Résumé : En dépit de ce qui avait été suggéré chez la souris, un essai clinique mené auprès de 249 américains atteints de mélanomes a montré que l'association des inhibiteurs de BRAF et MEK est moins efficace lorsqu'elle est administrée par intermittence que lorsqu’elle est administrée en continu.
TRANSCRIPTION/ADAPTATION
Paris, France-- Bonjour et bienvenue sur le site de Medscape. Je suis le docteur Manuel Rodrigues, je suis oncologue médical à l’Institut Curie à Paris. Je vais vous parler, aujourd’hui, d’une étude dans le mélanome cutané, une étude, dont on peut extrapoler les résultats à tous les cancers avec une addiction oncogénique, c’est-à-dire tous les cancers qui ont une mutation d’un gène, une mutation hoptspot, la plupart du temps, d’un gène driver, conducteur de la tumorigenèse et que l’on peut cibler par une thérapie ciblée.
Bien sûr, pour le mélanome cutané je pense aux mutations BRAF que l’on peut cibler avec les anti-BRAFs, les anti-MEK ou la combinaison des deux.
Traitement par intermittence : une piste intéressante ?
Tout a commencé avec des résultats de laboratoire qui étaient extrêmement intéressants. Ils ont montré, il y a quelques années(2013), que quand on cultivait des mélanomes cutanés BRAF mutés en présence d’un anti-BRAF, petit à petit la tumeur devenait résistante. A un moment ou un autre, elle se remettait à pousser. Mais, ce qui était bizarre, c’est que si vous retiriez alors l’anti-BRAF, la tumeur grossissait plus lentement.
Dans le détail, ils ont greffé un groupe de souris avec un mélanome métastatique BRAF muté, et il l’on traité en continu par un anti-BRAF, le vémurafénib, jusqu’à ce que la tumeur devienne résistante et se mette à progresser à un stade qui n’était plus raisonnable.
Et dans un autre groupe, même tumeur greffée sur le même type de souris, elles ont été traitées de façon intermittente — c’est-à-dire quatre semaines de drogue, deux semaines de pause, quatre semaines de drogue, deux semaines de pause. Étonnamment, justement, dans ce groupe, la PFS, le temps jusqu’à une progression déraisonnable, si vous voulez, était beaucoup plus long. Quelque chose comme deux fois ou trois fois plus long.
Un essai chez l’homme
C’était extrêmement excitant et, donc, un essai clinique a été réalisé. C’est de celui-là dont on parle aujourd’hui, publié dans Nature Medicine . Les chercheurs ont pris 250 patients atteints d’un mélanome métastatique BRAF muté non traité par un anti BRAF. Ils ont donné à ces 250 patients — 249 — la combinaison BRAF/MEK, donc le dabrafénib et le tramétinib, pendant huit semaines. Sur ces huit semaines, il y en a une quarantaine, à peu près, qui a progressé, donc qui ont été exclus de l’étude. Mais ceux qui n’avaient pas progressé, ceux pour qui il y avait une réponse au bout de ces 8 semaines ont été randomisés. Soit à peu près 100 malades/100 malades entre d’un côté un bras continu (la combinaison des deux en permanence), et de l’autre côté un bras séquentiel — cinq semaines de drogue et trois semaines de pause, cinq semaines de drogue, trois semaines de pause, pour faire huit semaines.
Des résultats négatifs
On attendait… en tout cas personnellement j’attendais beaucoup de ces résultats et l’étude est négative.
Pire encore, elle est vraiment délétère, et c’est assez étonnant, finalement, puisque la PFS médiane dans le groupe en continu était de neuf mois, ce qu’on attendait, donc au bout de neuf mois, la moitié des patients progressaient et de l’autre côté, elle n’était que de 5,5 mois, avec un p à 0,06, mais, en tout cas, une différence qui semble quand même très significative, puisqu’on attendait, on espérait quelque chose de meilleur. Or, au contraire, c’est moins bon.
Ces résultats remettent en cause complètement cette hypothèse. Ils remettent en cause aussi toute la réflexion qu’il peut y avoir pour d’autres cancers et c’est une étude, à mon avis, importante, puisqu’elle permet d’éliminer une piste qui était potentiellement intéressante.
Les autres pistes, dont on a parlé il y a quelques semaines en post-ESMO, sont : faut-il faire une combinaison d’immunothérapie et d’anti BRAF/MEK ou est-ce qu’il faut peut-être construire un séquentiel, mais non pas avec une pause, mais peut-être avec un relais par l’immunothérapie — un peu de BRAF/MEK au début — deux mois —, puis de l’immunothérapie ?
Ca, c’est potentiellement quelque chose de très intéressant, comme vous pourrez le retrouver dans la vidéo que nous avions réalisée avec le professeur Caroline Robert.
Voilà. À bientôt sur le site de Medscape.
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Citer cet article: Mélanome : la piste des traitements par intermittence ne serait pas la bonne - Medscape - 27 nov 2020.
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