Virtuel – Les résultats de l’essai randomisé EMPEROR-Reduced, évaluant l’intérêt de l’inhibiteur de SGLT2 empagliflozine chez des patients atteints d’une insuffisance cardiaque très sévère ont été présentés en session hot line lors de l’édition virtuelle de l’ESC 2020 et publiés simultanément dans le NEJM [1]. Ils confirment l’intérêt des I-SGLT2 dans l’IC avec ou sans diabète.
Par rapport au groupe placebo, l’ajout de l’inhibiteur de SGLT2 en sus du traitement standard de l’insuffisance cardiaque a permis de diminuer de 25 % le critère combiné de mortalité cardiovasculaire et d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque, tout en améliorant la fonction rénale.
« Les résultats de cet essai sont remarquables. Les inhibiteurs de SGLT2 apportent des bénéfices cliniques importants, ne sont donnés qu’une fois par jour, ne requièrent pas d’ajustement de dose et sont très bien tolérés. Je pense, comme d’autres, qu’il existe désormais suffisamment de preuves que les I-SGLT2 devraient être recommandés dans l’insuffisance cardiaque au même titre que les autres traitements », a indiqué l’auteur principal de l’étude, le Dr Milton Packer (Baylor University Medical Center, Dallas, Etats-Unis) lors de la conférence de presse ESC de présentation des résultats.
Comme rapporté auparavant avec la dapagliflozine dans l’étude DAPA-HF , mais cette fois dans une population de patients avec une insuffisance cardiaque plus grave, le bénéfice est pratiquement équivalent entre les patients diabétiques et les non diabétiques.
« Cette étude est la confirmation de l’utilité des inhibiteurs de SGLT2 chez les gens menacés par l’insuffisance cardiaque qu’ils soient diabétiques ou non. Un effet qui n’était pas attendu au départ. Il y a aussi une forte présomption que le bénéfice s’étende également aux patients non diabétiques avec une insuffisance rénale. Cette catégorie de médicament est un blockbuster », a commenté le Pr Michel Marre, chef du service d’endocrinologie diabète nutrition à l’hôpital Bichat Claude-Bernard, Paris pour Medscape.fr.
« Cette classe de médicaments initialement faite pour soigner le diabète va passer dans les mains des cardiologues, des néphrologues, des internistes et des médecins généralistes très rapidement », ajoute-t-il.
Un effet principalement lié à la baisse des hospitalisations pour IC
Dans cet essai réalisé en double aveugle, 3730 patients atteints d’une IC de classe II, III ou IV et avec une fraction d’éjection de maximum 40 % (plus de 70% avec une FEVG <30%) ont été randomisés pour recevoir de l’empagliflozine (10 mg/j) ou un placebo en sus de leur traitement standard. 50,2% des participants n’avaient pas de diabète.
Il en ressort qu’après un suivi médian de 16 mois, le critère primaire d’évaluation (mortalité CV et hospitalisation pour IC) est survenu chez 361 des 1863 patients (19,4%) ayant reçu l’empagliflozine et chez 462 des 1867 patients (24,7%) de ceux ayant reçu le placebo (RR=0,75, IC95% 0,65 à 0,86 ; p<0,001).
Au final, sur la période de l’essai, le nombre de patients à traiter pour éviter un décès CV ou une hospitalisation pour IC était de 19 (IC95% 13 à 37).
Les chercheurs précisent que l’effet sur le critère primaire est principalement lié à la baisse des hospitalisations pour IC (RR=0,70, IC95% 0,58 à 0,85, p<0,001). En effet, le risque de décès CV n’est pas significativement différent entre les deux groupes (RR=0,92, IC95% 0,75 à 1,12, NS). L’absence d’effet sur la mortalité CV, pourtant observé dans l’étude DAPA-HF avec la dapagliflozine, est-il un effet du hasard, lié à la molécule ou dû à la sévérité de l’IC dans la population d’EMPEROR-Reduced ? Le Dr John A. Jarcho (Brigham and Women's Hospital , Boston, Etats-Unis) pose la question dans un éditorial accompagnant l’article du NEJM[2] et indique que seul un essai randomisé comparatif entre l’empagliflozine et la dapagliflozine pourra répondre à la question.
Un bénéfice constant dans tous les sous-groupes étudiés
Le bénéfice de l’empagliflozine a été observé dans tous les sous-groupes (âge, IMC…) et quel que soit le statut diabétique (RR=0,72 pour les diabétiques vs 0,78 pour les non diabétiques).
Parmi les patients recevant l’association de sacubitril-valsartan à l’entrée dans l’étude, la baisse du risque était de 36% avec l’empagliflozine vs placebo alors que chez ceux qui ne recevaient pas l’association thérapeutique, l’intérêt de l’emplagliflozine était toujours présent mais moins marqué (baisse du risque de 23 % par rapport au groupe placebo).
A noter : le bénéfice associé à l’empagliflozine semble plus important chez les patients noirs et asiatiques que chez les patients blancs sans qu’une explication de ce phénomène puisse être donnée à ce stade.
L'empagliflozine réduit de 50% le risque d’événements rénaux graves
Autre résultat marquant concernant un critère secondaire de l’étude, la baisse du débit de filtration glomérulaire était moindre dans le groupe de traitement actif (-0,55 mL/min/1,73m²/an versus -2,28 mL/min/1,73m²/an, soit une différence de 1,73 mL/min/1,73m²/an (IC95% 1,10 à 2,37, p<0,001).
Aussi, le critère combiné associant les dialyses chroniques, la transplantation rénale ou une baisse importante et maintenue du débit de filtration glomérulaire est survenu chez 30 patients du groupe empagliflozine (1,6%) et chez 58 patients du groupe placebo (3,1%) (RR=0,50, IC95% 0,32 à 0,77).
« Il y a un bénéfice rénal. Cette classe de médicament se dessine tout à fait comme celle qui va au moins en partie résoudre le problème contemporain du syndrome cardio-rénal. Jusqu’à maintenant quand on améliorait la fonction rénale dans les stades avancées d’insuffisance cardiaque ou rénale, on détériorait le cœur et vice versa. Nous avons la preuve avec cette nouvelle étude que l’on peut obtenir un bénéfice sur les deux tableaux », indique le Pr Marre.
En termes de tolérance, l’effet secondaire le plus fréquent était les infections des voies génito-urinaires non compliquées (1,3% vs 0,4%), mais la fréquence de l'hypotension, de la déplétion volémique et de l'hypoglycémie était similaire dans les deux groupes.
Commentant l’ensemble de ces résultats, le Dr Packer conclut : «cet essai étend les avantages des inhibiteurs du SGLT2 aux patients à haut risque et montre un avantage significatif sur les résultats rénaux chez les patients souffrant d'insuffisance cardiaque pour la première fois […] Sur la base des résultats combinés de notre essai (ainsi que de l'essai antérieur avec la dapagliflozine), nous pensons que l'inhibition du SGLT2 avec l'empagliflozine et la dapagliflozine deviendra désormais une nouvelle norme de soins pour les patients souffrant d'insuffisance cardiaque et de fraction d’éjection réduite ».
Les liens d’intérêt des auteurs sont listés dans le papier du NEJM. Le Pr Marre a déclaré avoir reçu des honoraires/bourses de Novartis, Novo Nordisk, Sanofi, Servier, Abbott, Intarcia, Eli Lilly. Le Pr Faiez Zannad a déclaré des liens d’intérêt avec Janssen et Bayer. |
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Citer cet article: EMPEROR-Reduced assoit la place des I-SGLT2 dans l’IC indépendamment du statut diabétique - Medscape - 29 août 2020.
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