France – Les hôpitaux publics seraient-ils prêts à accueillir des malades à hauteur de ce qui s’est passé au printemps en cas de reprise brutale de l’épidémie à la rentrée. En dépit des réassurances ministérielles, le Collectif Inter Hôpitaux (CIH) en doute. Dans son dernier communiqué, il rappelle la réalité des chiffres et, marqué par l’épisode précédent, s’inquiète de l’ouverture de lits et de la présence du personnel nécessaire si besoin était [1].
29 000 malades pour 12 000 lits
« Ce 23 août dans le Journal du Dimanche, le Ministre de la Santé affirme : « nous sommes capables d'accueillir jusqu'à 29 000 malades en réanimation. Il faut noter que ces 29 000 malades seraient accueillis sur 12 000 lits » modère d’emblée le CIH, en faisant référence aux « recommandations d’organisation des réanimations en prévision d’une nouvelle vague de Covid-19 ». Publiée en juillet, cette fiche de l’ARS porte effectivement l’hypothèse « haute » de lits de réanimation à 12 000 en sachant que ce scénario correspond à ce qui s’est passé en avril 2020 avec déprogrammation quasi-totale des autres soins. Le collectif Inter Hopitaux confirme : « le chiffre de 12000 lits suppose la formation de personnels retirés d’autres services, la réaffectation de ces personnels, la disparition de la prise en charge des malades souffrant d’autres pathologies en réanimation ou soins continus dès lors que tous les lits sont consacrés aux soins pour les malades infectés par le Covid-19 ». Et le Collectif de préciser : « la France possède dans l’ensemble des établissements hospitaliers environ 5 000 lits de réanimation adultes. Il est possible de mobiliser en sus plus de 5 800 lits de soins intensifs, 7000 de surveillance continue adultes ».
Disposer du personnel nécessaire
Car avoir des lits ouverts suppose de disposer du personnel soignant nécessaire pour les gérer en cas de crise, et c’est là que le bât blesse. « En réanimation il est nécessaire d’avoir 2 infirmier.es pour 5 patients et un aide soignant.e pour 4 patients, explique le CIH dans son communiqué. La mutualisation des lits de réanimation, soins intensifs et surveillance continue pour parvenir à 12 000 lits, nécessite donc d’avoir des infirmier.es et aides soignant.es de réanimation supplémentaires », ce d’autant que, comme l’épisode précédent l’a montré, les soins pour les malades infectés par le Covid-19 sont particulièrement lourds. « L’affectation de personnels infirmiers supplémentaires, comme entre mars et mai, suppose de mobiliser des infirmier.es non spécialisé.es d’autres services, services qui devraient néanmoins continuer à fonctionner normalement pour pouvoir accueillir les autres patients nécessitant des hospitalisations » continue le CIH, rappelant que « l’hôpital n’a pas fait face à la vague covid de mars à mai sans dégâts ».
Quid du choc d’attractivité ?
Pour renforcer les soins des patients souffrant de Covid, l’hôpital a interrompu les soins non covid dans de nombreux centres avec des effets collatéraux qui se font sentir aujourd’hui pour les malades ayant eu un retard à la prise en charge. De plus, l’hôpital « n’a pu tenir que grâce aux personnels non hospitaliers soignants, parfois retraités ou reconvertis, venus en renforts » souligne le Collectif qui invite les autorités à plus de réalisme.
« Plus que des déclarations martiales et autosatisfaites, le CIH attend de la prudence, de la vigilance, des recrutements et l’ouverture de lits » affirme-t-il. Pour que l’hôpital public soit capable, dans la durée d’accueillir à la fois les patients infectés par le Covid et ceux atteints d’autres pathologies, dans ses services et ses réanimations, « il faut rouvrir des lits et recruter massivement ».
Dans ce communiqué, le CIH se dit inquiet à la veille de la rentrée : « la fatigue et le retour à l’anormal postCOVID – postes non pourvus, ratio de personnel inadéquat, modification de planning incessant, manque de lits – risquent de freiner l’engagement et l’effort qui avaient permis de surmonter la première vague » écrit-il, ajoutant avec une certaine amertume ne pas voir « de signaux indiquant que le Ségur de la Santé ait déclenché le choc d’attractivité espéré ».
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Citer cet article: Hôpitaux publics : pas prêts pour une deuxième vague, selon le CIH - Medscape - 25 août 2020.
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