Cancer: phase I réussie pour le sotorasib, un inhibiteur de KRAS 

Neil Osterweil

1er octobre 2020

Virtuel -- Le sotorasib, (AMG 510, Amgen), premier inhibiteur de KRAS à atteindre le stade de développement clinique, a montré un profil de sécurité et des résultats cliniques « très encourageants » dans un essai de phase I l'évaluant chez des patients atteints de tumeurs solides KRAS mutées (principalement des cancers du poumon non à petites cellules et des cancers colorectaux avancés) ayant déjà bénéficié de plusieurs lignes de traitement. C’est le résultat de l’étude CodeBreak 100 présentée lors du congrès virtuel de l'European Society for Medical Oncology 2020 (Esmo) et publiée dans le New England Journal of Medicine (NEJM) [1,2].

Une première pour un inhibiteur de KRAS

KRAS est l'un des oncogènes le plus fréquemment muté dans les cancers humains. Les mutations KRAS sont habituellement associées à une résistance aux traitements ciblés – on a même longtemps qualifié ces mutations de « non-traitables » par les médicaments – et à un pronostic défavorable. 

En dépit d’efforts de recherche menés sur le sujet, aucun inhibiteur de KRAS n'avait jusqu'alors atteint le stade de développement clinique. « Bien que l’on connaisse KRAS depuis 30 ans, cette protéine a été très difficile à cibler », explique le Dr Colin Lindsay (Manchester, Grande-Bretagne) invité à discuter les résultats de l’étude. En effet, les principaux obstacles au développement ont été liés à la grande affinité de la protéine KRAS pour le GTP (la protéine K-Ras protein est une GTPase, qui convertit le GTP en GDP) et la toxicité des approches ciblant KRAS.

Le sotorasib agit sélectivement sur un sillon de la surface de la protéine mutée qui n'avait pas été exploitée lors de précédentes tentatives de développement, expliquent les auteurs. « Cette molécule est un agent ciblant spécifiquement la mutation KRAS p.G12C (substitution de glycine par cystéine) qui est présente dans environ 13% des cancers du poumon non à petites cellules et 1% à 7% des cancers colorectaux et d'autres tumeurs solides », explique le Dr David Hong (Houston, Etats-Unis) dans la publication du NEJM.

L’étude en détail

L’essai de phase I présenté est un essai d'escalade de doses, conduit auprès de 129 patients ayant déjà bénéficié de plusieurs lignes de traitement (3 en moyenne) pour 13 types de tumeurs solides KRAS p.G12C mutées : 59 atteints d'un cancer du poumon non à petites cellules, 42 d'un cancer colorectal et 28 d'autres tumeurs. Le traitement a été administré quotidiennement par voie orale avec une dose progressivement croissante (jusqu’à 180, 360, 720 ou 960 mg).

Dans le sous-groupe de patients atteints d'un cancer du poumon non à petites cellules, le suivi médian était de 11,7 mois. Chez 32,2% (19 patients) une réponse objective est rapportée (complète ou partielle) en monothérapie et, chez 88,1% (52 patients), la maladie a été contrôlée (réponse objective ou maladie stable). En médiane, la survie sans progression était de 6,3 mois.  Une réduction de la tumeur a été observée à 6 semaines chez 71,2% des patients. Au moment de l’analyse des données (en juin 2020), 14 patients étaient toujours sous traitement et 45 l’avaient suspendu (35 pour progression de la maladie, 5 pour cause de décès, 4 à la demande du patient et un en raison d’effets indésirables).

Aussi dans le cancer du pancréas, de l'endomètre, de l'appendice et le mélanome

Chez les patients atteints d'un cancer colorectal pour lesquels la médiane de suivi était de 12,8 mois, une réponse a été constatée dans 7,1% des cas et un contrôle de la maladie chez 73,8% patients, avec une médiane de survie sans progression de 4 mois.

Des réponses ont également été constatées chez les patients atteints de cancer du pancréas, de l'endomètre, de l'appendice et de mélanome.

Les auteurs rapportent que 56,6% des patients ont eu des effets secondaires liés au traitement et qu’ils étaient de grade 3 ou 4 chez 11,6% d'entre eux.

Parmi les effets secondaires de grade 3, les auteurs signalent des perturbations du bilan hépatique (augmentations des ALAT(4,7 % des patients), des ASAT (2,3%),des phosphatases alcalines (1,6)% et hépatites (0,8%)  des diarrhées (3,9%), des anémies (3,1%), des augmentations des gamma GT (0,8 %) et des hyponatrémies (0,8 %). Une élévation des des ALAT de grade 4 a été signalée chez un patient (0,8%), cette valeur est revenue à la normale après une baisse des doses de sotorasib et prescription de glucocorticoïdes. Enfin, le traitement a été suspendu chez un patient (0.8%) en raison d'une majoration de grade 3 des ASAT et des ALAT.

Interrogé par Medscape Medical News, le Dr Marwan Fakih (Duarte, Etats-Unis), co-auteur de l’étude explique que « la toxicité de cette molécule est limitée puisqu’elle cible spécifiquement KRAS G12C qui n’est présent que sur les cellules tumorales ».

56,6% des patients ont eu des effets secondaires liés au traitement.

Des résultats encourageants

Dans un éditorial accompagnant l'article, les Drs Patricia LoRusso (New Haven, Etats-Unis)  et Judith Sebolt-Leopold (Ann Harbor, Etats-Unis) jugent ces résultats « très encourageants ». Elles rappellent que la survie globale des patients atteints de cancer du poumon non à petites cellules ou colorectal portant la mutation KRAS p.G12C est d'environ un à deux ans. 

Elles qualifient le profil de sécurité du sotorasib de « favorable » et soulignent que les niveaux de réponse obtenus dans cet essai de phase I sont beaucoup plus importants que ce qui est habituellement observé avec le traitement standard chez des patients au profil similaire. Elles imaginent aussi que le traitement pourrait être utilisé en combinaison avec d’autres molécules qui pourraient cibler la résistance à l’inhibition de KRAS (inhibiteur d’EGFR, par exemple).

 

Cette étude a été sponsorisée par Amgen et des financements du National Institutes of Health. Le Dr Hong a déclaré des fonds/bourses de recherche et de consultant pour Amgen et d’autres. Le Dr Fakih a été orateur pour Amgen et consultant pour d’autres. Le Dr Lindsay est consultante pour Amgen et a reçu des fonds de recherche institutionnels et de compagnies. Le Dr LoRusso reçoit des fonds de plusieurs compagnies, autres que Amgen. Le Dr Sebolt-Leopold n’a pas rapporté de liens d’intérêt.

 

L’article a été publié initiallement sur Medscape.com sous le titre “Sotorasib Is a 'Triumph of Drug Discovery' in Cancer”. Traduit et adapté par le Dr Isabelle Catala.

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