Paris, France — Chez les patients atteints de stéato-hépatite non alcoolique (NASH) sans cirrhose, un traitement oral par acide obéticholique réduit de manière significative la fibrose, selon des résultats intermédiaires à 18 mois de l’étude de phase 3 RENEGATE. Le traitement a toutefois l’inconvénient de provoquer un prurit dans la moitié des cas et d’augmenter le niveau de cholestérol LDL.
Il s’agit de la première étude de phase 3 à confirmer l’efficacité d’un traitement contre la NASH. Publiés dans le Lancet, ces résultats ont été présentés par le Dr Sabrina Sidali (CHU de Rouen), lors d’une session virtuelle des Journées francophones d'hépato-gastroentérologie et d'oncologie digestive (eJFHOD 2020) , consacrée aux publications marquantes de l’année 2019 en hépatologie [1,2].
Caractérisée par une accumulation anormale de triglycérides dans les hépatocytes, la stéatopathie non-alcoolique (NAFLD) toucherait entre 20 et 25% de la population générale adulte. Cette stéatose métabolique, fréquente chez les personnes en surpoids, peut progresser vers une NASH, un stade inflammatoire caractérisé par des lésions au niveau du foie, similaires à celles observées dans l’hépatite alcoolique.
Ces lésions surviennent après un excès de triglycérides dans les hépatocytes (ballonisation) qui peut conduire à une fibrose et, dans les cas les plus avancés, à une cirrhose, voire un carcinome hépatocellulaire.
Priorité à la perte de poids
Pour traiter une NASH, la stratégie est d’abord de passer par l‘adoption de mesures hygiéno-diététiques, en privilégiant le régime méditerranéen et en incluant la pratique d'une activité physique (voir notre article: Foie gras : comment faire régresser une NASH sans médicament). On estime qu’une perte de 8 à 10% du poids est suffisante pour améliorer la fonction hépatique et faire disparaitre une stéatose.
Si la stratégie n'est pas concluante ou difficile à maintenir, un traitement médicamenteux peut être envisagé, mais aucun actuellement sur le marché n’a réellement d’effet sur l’histologie du foie. Souvent prescrit, l’antidiabétique oral metformine aurait l’avantage de réduire le risque d’hépatocarcinome, mais il ne dispose pas d’une AMM dans cette indication.
L’acide ursodésoxycholique, un acide biliaire naturel habituellement utilisé dans le traitement des cholestases, a également été prescrit, en suivant les recommandations de l'Association européenne pour l'étude du foie (EASL), mais sans succès.
Impact sur le métabolisme des lipides
Parmi les nombreux traitements actuellement à l’essai, l'acide obéticholique est le premier à avoir révélé une efficacité. Il s’agit d’un agoniste du récepteur X du farnésoide, impliqué dans la régulation du métabolisme des lipides et des glucides. « Des données récentes montrent que l’activation de ce récepteur réduirait l’inflammation et la fibrose hépatique », a précisé le Dr Sidali.
Mené par le Dr Zobair Younossi (Inova Health System, Falls Church, Etats-Unis) et ses collègues, l’essai de phase 3 en double aveugle REGENATE a inclus 1 968 patients présentant une NASH (score NAS≥4), sans cirrhose (fibrose de stade F1 à F3). Ils ont été randomisés pour recevoir quotidiennement, soit 25 mg d’acide obéticholique, soit 10 mg, soit un placebo.
Le critère principal d’évaluation était une résolution de la NASH sans aggravation de la fibrose ou une amélioration de la fibrose sans aggravation de la NASH. Une histologie a été réalisée avant l’inclusion et à 18 mois. Le suivi intégrait notamment un bilan hépatique et lipidique réalisé tous les trois mois.
L’analyse intermédiaire était prévue après un minimum de 750 patients randomisés avec une fibrose F2 ou F3 avec 18 mois de suivi. Les résultats montrent une réduction de la fibrose chez 23% des patients du groupe 25 mg d’acide obéticholique. La différence est significative avec le groupe placebo, qui affiche 12% de réduction de fibrose, ce qui n’est pas le cas pour le groupe 10 mg d’acide obéticholique (18% de réduction).
Pas de résolution de la NASH
Concernant la résolution de la NASH, les résultats ne présentent pas de différence significative entre les groupes. Elle s’observe chez respectivement 12% et 11% des patients prenant les traitements à 25 et 10 mg, tandis que dans le groupe contrôle, la stéatose s’est résorbée chez 8% des patients.
En termes de tolérance, le principal effet secondaire est un prurit en majorité léger ou modéré, qui s’observe chez 51% des patients prenant l’acide obéticholique à 25 mg. Dans le groupe acide obéticholique à 10 mg, il apparait chez 28% des patients, contre 19% dans le groupe placebo. Le prurit a conduit à un arrêt de traitement pour 5% des patients prenant la dose la plus élevée du traitement.
Le traitement a aussi l’inconvénient de provoquer des anomalies lipidiques avec une hausse du cholestérol LDL, qui apparait majeure le premier mois, avant un retour vers le niveau avant inclusion. Chez les patients recevant 25 mg d’acide obéticholique, le niveau de LDL-c a augmenté en moyenne de 23,8 mg/dL à un mois, puis affichait + 2,7 mg/dL à 18 mois, par rapport au taux initial.
« Cette analyse intermédiaire suggère une activité anti-fibrosante de l’acide obéticholique dans la NASH au prix d’un taux élevé de prurit », a commenté le Dr Sidali. L’étude devrait se poursuivre pour une durée totale d’au moins quatre ans « afin de pouvoir confirmer le bénéfice clinique du traitement à long terme ».
Un effet lié aux statines?
Dans un éditorial accompagnant la publication, les Drs Mohammed Eslam (Westmead Hospital and University of Sydney, Australie), Rino Alvani (Cipto Mangunkusumo National General Hospital, Jakarta, Indonésie) et Gamal Shiha (Mansoura University, Egypte) ont salué des résultats « encourageants », tout en émettant quelques réserves [3].
Ils soulignent en particulier que le critère principal concernant la résolution de la NASH n’a pas été atteint. Ils précisent aussi que les patients mis sous acide obéticholique, en comparaison avec le groupe contrôle, ont plus souvent reçu des statines, pour traiter la hausse du LDL-c. « La réduction de la fibrose pourrait être, en partie, attribuée aux statines », estiment les spécialistes, même si cette corrélation n’est pas avérée.
Selon eux, le profil de sécurité peu satisfaisant de l’acide obéticholique pose également question. L’effet sur le profil lipidique apparait d’autant plus préoccupant que le risque cardiovasculaire est déjà élevé chez ces patients. Cet effet sur le niveau de cholestérol « pourrait atténuer le bénéfice obtenu avec l’amélioration de la fibrose hépatique », estiment les éditorialistes.
Des études sont actuellement menées pour évaluer un traitement combinant l’acide obéticholique à des hypolipémiants, pour atténuer le risque cardiovasculaire. « Nous espérons que les résultats finaux pourront apporter un éclairage sur l’impact clinique du traitement à la fois au niveau hépatique et cardiovasculaire », ont-ils conclu.
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Citer cet article: NASH: l’acide obéticholique permet une diminution de la fibrose - Medscape - 27 juil 2020.
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