Nouvelles recommandations ESC sur la prise en charge des NSTEMI : ce qui change en termes de traitement (Partie 2)

Vincent Richeux

Auteurs et déclarations

1er septembre 2020

Virtuel —Les nouvelles recommandations de la Société européenne de cardiologie (ESC) sur la prise en charge des syndromes coronariens aigus (SCA) sans élévation du segment ST (NSTEMI) ont été présentées lors du congrès virtuel de l’ESC 2020 [1]. Dans une première partie, Medscape a présenté les changements concernant le diagnostic et le pronostic (Lire Nouvelles recommandations européennes sur la prise en charge des patients NSTEMI : diagnostic et pronostic (Partie 1)). Cette deuxième partie est consacrée aux nouveautés en termes de traitements. Les changements notables sur le plan thérapeutique depuis la version de 2015: sont la fin du prétraitement par antiplaquettaires, l’arrivée des AOD et concernant la revascularisation, une nouvelle catégorisation simplifiée du risque ischémique.

« La prise en charge du NSTEMI s’est beaucoup améliorée. Avec l’accumulation ces dernières années de nombreuses données et de nouveaux essais, il était grand temps d’avoir une mise à jour de ces recommandations », a commenté, en introduction d’une session spéciale du congrès virtuel, le Pr Marco Roffi (University Hospital of Geneva, Suisse), qui a participé à l’élaboration de ces nouvelles recommandations.

Revascularisation: le risque intermédiaire disparait

La décision concernant la revascularisation dépend de la stratification du risque. Alors que les recommandations de 2015 comportaient quatre catégories, celles de 2020 n’en contient plus que trois (très haut risque ischémique, haut risque, bas risque), le risque intermédiaire étant supprimé.

Pour les patients à très haut risque ischémique (instabilité hémodynamique, douleur thoracique persistante, choc cardiogénique…), pas de changement notable. L’angioplastie est à réaliser en urgence dans les deux heures. En ce qui concerne les patients à haut risque, on trouve désormais seulement quatre critères justifiant une intervention dans les 24 heures et non plus dans les 24 à 72 heures, comme indiqué dans les précédentes recommandations pour cette catégorie de patients (classe I). Les critères de haut risque sont les suivants:

  • Diagnostic confirmé de NSTEMI

  • Modifications dynamiques du segment ST-T contigu (symptomatiques ou non) suggérant une ischémie  

  • SUS ST transitoire 

  • Score GRACE>140

« Il est important de considérer que les patients ayant un diagnostic de NSTEMI basé sur la troponine ultrasensible et ceux présentant une modification dynamique du segment ST doivent bénéficier d’une angioplastie dans les premières 24 heures », a commenté le Pr Holger Thiele (University of Leipzig, Allemagne).

Chez les patients à bas risque, une stratégie invasive est recommandée après un test d’ischémie ou la détection d’une maladie coronarienne par CCTA (classe I).

Par ailleurs, une revascularisation complète peut être envisagée chez les patients sans choc cardiogénique présentant une maladie coronarienne sur plusieurs vaisseaux (classe IIb).

Traitement antiplaquettaire : le prétraitement non recommandé

Concernant le traitement antiplaquettaire, il est désormais non recommandé d’administrer en routine un prétraitement avec un inhibiteur P2Y12 (clopidogrel, ticagrélor et prasugrel) chez les patients dont l’anatomie coronaire n’est pas connue avant une revascularisation (classe III). Si la coronarographie ne peut pas être réalisée dans les 24 heures, le prétraitement peut être envisagé dans certains cas, selon le risque hémorragique (classe IIb).

« Le bénéfice du prétraitement avec les inhibiteurs P2Y12 a longtemps été controversé chez les patients pour lesquels un traitement invasif est indiqué. Plusieurs études (ISAR-REACT 5, registre SCAAR…) ont depuis montré qu’il est sans effet. Le risque d’infarctus avant l’opération reste minime, tandis que le risque hémorragique associé au traitement n’est pas négligeable », a souligné le Pr Jean-Philippe Collet (Hôpital de la Pitié-Salpêtrière, AP-HP, Paris) qui a dirigé la rédaction de ces recommandations.

De plus, « la stratégie d’un prétraitement peut représenter un risque pour certains patients, notamment ceux avec une dissection aortique ou une complication hémorragique non repérée », a commenté, pour a part, le Pr Dirk Sibbing (University of Munich, Allemagne) lors de sa présentation en ligne sur le traitement pharmacologique chez les patients NSTEMI.

Pour rappel, les recommandations de 2011 proposaient de donner au plus tôt des inhibiteurs P2Y12 chez des patients NSTE-ACS pour lesquels un traitement invasif est prévu. Si l’utilisation du prasugrel en prétraitement n’était plus recommandé dans les recommandations de 2015, celles-ci ne se prononçaient pas clairement sur le clopidogrel, et le ticagrélor dans cette indication par manque de données.

Introduction des AOD

Chez les patients avec NSTE-ACS nécessitant une intervention coronarienne percutanée, le prasugrel est désormais à privilégier par rapport au ticagrélor, en plus de l’aspirine, dans la double anti-agrégation plaquettaire (classe IIa). Cette nouvelle directive fait suite aux résultats inattendus de l’étude ISAR-REACT 5, qui a montré la supériorité du prasugrel dans la baisse des événements ischémiques à un an.

Concernant le choix du traitement antithrombotique à prendre à long terme en prévention secondaire, les nouvelles recommandations introduisent les anticoagulants oraux direct (AOD). En 2015, l’administration des inhibiteurs P2Y12 en plus de l’aspirine était à envisager pour un an (classe IIb). Cette fois, le traitement préventif à long terme doit être considéré en ajoutant à l’aspirine « un deuxième antithrombotique » (classe IIa).

Le rivaroxaban est à envisager en post-SCA chez les patients présentant une maladie coronarienne ou une artériopathie périphérique à haut risque ischémique (essai COMPASS). L’ajout de clopidogrel est indiqué en post-infarctus pour une durée d’un an (DAPT), tout comme le ticagrélor (PEGASUS). Le prasugrel est recommandé pendant un an en bithérapie antiplaquettaire après anglioplastie pour traiter un infarctus (DAPT).

Chez les patients NSTE-ACS avec fibrillation atriale (CHA2DS2-VASc score ≥1 chez les hommes, ≥2 chez les femmes) , un AOD est recommandé, tout d’abord en trithérapie avec la double anti-agrégation plaquettaire (aspirine+inhibiteur P2Y12) pendant une courte période (une semaine ou un mois pour les patients à haut risque ischémique), puis en bithérapie avec un antiplaquettaire, de préférence le clopidogrel (AUGUSTUS) et enfin en monothérapie au-delà d’un an.

 

 

 

 

 

 

 

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