 28 septembre [2], des chercheurs américains ont mis en exergue cette sous-représentation des personnes âgées dans les essais cliniques sur la Covid, notamment ceux sur les vaccins. Sur les 18 essais qu’ils ont recensés concernant des vaccins, 11 (61%) incluaient des seuils d'âge, et les 7 autres avaient des critères d’exclusion importants non spécifiés; ainsi, 100% des essais considérés étaient à haut risque d'exclusion des personnes âgées.
« Nous craignons que l'exclusion des personnes âgées des essais cliniques ne limite systématiquement notre capacité à évaluer l'efficacité, le dosage et les effets indésirables des traitements Covid-19 dans cette population », s’inquiètent les auteurs.
A ce jour, seuls les résultats d’une petite étude de phase 1 ciblant spécifiquement les plus de 56 ans ont été publiés dans le NEJM [3]et semblent rassurants.
Ils montrent que chez 40 patients âgés en bonne santé répartis en deux groupes : les patients de 56 à 70 ans et ceux de plus de 71 ans, l’efficacité et la tolérance du vaccin ARNm-1273 paraissent pratiquement aussi bonnes que chez les plus jeunes. Ces résultats sont toutefois très préliminaires, sur un nombre très faible de patients et doivent être confirmés.
La France s’engage dans l’évaluation des vaccins chez les séniors
Grâce à la plateforme COVIREIVAC, la France pourrait pallier ce manque de recherche sur les vaccins contre la Covid-19 chez les personnes âgées.
Parmi les essais cliniques de grande ampleur envisagés en France via COVIREIVAC, on compte des essais de phase 3 pour étudier l’efficacité et la sécurité à grande échelle des candidats vaccins qui paraissent les plus prometteurs. « Mais aussi des essais de phase 2, visant à étudier finement, la capacité des vaccins à produire une réponse immunitaire (immunogénicité) sur des personnes âgées dont le système immunitaire est généralement affaibli alors même qu’elles sont les plus à risque de développer des formes graves de la maladie », souligne l’Inserm dans un communiqué [1].
« Les vaccins qui sont en phase 3 et dont on attend les résultats d’ici la fin de l’année ne sont pas développés spécifiquement dans les populations à risque. C’est pour cela que nous avons mis en place quelque chose d’important, je pense », explique Eric Tartour (laboratoire d’immunologie, HEGP, Paris) qui participe au projet. « Dans le réseau de laboratoires associés à ce projet il y a effectivement des spécialistes de la réponse immunitaire vaccinale chez les personnes âgées », souligne-t-il.
« En France, nous poussons énormément les industriels parce que l’on veut faire des essais spécifiquement chez les personnes âgées. Ce sont eux qui vont être vaccinés demain en priorité et pour l’instant nous avons assez peu de données. Il faut des essais de phase 2 mais aussi inclure les patients âgés dans les essais de phase 3 », a renchéri le Pr Lelièvre, aussi associé à l’initiative COVIREIVAC.
« Il n’y a pas de limite d’âge à l’inclusion des patients sur la plateforme COVIREIVAC car il faut absolument avoir un vaccin évalué dans cette population. Il ne faudrait surtout pas qu’il y ait un vaccin qui soit donné à des personnes âgées sans avoir été évalué dans cette population puisqu’on sait que la réponse au vaccin peut être différente chez les jeunes et chez les personnes âgées », a commenté pour sa part le Pr Olivier Hanon (chef de service de gériatrie de l’Hôpital Broca (AP-HP) et président du Gérontopôle Ile-de-France), un des piliers du projet COVIREIVAC, pour Medscape édition française.
Tout de même des critères d’exclusion ?
A la question de savoir si certaines personnes âgées seraient tout de même exclues des essais, le Pr Launay a répondu qu’il y aurait des critères d’exclusion, notamment la faible espérance de vie qui est un critère d’exclusion habituel des seniors dans les essais. Elle a aussi précisé que ce serait essentiellement la capacité des personnes âgées à donner un consentement qui serait un frein aux inclusions dans les essais. « Mais, les gériatres ont l’habitude de réaliser des essais chez des gens ayant de troubles cognitifs à partir du moment où il y a un intérêt particulier dans ces populations. Il est possible de faire signer par la personne de confiance. Il y a des modalités qui sont prévues par la loi pour ces personnes », a-t-elle ajouté.
Au final, alors que la France pourrait paraitre un peu à la traîne dans la course aux vaccins, le lancement du programme d’évaluation des vaccins contre la Covid-19 COVIREIVAC devrait apporter des réponses essentielles pour la vaccination à long terme contre cette infection.
« Nous avons l’impression que nous sommes en retard car il y a énormément de candidats vaccins en développement ailleurs mais les premiers ne sont pas forcément les meilleurs », a commenté le Pr Lelièvre pour Medscape édition française. « Les premières stratégies visent vraiment à arrêter la pandémie mais cela ne veut pas dire que l’on aura forcément les meilleurs candidats vaccins pour se vacciner au long cours, pour prévenir les re-infections etc. Nous ne sommes qu’au début de la recherche vaccinale. Les essais vont durer plusieurs mois, voire plusieurs années », a-t-il précisé.
En savoir plus sur COVIREIVAC
Au niveau international, une trentaine de candidats vaccins sont au stade des évaluations cliniques dont certains en phase 3 pour démontrer leur capacité à protéger de l’infection. A la demande du Ministère des Solidarité et de la Santé et du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche, la France, s’est organisée pour contribuer à l’évaluation des candidats vaccins les plus prometteurs avec la mise en place de la plateforme COVIREIVAC qui cherche actuellement 25 000 volontaires pour participer aux essais.
Piloté par l’Inserm, COVIREIVAC fédère 24 Centres d’Investigation Clinique au sein de CHU partout en France en lien étroit avec le Collège National des Généralistes Enseignants. Le volet opérationnel clinique des différents CHU fait l’objet d’une coordination prise en charge par l’AP-HP.
Le site www.covireivac.fr d’inscription et d’information au programme est élaboré avec le soutien de Santé Publique France et de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM).
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Citer cet article: Vaccins anti-COVID : la France va mettre fin à l’absence d’évaluation chez les seniors - Medscape - 7 oct 2020.
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