Le Dr Thibault passe en revue la littérature récente sur les inhibiteurs PARP dans le cancer de la prostate métastasique, avec notamment des résultats encourageants des études PROFound (avec l’olaparib) et TRITON 2 (rucaparib).
LA SÉLECTION DU MOIS DE SEPTEMBRE
TRANSCRIPTION
Bonjour à tous et bienvenue sur Medscape. Aujourd’hui, je vais vous parler de la place des inhibiteurs de PARP dans les cancers de la prostate métastatique, car nous commençons à avoir des données qui laissent présager d’une efficacité de ces médicaments chez certains patients. On sait qu’à peu près 20 à 30 % des patients avec un cancer de la prostate métastatique vont avoir une mutation d’un gène impliqué dans la réparation de l’ADN, que ce soit au niveau germinal ou somatique. Il paraissait donc assez logique d’évaluer l’intérêt de cette classe thérapeutique chez les patients avec un cancer de la prostate métastatique résistant à la castration.
Étude PROfound : résulats prometteurs avec l’olaparib
Nous disposons désormais d’une étude de phase 3 ― PROfound [NCT02987543] [1] ― qui a évalué la place de l’olaparib chez des patients avec un cancer de la prostate métastatique résistant à la castration préalablement traités par une nouvelle hormonothérapie et présentant une anomalie sur l’un des 15 gènes impliqués dans la réparation de l’ADN. Dans le design de l’étude, il y avait deux cohortes de patients : une avec les mutations BRCA1, BRCA2 et ATM, et une autre cohorte avec les autres mutations. Le critère de jugement principal était la survie sans progression radiologique. L’olaparib était donné à la dose de 300 mg matin et soir. La randomisation était de 2 : 1, soit olaparib, soit une nouvelle hormonothérapie qui était l’abiratérone ou l’enzalutamide en fonction de la première hormonothérapie que les patients avaient reçue. Pour être inclus dans l’étude, les patients ne devaient pas avoir été prétraités par docétaxel — on en discutera un peu plus loin ici, c’est une des critiques que l'on peut faire à cette étude. Au final, un peu moins de 400 patients ont été inclus.
Résultats : l’étude est positive sur son critère de jugement principal, soit la survie sans progression radiologique, qui était de 7,4 mois dans le bras olaparib chez les patients avec les mutations BRC1, BRCA2, ou ATM versus 3,6 mois chez les patients traités par une nouvelle hormonothérapie, avec une tendance, mais qui n’est pas statistiquement significative, d’un bénéfice en survie globale, alors que plus de 80 % des patients qui étaient randomisés dans le bras contrôle ont reçu, au moment de la progression, l’olaparib. Ce sont donc des résultats très encourageants. On attendra de voir avec un peu plus de recul si le bénéfice en survie globale devient statistiquement significatif. Sur le plan de la tolérance, c’est acceptable : à peu près 20 % des patients ont nécéssité une diminution de dose et 20 % d'un arrêt de traitement pour toxicité.
Que peut-on dire de ces résultats ? Ils sont assez prometteurs – une des limites étant le bras contrôle, étant donné que c’était une nouvelle hormonothérapie et que tous les patients n’avaient pas été traités par une chimiothérapie à base de docétaxel, alors que l’on sait que d’enchaîner deux nouvelles hormonothérapies chez des patients avec un cancer de la prostate métastatique n’est pas la séquence thérapeutique la plus efficace. Néanmoins, dans cette étude, presque la moitié des patients avaient quand même reçu du docétaxel et une nouvelle hormonothérapie avant d’être inclus dans l’étude. Donc finalement on attendra de voir les résultats avec un peu plus de recul, notamment sur la survie globale [ndrl : les résultats sur la survie globale seront présentés à l’ESMO 2020]. Reste à savoir aussi si toutes les mutations prédisposent à une sensibilité aux inhibiteurs de PARP. Quand on regarde, dans cette étude, les résultats en fonction du type de mutation, l’impression est que cela marche clairement pour les patients avec des mutations BRCA2 et CDK12 ; par contre, pour les autres, c’est un peu moins certain. Ce sont des petits effectifs dans le cadre de cette étude, donc cela paraît difficile de conclure avec certitude. Donc on attendra de voir ce que cela donne avec des études de plus grande ampleur.
TRITON 2 : le rucaparib en phase 2, encourageant mais avec des effets secondaires
L’autre travail qui a été publié [2] est une étude de phase 2 : TRITON 2 [NCT02952534]. Elle évaluait un autre inhibiteur de PARP, le rucaparib, avec comme critère de jugement principal le taux de réponse objective (vu qu’on est dans une étude de phase 2). Là aussi, il s’agissait de patients avec un cancer de la prostate métastatique résistant à la castration, préalablement traités par nouvelle hormonothérapie, mais il fallait que les patients aient tous reçu du docétaxel. Donc on se positionne ici vraiment en troisième ligne de traitement. C’était une étude qui n’était pas randomisée, avec des patients qui devaient tous avoir une mutation d’un gène impliqué dans la réparation de l’ADN. Mais les résultats qui ont été publiés récemment et rapportés étaient ceux de patients avec des mutations BRCA1 et BRCA2, somatique ou germinale ; en tout cas il n’y avait que des patients avec des mutations BRCA.
Résultats : l’étude est positive, le taux de réponse objective étant de 43 % — l’hypothèse statistique de base était de 35 % — avec, quand même, plus de la moitié des patients qui ont eu une réponse biologique, c’est-à-dire une diminution du taux de PSA de plus de 50 % avec une survie sans progression radiologique de 9 mois et un taux de survie globale à un an de 73 %. En termes de tolérance, il y a quand même eu un peu de toxicité avec presque les deux tiers des patients qui ont eu des effets secondaires reliés au médicament de grade 3-4, et plus d’un quart des patients ont nécessité une transfusion en raison de la toxicité hématologique. Donc désormais, il y a une étude de phase 3 qui confirmera peut-être ces résultats encourageants, qui évalue le rucaparib en monothérapie — cette fois-ci après uniquement une nouvelle hormonothérapie — et le bras contrôle sera soit l’autre nouvelle hormonothérapie, soit le docétaxel, le choix étant laissé libre à l’investigateur. Et là encore, tous les patients devront avoir une mutation, cette fois-ci BRCA ou ATM.
Autres études en cours
D’autres études évaluent d’autres inhibiteurs de PARP, cette fois-ci en première ligne de traitement et en association avec des nouvelles hormonothérapies, à la fois chez des patients avec des mutations des gènes impliqués dans la réparation de l’ADN, mais aussi chez des patients avec des cancers de la prostate qui n’ont pas de mutation de gènes impliqués dans la réparation de l’ADN. Pour n’en citer que deux, il y a l’étude de phase 3 MAGNITUDE [NCT03748641] [3] qui associe l’acétate d’abiratérone au niraparib, et l’étude TALAPRO 2 [NCT03395197] [4] qui associe le talazoparib à l’enzalutamide en première ligne de traitement.
Je vous remercie, et à bientôt sur Medscape.
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Citer cet article: Cancer de la prostate métastatique : quelle place pour les inhibiteurs de PARP ? - Medscape - 17 sept 2020.
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