BRACE CORONA: des données rassurantes sur les IEC/ARA2 et COVID-19

Pr Gabriel Steg, Dr Michel Zeitouni

Auteurs et déclarations

3 septembre 2020

BRACE CORONA est le premier essai randomisé à évaluer les effets des IEC et des ARA2 chez les patients infectés par le COVID-19. Que faut-il en retenir ? Le point avec Gabriel Steg et Michel Zeitouni, dans cette 3e partie de la discussion consacrée au congrès de la Société Européenne de Cardiologie (ESC).

TRANSCRIPTION

Michel Zeitouni Le troisième essai dont nous voulions discuter est BRACE CORONA. Il s’agit d’une étude randomisée réalisée dans le cadre d'un partenariat entre le Duke Clinical Research Institute et le Brazilian Research Institute. Les investigateurs ont souhaité répondre à la question des IEC et des ARA2 chez les patients infectés par le COVID-19. On se rappelle qu’au début de l’épidémie, il y a eu beaucoup de discussions sur ces patients sous IEC qui étaient déjà plus graves, parce qu’ils avaient des IEC pour l’hypertension ou pour de l’insuffisance cardiaque, et chez qui on avait peur que les IEC favorisent une infection plus sévère. Pouvez-vous nous dire quelques mots sur la physiopathologie et l’interaction entre IEC et SARS-CoV-2 chez ces patients ?

Gabriel Steg — C’est une question extrêmement importante et qui a beaucoup agité la communauté médicale, et notamment les cardiologues, depuis quelques mois puisque pour rentrer dans les cellules, le SARS-CoV-2 a besoin de se lier à un récepteur qui se trouve être le récepteur de l’enzyme de conversion de l’angiotensine de type 2. Donc, évidemment, si c’est ce récepteur-là qui permet au virus de rentrer dans les cellules, est-ce que les IEC ont un effet favorable ou un effet délétère ? Et on a entendu des arguments dans les deux sens. C’est une discussion physiopathologique intéressante et complexe, j’ai beaucoup appris moi-même sur le système rénine-angiotensine en lisant tous ces articles récents dans les meilleurs journaux. Il y a eu des considérations théoriques, ensuite il y a eu des données observationnelles. Les données observationnelles étaient plutôt rassurantes, ne semblant pas montrer de différence évidente, mais on sait combien elles sont fragiles, compte tenu des multiples biais possibles de confusion entre les patients qui reçoivent et qui ne reçoivent pas une classe thérapeutique. Finalement, la meilleure façon de tester la question est de faire un essai randomisé, et BRACE CORONA est, à ma connaissance, le premier essai randomisé qui rapporte ces résultats.

Les résultats sont tout à fait clairs : il n’y a pas de différence, ni dans la survie, ni dans la survie en dehors de l’hôpital, entre le groupe chez lequel on a, par tirage au sort, décidé d’arrêter ou de continuer les bloqueurs du système rénine-angiotensine. Et c’est plutôt une bonne nouvelle parce que cela veut dire qu’on n’a pas à s’affoler pour changer en urgence les classes thérapeutiques de traitement de nos patients hypertendus ou insuffisants cardiaques. Donc c’est une bonne chose. Ce n’est pas la seule étude en cours, il y a plusieurs autres études actuellement, dont une étude française qui est coordonnée par le groupe de la Pitié-Salpêtrière et le Pr Gilles Montalescot, qui s’appelle ACORES-2, qui a déjà commencé à recruter activement. Je pense que ce sera intéressant d’avoir l’ensemble de ses études et peut-être probablement même une méta-analyse poolée de l’ensemble de ces résultats lorsqu’ils seront tous disponibles, pour voir plus finement si, au-delà de la mortalité, sur des événements non mortels, sur des événements cardiovasculaires non mortels, on retrouve également la même sécurité. Parce que la mortalité est un critère quand même très grossier dans une infection où il faut rappeler que, heureusement, l’immense majorité des sujets survivent. Donc c’est très important d’avoir les événements non mortels et BRACE CORONA n’a pas ce degré de granularité — c’est un peu normal puisqu’elle n’a recruté que quelques centaines de patients. Je pense qu’il faudra vraiment pooler plusieurs études pour avoir la réponse extrêmement précise et définitive à la question. En attendant, c’est très rassurant.

Michel Zeitouni Oui. Il faut dire que dans BRACE CORONA la population est moyennement atteinte, avec très peu de patients qui étaient des saturants et une atteinte sur le scanner qui était le plus souvent peu sévère, mais c’est vrai que cela répond, quand même, à une question fondamentale. Et je pense que cela va rassurer beaucoup de cardiologues et de médecins, qui voient les patients avec le COVID-19, pour continuer les traitements cardiologiques dont l’arrêt, par ailleurs, pourrait entraîner des décompensations et des ré-hospitalisations en unité pour des OAP ou des poussées hypertensives.

En conclusion de BRACE CORONA : il n’y a pas d’intérêt à susprendre ces médicaments cardiologiques que sont les IEC et les ARA2 : ce sont des données rassurantes si, en plus, on les remet dans le contexte des études précédentes. Il faudra attendre aussi les études confirmatoires qui sont en cours, notamment ACORES 2, et il y a une étude randomisée en cours aux États-Unis, et aussi en Irlande, sur le sujet. Mais pour le moment, on maintient les IEC et les ARA2, d’autant plus que leur arrêt peut entraîner des poussées hypertensives et déséquilibrer des états cardiovasculaires et mener à des hospitalisations.

Je vous remercie Pr Steg, pour cet éclaircissement sur l’ESC 2020 et nous allons continuer à suivre la suite du congrès avec Medscape.

Discussion enregistrée le 1er septembre 2020

Direction éditoriale : Véronique Duqueroy

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