Saint-Denis, France – Suite à des signalements, l’ANSM a appelé les patients diabétiques à ne pas utiliser les logiciels et applications disponibles en OpenSource et offrant la possibilité d’élaborer soi-même un système de gestion automatisée de la glycémie pour délivrer de l'insuline [1]. (Lire Délivrance automatisée d’insuline : attention aux systèmes « do it yourself »)
« Plusieurs dispositifs médicaux sont disponibles en France et disposent du marquage CE garantissant la sécurité des patients » alors que, ces systèmes en boucle fermée ou pancréas artificiel à faire soi-même, proposés en libre accès en dehors de tout cadre réglementaire, « sont sans garantie de sécurité pour les patients », indique l’ANSM qui précise : « les utilisateurs de ces systèmes s’exposent à des complications potentiellement graves (hyper ou hypoglycémies sévères, acidocétoses, rétinopathies foudroyantes) induites par l’administration de mauvaises quantités d’insuline ».
Pourtant, sur le terrain, l’inquiétude est moins palpable.
Interrogés par Medscape édition française, plusieurs diabétologues, sans en faire l’apologie, ne condamnent pas vraiment cette pratique. « Je comprends les patients qui utilisent ces systèmes du fait des difficultés d’accès à l’innovation en France », indique le Dr Michael Joubert (CHU Caen). Le Dr Boris Hansel, du même avis, (Université Paris 7, hôpital Bichat, Paris) souligne qu’ »en général, les diabétologues adhèrent à la démarche proactive des patients ».
Quelle est l’ampleur de ce phénomène ? Pourquoi s’est-il développé ?

Pr Jean-Pierre Riveline
Le Pr Jean-Pierre Riveline (hôpital Lariboisière, Paris) nous apporte son éclairage.
Medscape édition française : Que pensez-vous de cette alerte de l’ANSM ?
Pr Jean-Pierre Riveline : L’ANSM joue son rôle d’autorité sanitaire en alertant sur ce type de systèmes non validés.
De mon côté, je suis partagé car j’avoue que les résultats dont j’ai eu connaissance par mes patients ou lors de congrès sont assez impressionnants.
Toutefois, en cas de problème, avec ces systèmes, les patients n’ont personne vers qui se tourner. Aussi, cette approche présente deux inégalités importantes à mon sens. L’une est financière car il faut acheter certains composants de ces systèmes en dehors des circuits validés, mais aussi il y a une inégalité intellectuelle car il faut monter ces systèmes seuls et tout le monde n’a pas cette compétence.
Donc, certains de vos patients utilisent-ils ces systèmes « Do it Yourself » (DIY) ?
De mon côté, je ne fais que prescrire la pompe à insuline, mais je sais que certains de mes patients utilisent ces systèmes non certifiés pour contrôler leur glycémie. Ils ne sont pas nombreux, il s’agit principalement de sujets assez jeunes, de geeks. Quoi que je leur dise, ils les utiliseront quand même…
Y-a-t-il des risques d’accidents importants selon vous ? Plus importants qu’avec les systèmes validés ?
Difficile de répondre précisément car les patients sont très peu nombreux et les incidents ne sont pas rapportés. Il y a ce risque car les algorithmes ne sont pas contrôlés par des autorités indépendantes.
Comment se fait-il que les patients se soient tournés vers ces systèmes non validés ?
Les systèmes de boucles fermées marqués CE ont prouvé leur efficacité mais ne sont pas remboursés pour les patients diabétiques. Le retard dans l’obtention d’un remboursement pousse les patients, qui le peuvent, à se débrouiller par eux-mêmes. Il faudra combler ce retard au plus vite.
Qu’est-ce qu’un système en boucle fermée, appelé aussi pancréas artificiel ?
Il s’agit d’un système comportant un dispositif de perfusion d’insuline, un capteur de glycémie et un algorithme informatique installé sur un appareil de commande (téléphone mobile, tablette, etc…). En assurant la communication entre ces éléments, les dispositifs CE ou opensource gèrent de manière autonome ou semi autonome l’administration en continu d’insuline.
Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que leur(s) auteur(s) et ne reflètent pas nécessairement celles de WebMD ou Medscape.
Liens
Actualités Medscape © 2020
Citer cet article: Systèmes de délivrance d’insuline non certifiés : pourquoi sont-ils utilisés par les patients ? - Medscape - 31 juil 2020.
Commenter