Le blog du Dr Boris Hansel - Diabétologue et nutritionniste
Pour le Dr Boris Hansel, il faut être plus attentif sur l’état des fonctions cognitives des patients diabétiques pour anticiper la dégradation du diabète et les risques de décompensation. En pratique, quels patients tester et comment?
TRANSCRIPTION
"J’aimerais vous parler d’un patient que je suis depuis plusieurs années pour un diabète insulinotraité. Il a toujours été bien équilibré, bien assidu à son traitement, il adapte ses doses d’insuline etc. Récemment, je me suis rendu compte que l’équilibre glycémique s’est détérioré, qu’il oublie parfois ses injections d’insuline et qu’il se trompe dans l’adaptation des doses d’insuline. Après m’être posé des questions sur les raisons de cette détérioration, je l’ai adressé pour un bilan des fonctions cognitives. Il présente une atteinte modérée des fonctions cognitives…
On sait que le diabète augmente le risque de démence, mais on oublie parfois que même des atteintes modérées, voire légères, sont plus fréquentes chez les patients diabétiques que dans la population générale. Il y a plusieurs chiffres de prévalence, c’est assez difficile de se faire une idée, mais ce serait plus de 15%, voire 20% des patients qui présentent de telles atteintes, ce qui veut dire beaucoup de nos patients diabétiques, en particulier après 60 ans, voire 65 ans. L’association américaine du diabète (ADA) a d’ailleurs recommandé de dépister les altérations des fonctions cognitives chaque année, en particulier chez les patients diabétiques de plus de 65 ans.
Faut-il dépister les autres patients ?
Il n’y a aucune preuve de l’intérêt d’un tel dépistage, mais je voudrais vous partager un algorithme que je trouve intéressant, qui a été récemment publié [] 1 ].
Il est proposé de dépister, évidemment plus particulièrement les plus de 65 ans, mais aussi les patients chez lesquels il y a des éléments qui nous mettent sur la voie, par exemple des patients qui commencent à oublier leur traitement, qui ont eu une ou plusieurs chutes, qui perdent du poids, qui présentent des signes dépressifs ou des signes d’anxiété. Bref, des patients chez lesquels le contexte clinique et l’interrogatoire peuvent nous mettre sur la piste. Chez ces patients, il est recommandé, d’après ces auteurs, de faire un test de dépistage — ils recommandent un test canadien de dépistage – qui prend à peu près 10 minutes, donc on ne peut pas le faire chez tout le monde en consultation. Mais chez les patients ciblés, c’est quelque chose qui est possible. Et si le test nous oriente vers une possibilité d’altération aux fonctions cognitives, on adresse évidemment chez un spécialiste.
Cela sert-il à quelque chose de détecter ces altérations des fonctions cognitives ?
En termes de traitement, cela ne change pas énormément, parce que le traitement des facteurs de risque cardiovasculaire, qui s’impose évidement pour éviter les démences vasculaires, est déjà quelque chose qu’on fait chez le patient diabétique : l’équilibre glycémique, et il n’y a pas de raison de justifier un traitement plus intensif de l’équilibre glycémique chez ces patients — on n’a jamais montré que ce soit efficace pour limiter le risque d’atteinte cognitive — donc il n’y a pas forcément de traitement spécifique qui va permettre de ralentir l’évolution.
En revanche, il me semble intéressant de dépister parce que ces patients sont plus à risque d’oublier leur traitement, de se tromper dans les doses d’insuline, de décompenser leur diabète sur le versant hyperglycémique ou de faire des hypoglycémies. Voilà pourquoi le cas que je vous ai présenté au début a été une concrétisation de l’idée qu’il faut probablement être un peu plus attentif sur l’état des fonctions cognitives pour anticiper la dégradation du diabète et les risques de décompensation.
Je vous remercie de votre attention et je vous dis à très bientôt sur Medscape."
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Citer cet article: Déclin cognitif chez les patients diabétiques : pourquoi il faut dépister - Medscape - 9 nov 2020.
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