Cancer du poumon avancé: résultats négatifs pour la radiothérapie post-opératoire

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

21 septembre 2020

Virtuel —  Une radiothérapie après une résection complète d’un cancer

bronchique non à petites cellules (CBNPC) de stade IIIA/N2 n’apporte pas de bénéfice supplémentaire en terme de survie. Telle est la conclusion de l’étude de phase 3 LUNG ART, qui vient ainsi clore un long débat sur l’intérêt de cette thérapie adjuvante dans cette indication. Les résultats à trois ans ont été présentés lors du congrès virtuel de l’ESMO 2020 [1] .

« Cette étude apporte un message très clair: la radiothérapie post-opératoire ne doit pas être utilisée en routine chez les patients candidats à une chirurgie pour traiter un CBNPC avec envahissement ganglionnaire », estime le Dr Rafal Dziadziuszko (Medical University of Gdansk, Pologne), invité à commenter les résultats lors d’une conférence de presse en ligne.

Ces résultats « vont changer les pratiques dans de nombreux établissements qui ont adopté la radiothérapie comme traitement standard chez ces patients », a précisé l’oncologue. Des analyses complémentaires vont toutefois être menées pour tenter d'identifier des profils de patients à très haut risque qui pourraient potentiellement tirer profit de cette approche.

Longue controverse

La chirurgie est le traitement de choix des cancers bronchiques localement avancés (IIIA), mais le risque de rechute reste élevé. Pour les stades IIIA avec des atteintes ganglionnaires médiastinales (N2), l’utilisation de la radiothérapie en traitement adjuvant est très controversée, en raison de données insuffisantes et aussi divergentes sur le bénéfice apporté dans le contrôle local et la survie.

Le débat, qui perdure depuis plus de 20 ans, a été marqué par la publication d’une méta-analyse en 1998 rapportant une hausse de mortalité chez les patients atteints de cancer bronchique traités par radiothérapie adjuvante [2.]Toutefois, l’impact délétère n’est pas apparu si évident dans le cas des tumeurs de stade IIIA/N2.

Par la suite, une meilleure sélection des patients, l’utilisation de la chimiothérapie adjuvante ou néoadjuvante, ainsi que l’amélioration des techniques chirurgicales ont relancé l’intérêt pour la radiothérapie adjuvante dans les stades IIIA/N2, qui s’est retrouvé renforcé par la publication de plusieurs études rétrospectives en faveur de cette approche.

Haut risque de rechute

Mené par le Dr Cecile Le Péchoux (Institut Gustave Roussy, Villejuif) et son équipe, l’essai randomisé de phase 3 LUNG ART a inclus 501 patients ayant eu une résection complète d’un CBNPC de stade IIIA/N2, en majorité traités par chimiothérapie. Ils ont été randomisés pour recevoir en plus une radiothérapie adjuvante (54 Gy en 5 semaines) huit semaines après la chirurgie ou aucun traitement supplémentaire (groupe contrôle).

« Ces patients avec envahissement ganglionnaire sont à haut risque de rechute à distance, mais aussi locorégionales », a commenté le Dr Le Péchoux, lors d’une conférence de presse en ligne. Si le recours à la chimiothérapie néoadjuvante permet de réduire les rechutes à distance, le taux de rechutes locorégionales peut, en effet, atteindre 60% dans le cas des CBNPC de stade IIIA N2.

Les résultats de l’étude montrent une survie médiane sans progression (critère principal d’évaluation) de 30,5 mois dans le groupe PORT, contre 22,8 mois dans le groupe contrôle. A trois ans, la survie sans progression s’observe chez 47,1% des patients sous radiothérapie, contre 43,8% dans le groupe contrôle, soit une hausse de 15% en faveur du traitement, qui reste non significative (HR= 0,85, IC à 95% [0,67; 1,07], p=0,16).

Concernant la survie globale à trois ans, elle est de 66,5% dans le groupe PORT, contre 68,5% dans le groupe contrôle, sans différence significative. « Chez ces patients à haut risque, ces résultats sont toutefois très bons en comparaison avec de précédentes études », ce qui confirme une nette amélioration dans la prise en charge, a commenté le Dr Le Péchoux.

Toxicité élevée

L’analyse révèle toutefois une diminution quasiment de moitié des récidives locales avec la radiothérapie, le taux d’atteintes médiastinales étant de 25% dans le groupe PORT, contre 46,1% dans le groupe contrôle. A l’inverse, les récidives à distance sont plus nombreuses après radiothérapie, avec notamment un taux de métastases au cerveau respectivement de 23,6% et 18,8%.

La radiothérapie est également associée à davantage d’effets secondaires révélateurs d’une toxicité élevée, avec des événements indésirables cardio-pulmonaires de grade 3 ou 4 observés chez 11% des patients après radiothérapie, contre 5% dans le groupe contrôle. Une dizaine de décès ont été associés à ces complications cardio-pulmonaires.

« Nous pouvons clairement affirmer qu’il n’y a pas de bénéfice net avec un tel traitement et qu’il y a, en plus, un risque de répercutions négatives. Le bénéfice potentiel observé chez certains patients est contrebalancé par un risque élevé de toxicité cardio-pulmonaire », a commenté le Dr Dziadziuszko.

Compte tenu de ces résultats, « la radiothérapie post-opératoire ne peut pas être recommandée comme traitement standard chez les patients présentant un CBNP de stade IIIA/N2 après résection complète », a conclu le Dr Le Péchoux.

Identifier les patients à haut risque

Le Dr Dziadziuszko a toutefois salué les bons résultats obtenus dans la prise en charge de ces patients. « Avec plus de 60% de survie globale chez ces patients avec envahissement ganglionnaire, le résultat est excellent et ceci a été rendu possible grâce aux techniques de chirurgie et de prise en charge modernes ».

D’autres études sont prévues pour mieux caractériser les rechutes, déterminer d’éventuels facteurs de toxicité de la radiothérapie, mettre en évidence des critères de qualité de radiothérapie et de chirurgie, avec l’objectif notamment d’identifier d’éventuels sous-groupes de patients, qui pourraient malgré tout bénéficier de la radiothérapie adjuvante.

« De nombreuses données ont été collectées, notamment sur la localisation des tumeurs », a précisé le Dr Le Péchoux. Des atteintes ganglionnaires situées près du coeur pourraient notamment représenter un facteur de risque de complications en cas de radiothérapie adjuvante. « Nous aurons peut-être plus d’informations sur les patients à plus haut risque de rechute ».

Interrogée à la fin de sa présentation sur d’éventuelles exceptions justifiant le recours à la radiothérapie adjuvante, le Dr Le Péchoux a indiqué que le traitement pouvait encore être envisagé chez certains patients très bien sélectionnés « avec plusieurs atteintes ganglionnaires avec extension extracapsulaire », lorsque « la résection peut ne pas être complète ».

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