Virtuel -- Les essais DAPA-HF (évaluation de la dapagliflozine) et EMPEROR-reduced (évaluation de l'empagliflozine) ont montré que l'inhibition du co-transporteur sodium-glucose-2 (SGLT2) réduisait le risque combiné de décès cardiovasculaire ou d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque chez les patients atteints d'insuffisance cardiaque avec fraction d'éjection réduite (HFrEF) avec ou sans diabète.
Cependant, aucun des deux essais n’a été en mesure de montrer un bénéfice sur la mortalité cardiovasculaire, la mortalité toutes causes ou de caractériser les effets dans des sous-groupes cliniquement importants.
En utilisant les données publiées de DAPA-HF et d’EMPEROR-Reduced (Lire EMPEROR-Reduced assoit la place des I-SGLT2 dans l’IC indépendamment du statut diabétique), une équipe de chercheurs menée par le Pr Faiez Zannad ( Pr de Thérapeutique et Cardiologie, Centre d'Investigation Clinique Inserm, Université de Lorraine, CHU Nancy) a mené une méta-analyse qui répond à ces questions. Les données ont été présentées lors du congrès virtuel de l’ESC 2020 et sont publiés dans le Lancet (voir encadré en fin de texte)[1].
Medscape édition française : Qu’apporte de nouveau cette méta-analyse par rapport aux deux essais DAPA-HF et EMPEROR-Reduced pris individuellement?
Pr Faiez Zannad : La méta-analyse des deux essais EMPEROR-Reduced et DAPA-HF est aussi importante voire plus que chacun des papiers pris séparément parce qu’elle montre qu’il n’y a pas de divergence entre les deux études.
Les deux essais pris individuellement n’avaient pas la puissance pour répondre à certaines questions comme celle de la mortalité cardiovasculaire par exemple puisque le critère principal était un critère composite de la mortalité CV et des hospitalisations pour IC.
Dans EMPEROR-Reduced, le bénéfice sur la mortalité CV n’était pas significatif alors qu’il l’était dans DAPA-HF. Mais on peut noter que dans les études réalisées uniquement chez les patients diabétiques, EMPAREG-Outcome et DECLARE, cette fois, à l’inverse, le bénéfice sur la mortalité CV était visible avec l’empagliflozine et pas avec la dapagliflozine.
La méta-analyse permet de montrer que lorsque les données sont regroupées, le résultat sur la mortalité CV est significatif (-14%). L’ensemble des données montre que cette classe de médicament chez les diabétiques et chez les non-diabétiques prévient la mortalité CV. La différence observée entre DAPA-HF et EMPEROR-Reduced était donc une variation aléatoire.
Aussi, la prévention des événements rénaux (hémodialyse, dépression durable et profonde du débit de filtration glomérulaire… ) était statistiquement significative dans EMPEROR-Reduced et pas dans DAPA-HF. Là encore, la méta-analyse montre que globalement, les deux médicaments améliorent les symptômes rénaux.
Enfin, la méta-analyse montre que les deux inhibiteurs de SGLT2 améliorent significativement la survie globale, ce qui n’était pas observé pour chacun des essais pris isolément.
Medscape : Et concernant les différents sous-groupes de patients ?
Pr Faiez Zannad : La méta-analyse montre que les résultats sont très consistants quelle que soit la sévérité de la maladie et dans la majorité des sous-groupes, qu’ils soient diabétiques ou non diabétiques, qu’ils reçoivent ou non l’association sacubitril/valsartan, quelle que soit la fonction rénale, qu’ils aient eu des antécédents d’insuffisance rénale, une macroprotéinurie ou pas.
Cependant, il y a deux sous-groupes chez lesquels les résultats nous étonnent. Nous pensons qu’il s’agit probablement des résultats dus au hasard. Il s’agit de celui sur le critère NYHA qui montre que les patients les moins sévères tirent plus de bénéfice que les plus sévères. Ce résultat est retrouvé dans les deux essais et est renforcé dans la méta-analyse. Aussi, les patients blancs semblent bénéficier moins que les patients non-blancs dans les deux essais et dans la méta-analyse ce qui est possiblement aussi un simple effet du hasard.
Medscape : Faut-il, selon vous, changer les recommandations ?
Pr Faiez Zannad : Forcément ! Nous avons désormais deux essais en plus des 3 ou 4 autres essais chez les diabétiques non insuffisants cardiaques et si l’on prend l’ensemble des preuves, tout va dans le même sens. Clairement, ces médicaments vont devenir le traitement standard de l’insuffisance cardiaque. Désormais, il reposera sur 4 piliers, les inhibiteurs de la néprilysine, les bétabloquants, les antagonistes de l’aldostérone et maintenant les inhibiteurs de SGLT2.
Notons que ces médicaments sont donnés en une seule dose, sans qu’une adaptation de dose ne soit nécessaire et qu’il n’y a pas de problèmes d’insuffisance rénale aiguë, d’hyperkaliémie, d’hypotension qui sont les trois causes majeures pour lesquels beaucoup de patients ne reçoivent pas de bloqueurs du système rénine-angiotensine. Nous pensons que ces médicaments vont être plus faciles à manipuler.
Medscape : Quid de l’insuffisance rénale ?
Pr Faiez Zannad : Pour l’insuffisance rénale, là-aussi les I-SGLT2 marquent des points. Les inhibiteurs de SGLT2 permettent un ralentissement de la détérioration du débit de filtration glomérulaire mais aussi une véritable prévention des événement rénaux, moins de patients qui passent en dialyse, moins de patients qui sombrent dans l’insuffisance rénale importante et persistante.
Méta-analyse DAPA-HF/EMPEROR-Reduced : principaux résultats
En colligeant les données des 8474 patients des deux essais DAPA-HF et EMPEROR-Reduced, une baisse de 13% de la mortalité toutes causes est observée (HR combiné de 0,87, IC à 95% : 0,86, 0,77–0,98; p=0·018) ainsi qu’une réduction de 14 % du nombre de décès cardiovasculaires (HR combiné de 0,86, IC à 95% : 0,76–0,98; p = 0,027).
L'inhibition du SGLT2 s'est aussi accompagnée d'une réduction relative de 26% du risque combiné de décès d'origine cardiovasculaire ou d’une première hospitalisation pour insuffisance cardiaque (HR combiné de 0,74, IC95% : 0,68-0,82; p <0,0001), et par une diminution de 25% du critère composite des hospitalisations récurrentes pour insuffisance cardiaque ou décès d'origine cardiovasculaire (HR combiné de 0,75, IC à 95% : 0,68-0,84; p <0,0001).
Le risque du critère composite rénal était également réduit de 38% (HR combiné de 0,62, IC à 95% : 0,43–0,90; p = 0,013).
Les tests d'hétérogénéité de l'effet la taille entre les essais n'étaient pas significatifs. Les effets combinés du traitement ont montré des avantages persistants pour la plupart des sous-groupes (âge, sexe, diabète, traitement avec un ARNI et DFGe de base), mais pas pour les sous-groupes en fonction de la classe fonctionnelle NYHA et de l’ethnicité.
Le Pr Faiez Zannad a déclaré des liens d’intérêt avec Janssen et Bayer.
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Citer cet article: Méta-analyse : chez les insuffisants cardiaques, les I-SGLT2 préviennent aussi le décès CV et la mortalité toutes causes - Medscape - 1er sept 2020.
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