France – Comment secouristes et urgentistes prennent-ils en charge des victimes dans un contexte d’accidents, voire de catastrophe comme cela vient de produire au Liban, compte-tenu du contexte de pandémie de COVID (Lire Liban : plus de la moitié des hôpitaux hors service et hausse spectaculaire des cas de COVID) ? Existe-t-il des procédures particulières, des recommandations au niveau international ? A quels types de lésions les médecins libanais vont-ils être confronté ? Nous avons posé la question au Dr Dominique Savary, chef des urgences du centre hospitalier universitaire d’Angers et membre de la Société Française de Médecine d’Urgences et de Samu Urgences de France.
Medscape édition française : Y-a-t-il eu des recommandations internationales émises à l’attention des secouristes (expérimentés ou tout venant) et urgentistes concernant la réalisation des manœuvres de réanimation lors d’interventions sur les victimes dans le contexte de la pandémie de Covid ?
Dr Dominique Savary : En termes de recommandations internationales, les seules que je connaisse concerne la prise en charge d’un arrêt cardio-respiratoire (ACR) [1]. Elles adaptent au système de soins préhospitaliers français les recommandations issues des travaux de l’ILCOR (International Liaison Committee on Resuscitation) [2,3] et de l’AHA [4]. En temps normal, les manœuvres de réanimation comprennent à la fois des compressions thoraciques au cours du massage cardiaque et une ventilation. Cette dernière pouvant provoquer à minima un risque d’aérosolisation du virus, il est désormais demandé au grand public de ne pratiquer que le massage cardiaque quand l’arrêt est d’origine respiratoire comme chez les jeunes enfants. Et ce sont les secours, pompiers et SAMU, qui habillés avec les équipements de protection individuelle (EPI) à leur disposition – si jamais l’arrêt respiratoire était en lien avec une infection à la Covid – prennent ensuite en charge la victime.
Des mesures de protection spécifiques sont-elles nécessaires lors de certaines interventions ?
Dr Savary : Effectivement, pour réaliser une intubation, il y a obligation de porter un masque FFP2 (ou FFP3), une protection oculaire au minimum avec des lunettes couvrantes, une sur- blouse (imperméable ou renforcée) et un couvre-chef adapté. En aucun cas, l’urgence de la réanimation ne doit obérer le temps nécessaire à la mise en œuvre d’une protection efficace des intervenants. Il est d’ailleurs admis, contrairement aux pratiques antérieures, que ce délai fasse partie du processus de prise en charge. A la fin de l’intervention, une attention particulière est portée à la sécurité du déshabillage de l’équipe et à la gestion des déchets d’activité de soins à risque infectieux (DASRI) selon les pratiques en vigueur.
Quid des mesures de protection spécifiques lorsque l’on intervient sur des catastrophes comme au Liban ?
Dr Savary : La situation est particulière dans le sens où l’on va prendre en charge des personnes souffrant avant tout de traumatismes mais potentiellement atteintes de Covid. Les secouristes vont prendre en charge la population comme ils le font d’habitude, mais avec des mesures d’hygiène supplémentaires avec lavage des mains, gants, les blouses de protection en cas de problème respiratoire, la protection du visage avec le masque et les lunettes quand il y a des manœuvres ventilatoires, que ce soit des aérosols, de l’intubation trachéale ou de la ventilation.
Existe-t-il des antécédents en matière de médecine de catastrophe en contexte épidémique ?
Dr Savary : Avec l’EPRUS et le Samu de France, nous sommes un certain nombre d’urgentistes à être intervenus en Guinée notamment sur l’épidémie d’Ebola. C’était très spécifique car nous devions prendre en charge des personnes dans le cadre d’une maladie émergente, beaucoup plus contagieuse que ne l’est la Covid, avec des mesures encore plus drastiques que celles que l’on utilise aujourd’hui, c’est à dire un scaphandre et le matériel de ventilation associé. Donc, on a déjà une certaine habitude et les secouristes qui partent sur ce type de catastrophes ont déjà été formés. Par ailleurs, les dotations en équipements d’organismes tel que celles de l’EPRUS sont très complètes.
Les secouristes qui interviennent sur ce type de catastrophe sont-ils formés à tout type de risques ?
Dr Savary : Oui, que ce soient la Sécurité civile (des militaires), le SAMU de France ou l’EPRUS, tous sont très bien formés de base. J’ai entendu que des pompiers-marins de Marseille avaient été envoyés au Liban, là encore, ce sont des personnes qui sont habitués à une prise en charge pré-hospitalière type SAMU. Quand c’est nécessaire, sur une intervention en contexte Ebola, les secouristes envoyés sur place bénéficient alors d’une reformation de 10 jours sur les risques spécifiques.
A quels types de lésions vont être confrontés les urgentistes au Liban ?
Dr Savary : Essentiellement de la traumatologie, puis dans un second temps, à des lésions en relation avec un ensevelissement prolongé, de type déshydratation, rhabdomyolyse avec des conséquences néphrologiques majeures nécessitant éventuellement de la dialyse, de la réanimation. Le suivi psychologique de ces populations est aussi à organiser. Initialement il va y avoir une importante activité chirurgicale pour traiter les fractures, les grosses plaies. Je crois savoir que l’hôpital de l’Hôtel-Dieu de Beyrouth, même partiellement détruit, continue de fonctionner.
Le porte-hélicoptère amphibie Tonnerre envoyé en renfort au Liban
Après l’envoi à Beyrouth, dès mercredi 5 août, de deux avions transportant 55 militaires de la sécurité civile, 15 tonnes de matériel et équipements d’intervention ainsi qu’un poste sanitaire de secours d’urgence et 5,5 tonnes de médicaments d’urgence, le porte-hélicoptère amphibie Tonnerre est parti dimanche soir de Toulon [4]. Par ailleurs, un cargo sera affrété par le ministère des Armées en début de semaine prochaine. « Ces moyens permettront la mise en œuvre de capacités en matière de santé, notamment à travers l’hôpital à bord du Tonnerre, des équipes et matériels du génie, des moyens aériens, ainsi que le transport de 200 tonnes de farines, de produits laitiers et infantiles, de 134 tonnes de rations alimentaires, de 75 000 litres d’eau potable et de matériaux de reconstruction » indique le gouvernement. Le dernier bilan officiel fait état de 171 morts .
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Citer cet article: Secouristes et urgentistes : quelles précautions en intervention ? - Medscape - 14 août 2020.
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