Cancer du sein triple négatif réfractaire: résultats prometteurs avec un anticorps conjugué

Vincent Richeux, avec Liam Davenport

Auteurs et déclarations

25 septembre 2020

Virtuel —  Chez les patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique triple négatif réfractaire après plusieurs traitements, une thérapie par l’anticorps conjugué sacituzumab govitecan (Trodelvy®, Immunomedics) a permis une amélioration significative de la survie sans progression et de la survie globale. C’est ce que révèle l’essai de phase 3 ASCENT, dont les résultats ont été présentés lors du congrès virtuel de l’ESMO 2020 [1].

Dans cette étude, l’efficacité du sacituzumab govitecan a été comparée à celle d’une chimiothérapie standard. Elle vient confirmer le bénéfice de cet anticorps conjugué observé dans un essai de phase 1/2, qui a conduit la Food and Drug Administration (FDA) à approuver récemment cette thérapie, de manière accélérée, dans le cancer du sein métastatique triple négatif réfractaire à au moins deux traitements [2].

« Un énorme espoir »

Le sacituzumab govitecan est un anticorps monoclonal lié à un métabolite actif de l’irinotécan (SN-38), qui a un effet cytotoxique en inhibant l’ADN topoisomérase. Selon le principe des nouvelles thérapies par immunoconjuguées, l’anticorps cible l’antigène membranaire Trop-2, très exprimé dans le cancer du sein, pour mettre l’agent cytotoxique en contact avec les cellules cancéreuses.

« L'étude ASCENT nous donne un énorme espoir pour les cancers du sein triple négatif, qui sont de très mauvais pronostic. Alors qu'en général les patientes vivent au maximum 6 mois après une seconde ligne de traitement, nous avons là des patientes qui vivent 12 mois et plus avec ce principe d’un anticorps ciblant un récepteur sur une cellule pour y apporter la chimiothérapie », a commenté le Pr Frédérique Penault-Llorca (Vice-présidente Unicancer – Directrice générale du Centre Jean Perrin de Clermont-Ferrand), lors d'un point presse Unicancer.

 
L'étude ASCENT nous donne un énorme espoir pour les cancers du sein triple négatif, qui sont de très mauvais pronostic. Pr Frédérique Penault-Llorca
 

« A mon avis, nous devrions maintenant considérer le sacituzumab govitecan comme une nouvelle option de traitement chez les patientes ayant déjà reçu deux thérapies ou plus », a indiqué, pour sa part, le Dr Fatima Cardoso (Breast Unit, Champalimaud Clinical Center, Lisbonne, Portugal), invitée à commenter les résultats en ligne après leur présentation.

Il existe peu de traitement à disposition dans la prise en charge du cancer du sein triple négatif, le plus agressif des sous-types de cancer du sein. Récemment, l’immunothérapie s’est montrée efficace, pour la première fois en première ligne, en complément d’une chimiothérapie, en permettant un gain de survie chez certaines patientes atteintes d’un cancer métastatique [2].

Réduction de la progression de 59%

Dans l’essai de phase 3 ASCENT, mené pour confirmer les résultats des essais  de phase 1/2, le Dr Aditya Bardia (Massachusetts General Hospital, Boston, Etats-Unis) et ses collègues ont évalué la thérapie par immunoconjugué chez 529 patientes atteintes d’un cancer du sein métastatique triple négatif après échec d’au moins deux chimiothérapies classiques.

Ces patientes (âge médian de 54 ans) présentaient une progression de leur cancer alors qu’elles avaient reçu au préalable une médiane de quatre traitements, dont un inhibiteur de checkpoint dans un quart des cas. Elles ont été randomisées pour se voir administrer, soit du sacituzumab govitecan en intraveineuse (10 mg/kg, renouvelé huit jours après, puis tous les 21 jours), soit une chimiothérapie au choix du médecin (capécitabine, éribuline, vinorelbine ou gemcitabine).

L’essai a été interrompu prématurément sur les recommandations du comité indépendant de surveillance en raison de l’efficacité constatée dans le bras sacituzumab govitecan. A la date de l’arrêt, les patientes avaient reçu une médiane de sept injections de l’anticorps conjugué et la réponse médiane au traitement était de 6,3 mois, contre 3,6 mois avec la chimiothérapie (différence significative).

Pas de différence de sous-groupes

L’analyse des données montre une nette amélioration de la survie médiane sans progression avec l’anticorps conjugué (critère primaire d’évaluation), celle-ci étant de 5,6 mois, contre 1,7 mois dans le groupe chimiothérapie. En d’autres termes, le traitement réduit le risque de progression de 59% (HR=0,41, IC à 95%, [0,32-0,52], p<0,0001).

Concernant la survie globale médiane, elle est presque doublée puisqu’elle atteint 12,1 mois chez les patientes sous sacituzumab govitecan, contre 6,7 mois chez celles sous chimiothérapie (HR= 0,48, IC à 95%, [0,38-0,59], p<0,0001). « L’amélioration commence à apparaitre après trois mois de traitement », a noté le Dr Bardia, lors de sa présentation.

Le taux de réponse était de 35% avec l’anticorps, alors qu’il est de 5% avec la chimiothérapie. Une analyse de sous-groupe n’a pas révélé de différence en considérant l’âge des patients, le nombre ou le type de traitement pris au préalable (inhibiteur de checkpoint ou non), ainsi que le type de métastase (présence ou non de métastases hépatiques).

Moins d’arrêt de traitement

Ces résultats sont en accord avec ceux rapportés dans l’essai de phase 1/2 mené par la même équipe. Les résultats, qui ont suscité l’enthousiasme lors de leur publication l’année dernière, ont montré une survie médiane sans progression de 5,5 mois et une survie globale médiane de 13 mois avec la thérapie par immunoconjugué pour un taux de réponse de 34% [3].

En ce qui concerne la tolérance, l’événement indésirable de grade ≥ 3 le plus fréquent dans ASCENT était la neutropénie, observée chez 51% des patientes sous sacituzumab govitecan, contre 33% chez celles sous chimiothérapie. Viennent ensuite la diarrhée (respectivement 10% vs moins de 1%), la leucopénie (10% vs 5%), l’anémie (8% vs 5%) et la neutropénie fébrile (6% vs 2%).

Bien que les effets indésirables soient plus fréquents dans le groupe anticorps conjugué, ils ont moins souvent conduit à une interruption de traitement. Le taux d’interruption était, en effet, de 4,7% chez les patientes sous sacituzumab govitecan, contre 5,4% sous chimiothérapie.

Le Dr Bardia a indiqué que le taux élevé de diarrhées observé dans le groupe sous sacituzumab govitecan est lié à la toxicité du SN-38, connu pour provoquer ce type d’effet secondaire. Selon lui, il est possible de réduire le risque de diarrhée en utilisant  du lopéramide (Imodium®) en traitement préventif.

Un essai stoppé trop tôt?

L’oncologue ajoute que ces diarrhées peuvent également être associées à des crampes abdominales lors de la perfusion de l’immunothérapie. « Il s’agit alors davantage d’un effet cholinergique du traitement. Dans ce cas, le recours à l’atropine est une meilleure option », pour traiter ces symptômes.

Au cours de son intervention en ligne, le Dr Cardoso a regretté que l’essai ait été interrompu si tôt. « Je ne comprends pas bien pourquoi l’étude a été stoppée. Il aurait été préférable, dans l’intérêt des futures patientes, de terminer l’essai », d’autant que le bénéfice reste, selon elle, « modéré » et que le traitement n’est pas encore disponible sur le marché.

Le Dr Bardia a précisé que d’autres études, comme l’essai de phase 3 TROPICS-02, sont actuellement menées ou en projet pour évaluer ce nouveau traitement cette fois en première ligne dans cette indication, en combinaison ou non avec des thérapies ciblées.

L’essai a été financé par Immunomedics.

Le Dr Bardia a déclaré des conflits d’intérêt avec Immunomedics et d’autres compagnies pharmaceutiques.

 

Commenter

3090D553-9492-4563-8681-AD288FA52ACE
Les commentaires peuvent être sujets à modération. Veuillez consulter les Conditions d'utilisation du forum.

Traitement....