Paris, France – Le remdesivir (Veklury ®, Gilead ) dispose depuis le 15 juillet 2020 d’une autorisation temporaire d’utilisation de cohorte (ATUc). Il ne s’agit pas d’une molécule de prescription facile et toute initiation doit faire l’objet au préalable d’un avis collégial. Son utilisation est limitée aux établissements de santé pour les patients oxygénorequérants sous surveillance des fonctions rénale et hépatique. L'évolution de l'état des cinq premiers patients hospitalisés en soins intensifs à l'hôpital Bichat (Paris) et traités avec cet antiviral à large spectre, notamment la toxicité observée, souligne la complexité d'utilisation de cet antiviral chez des individus fragiles. Elle fait l'objet d'un article publié dans l'International Journal Of Infectious Diseases[1].
Les tout premiers patients traités
Les cinq patients de l'hôpital Bichat dont les cas sont décrits dans la publication ont été hospitalisés en soins intensifs entre le 24 janvier et le 1er mars 2020. Ils ont été les premiers en France à recevoir en intraveineuse la molécule du laboratoire Gilead pour un usage compassionnel. L'étude Discovery n'avait alors pas commencé.
Ces patients ont reçu une perfusion initiale de 200mg de remdesivir puis une dose de maintien quotidienne de 100 mg pour un maximum de 14 jours. La charge virale au niveau des voies respiratoires a été régulièrement monitorée.
Pour trois patients, malgré la sévérité de l'atteinte respiratoire initiale, l'issue a été favorable. Ils n'étaient plus oxygéno-requérants entre J14 et J19 après les premiers symptômes et ont été déclarés guéris entre J20 et J26. Les deux autres patients sont décédés en soins intensifs entre J25 et J31.
Evolution détaillée des patients
Patient 1
Un Chinois de 31 ans originaire de Wuhan. Diagnostiqué Covid + cinq jours après son arrivée à Paris. Hospitalisé avec des symptômes grippaux le 24 janvier, il est transféré en soins intensifs à J10 car oxygénorequérant. Sa charge virale n'est pas augmentée. Le remdesivir est initié le 29 janvier (J11) et arrêté à J15 à cause d'une élévation de l'ALAT (195 UI/L vs 46 UI/L avant le début du traitement) et d'une éruption maculopapulaire. Une baisse rapide de la charge virale est observée dès le deuxième jour de perfusion. Les effets secondaires cutanés et hépatiques disparaissent trois jours après l'arrêt du remdesivir. Le patient est sortant le 12 février.
Patient 2
Un Chinois de 80 ans originaire de la province d'Hubei. Il a des antécédents de cancer de la thyroïde. Il se présente à l'hôpital le 25 janvier pour de la fièvre et des diarrhées depuis quatre jours. Le 26 janvier, il est admis en soins intensifs pour une détresse respiratoire aigüe et une défaillance multiviscérale. Une antibiothérapie est initiée après la révélation d'une co-infection (Acinetobacter baumannii + Aspergillus flavus). Les perfusions de remdesivir ont commencé le 29 janvier et ont été arrêtées le 31 janvier quand le patient a nécessité une dialyse rénale. Le 5 février, au vu de l'état de santé sérieux du patient et d'une charge virale toujours détectable, le remdesivir a été réinitié. La défaillance multiviscérale a persisté sans autre co-infection. Il est décédé le 14 février.
Patient 3
Un homme de 39 ans qui travaille dans un aéroport. Il est obèse (IMC = 33kg/m2) et souffre d'apnée du sommeil. Diagnostiqué avec une forme sévère de Covid-19, il est admis en soins intensifs le 26 février car il est notamment oxygénorequérant. Il a de la fièvre et de la toux depuis le 21 février. Le remdesivir a été débuté le 27 février. Après une hausse du taux d'ARN viral, celui-ci a baissé 5 jours après le début des perfusions pour devenir indétectable le 1er mars. Il a été transféré au service des maladies infectieuses. Il n'a plus eu besoin d'oxygène à J13. Le remdesivir a été arrêté après huit perfusions en raison d'une hausse de l'ALAT et d’une éruption maculopapulaire, des signes qui ont disparu cinq jours après l'arrêt du remdesivir. Le patient a été considéré guéri à J20.
Patient 4
Un homme de 76 ans atteint d'une maladie rénale chronique (créatinine = 115 micromol/L) a été hospitalisé le 22 février pour rhume et fièvre. A cause d'une saturation en oxygène qui se détériore, il est admis en soins intensifs. Il reçoit du remdesivir entre le 3 mars et le 12 mars, sans effet secondaire. Il n'est plus oxygénorequérant à J19 et il est considéré comme guéri à J23.
Patient 5
Un homme de 70 ans présentant une BPCO. Diagnostiqué Covid + le 1er mars, il a de la fièvre depuis le 23 février et prend des AINS pour une lithiase rénale. Il est admis en soins intensifs le 2 mars pour détresse respiratoire aigüe. Un traitement au remdesivir, initié le 4 mars, est arrêté deux jours plus tard pour atteinte rénale nécessitant une dialyse. La charge virale des échantillons nasopharyngés est indétectable dès le deuxième jour des perfusions. Cependant, elle est présente dans un lavage bronchoalvéolaire le 10 mars. De la céfotaxime est prescrite contre une co-infection respiratoire à Haemophilus influenza. Mais malgré la position ventrale, une assistance ventilatoire adaptée et l'initiation d'un traitement avec de la dexaméthasone et du LPV/r, le patient est décédé le 24 mars (J31).
Baisse de la charge virale des voies respiratoires
L'initiation du traitement par remdesivir s'est accompagnée d'une baisse de la charge virage au niveau nasopharyngé, sauf pour le patient 2.
Cela dit, les médecins ne peuvent attribuer avec certitude cette baisse de la charge virale au remdesivir. L'évolution elle-même de la maladie conduit à une diminution de la charge virale avec le temps.
Il s'agit ici de la description de cinq cas, en dehors de la méthodologie des essais cliniques contrôlés randomisés. On ne peut donc pas conclure sur l'efficacité du remdesivir.
Des effets indésirables importants
Comme ils s'y attendaient, les médecins-chercheurs ont constaté des effets indésirables graves chez quatre des cinq patients traités. Deux patients ont eu une atteinte rénale aigüe, laquelle pouvait être due au remdevisir ou à la maladie elle-même sans que les médecins puissent déterminer l'exacte origine. Ces patients ont dû être dialysés.
Les deux autres ont présenté des éruptions maculopapulaires avec une hépatite cytolytique (élévation de l'ALAT).
Pour ces quatre patients, les perfusions de remdesivir ont dû être interrompues en raison des effets indésirables. Les auteurs concluent leur article en rappelant que « les cinq patients mettent en évidence les problèmes rencontrés chez la plupart des patients fragiles recevant des perfusions de remdesivir ». Ils préconisent de porter « une attention particulière aux fonctions rénale et hépatique lorsque l’on administre ce traitement ».
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Citer cet article: Remdesivir : des effets indésirables rénaux et hépatiques chez les premiers patients traités en France - Medscape - 23 juil 2020.
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