Virtuel- - A cette épidémie de diabète que nous connaissons depuis quelques années s'est ajoutée en 2020 la pandémie à la Covid-19. Ce congrès de l’Association européenne du diabète (EASD) a-t-il dès lors une signification particulière?
Pour le Pr Chantal Mathieu, Vice-Présidente de l’EASD (cheffe du service d'Endocrinologie, UZ Leuven,Belgique) « les gens oublient qu'à côté d'une maladie transmissible comme la Covid-19 existe une maladie non transmissible grave qui est le diabète, en progression constante depuis quelques années. Depuis le printemps 2020, nous savons que les patients avec un diabète de type 1 (D1) ont un risque plus élevé d'infection par le SARS-CoV-2 et de Covid-19 sévère. Nous savons aussi que les patients diabétiques de type 2 (D2) encourent un risque plus élevé d'hospitalisations et ont un mauvais pronostic, spécialement s'ils sont obèses, de sexe masculin ou d'âge compris entre 40 et 60 ans. Le risque de décès n'est pas seulement lié à la Covid-19, il résulte de multiples complications (acidocétose, infarctus, néphropathie etc.). Selon des données portant sur plus de 70.000 cas, la mortalité globale liée au Covid-19 était de 2,3% contre 7,3% chez les patients diabétiques ».

Le diabète gagne-t-il du terrain?
« Sans le moindre doute. Dans le D1, nous constatons que l'incidence monte lentement mais sûrement. La maladie est plus agressive et touche des enfants de plus en plus jeunes. Nous constatons en clinique une augmentation significative des diagnostics de D1 avant l'âge de 5 ans. A cet EASD, seront présentées des données du consortium INNODIA, un partenariat mondial entre 31 établissements universitaires, 6 partenaires industriels, une entreprise privée et 2 associations de patients qui réunissent leurs connaissances et leur expérience dans un objectif commun : «lutter contre le diabète de type 1». Et cette lutte passe notamment par la recherche de biomarqueurs. Dans le diabète de type 2 (D2), l'incidence augmente également, liée à l'obésité, à la sédentarité et à l'âge ».
Un énorme potentiel d'apprentissage
« C'est ainsi que je résumerais ces 4 jours de congrès. Nous avons déjà beaucoup progressé dans le traitement du diabète. J'en veux pour preuve l'emploi de ces 2 classes majeures que sont d'abord les agonistes des récepteurs du GLP-1 et ensuite les inhibiteurs de SGLT2 (gliflozines) qui réduisent significativement les événements cardiovasculaires chez le patient diabétique. L'EASD fera la part belle à ces gliflozines qui sont une avancée thérapeutique majeure. Mais il reste du chemin à parcourir, notamment dans l'insuffisance rénale chronique où nous n'avons pas progressé d'un millimètre et qui touche pourtant beaucoup de patients diabétiques. A ce congrès, on attend les résultats de l'étude DAPA-CKD, la première du genre à s'intéresser aux complications rénales du diabète. Côté pratique quotidienne, on retiendra les sessions visant à harmoniser les recommandations ADA/EASD et ESC/EASD ».
Un congrès aussi pour les généralistes
Pourquoi les médecins généralistes doivent-ils suivre particulièrement leurs patients diabétiques? « Tout d'abord parce que le danger pour ces patients est aujourd'hui beaucoup plus élevé qu'en l'absence d'infection par le coronavirus. Ensuite parce que le généraliste joue aujourd'hui un rôle essentiel pour délivrer les bons messages de prévention, sensibiliser les patients aux risques encourus, et aussi détecter les nouvelles associations du diabète avec des maladies comme la NASH ou la NAFLD, sans compter les complications cardiovasculaires et rénales. Nous sommes aussi conscients que beaucoup n'auront pas le temps de suivre les sessions en live et avons fait en sorte que tout le contenu soit disponible on line "on demand" pendant les semaines qui suivront le congrès ».
Mes coups de cœur
« Comme chaque année, je suis particulièrement attirée par les présentations des Prix scientifiques. Nous aurons cette année la lecture Claude Bernard à consonance patho-physiologique sur la sécrétion d'insuline et l'adiponectine, donnée par le Pr T. Kadowaki, la lecture Minkowski (Bone marrow and stem cell traffic in diabetes) donnée par le Pr G.P. Fadini, le Prix d'excellence de la Fondation Novo-Nordisk attribué au Pr Brüning (Brain insulin action in CNS-dependent control of metabolism) qui présente cette année quelque chose de tout à fait neuf, à savoir l'implication du système nerveux central dans le contrôle glycémique, un lien qui pourrait se révéler extrêmement intéressant à explorer pour expliquer l'association entre un diabète de type 2 et les démences. Je suivrai aussi les nouveaux agents dans l'obésité avec notamment un analogue du GLP-1 qui pourrait concurrencer la chirurgie bariatrique ».
Ce texte a été publié initialement sur MediQuality.net du groupe Medscape
Actualités Medscape © 2020 WebMD, LLC
Citer cet article: EASD 2020: les messages de prévention et les coups de cœur du Pr Mathieu - Medscape - 23 sept 2020.
Commenter