Ségur de la santé : 33 mesures pour réformer le système de soins

Aude Lecrubier

Auteurs et déclarations

22 juillet 2020

Paris, France – Après le chantier des revalorisations salariales, Olivier Véran a annoncé 33 mesures visant à réformer le système de soins français. Le but : renverser « des logiques qui ont pu faire perdre aux soignants le sens de ce qu’ils font au quotidien », a-t-il expliqué lors de la visioconférence de clôture du Ségur de la Santé[1].

« Des lits à la demande »

Suivant la recommandation du rapport Notat « d’assouplir la gestion capacitaire des lits », le Ministre a annoncé l’octroi de « moyens importants », 50 millions d’euros, pour rendre possible l’ouverture ou la réouverture de 4000 lits « à la demande », chaque année en fonction des besoins, des pics saisonniers ou des pics exceptionnels d’activité (grippe, saisons touristiques…).

La fin de la course à l’activité

Concernant la tarification à l’hôpital, Olivier Véran a indiqué que la hausse des tarifs se poursuivrait dans les années qui viennent. Aussi, dans le cadre d’une expérimentation, le gouvernement va proposer aux hospitaliers et aux acteurs de la ville sur plusieurs territoires de faire évoluer le financement des activités de médecine vers un modèle mixte avec un socle de dotation dit populationnel, fondé sur les besoins de santé des populations du territoire. Ce socle sera complété par une prise en compte de l’activité mais aussi de la qualité des soins.

Sur la question des moyens humains, Olivier Véran a, en outre, souligné les abus de l’intérim médical et souhaite des mesures pour ne « plus accepter de rémunérer au-delà du raisonnable des personnels extérieurs ». Il propose de faire « bloquer, par les comptables publics, les rémunérations dépassant le plafond réglementaire » ou de permettre aux agences régionales de santé (ARS) de dénoncer les abus devant les tribunaux administratifs.

Réforme de l’ONDAM

Olivier Véran a également annoncé une réforme de l’ONDAM. Pour cela, il souhaite saisir le Haut Conseil pour l’avenir de l’Assurance maladie qui devra s’intéresser aux questions du découpage de l’ONDAM, de son périmètre, de l’équité de la régulation des dépenses entre les différents secteurs de l’offre de soins, avec pour objectif une régulation s’appuyant davantage sur les tendances épidémiologiques et les évolutions des prises en charge. « L’enjeu est de faire de l’ONDAM l’expression d’une trajectoire des finances publiques, mais aussi et surtout, d’une politique de santé. »

Six milliards d’investissements supplémentaires

Au côté des 13 milliards de reprise de dettes des hôpitaux, des 8,1 milliards prévus dans les « accords de Ségur » pour les salaires et les revalorisations de métiers et des 15 000 embauches promises à l’hôpital, 6 milliards supplémentaires seront mobilisés pour financer cette réforme structurelle, comme annoncé plus tôt par le premier ministre.

Olivier Véran a souligné qu’une partie très importante financera les investissements courants (charriots, moniteurs, pousses-seringues…).

Mais, en parallèle, concernant les investissements structurels, 2,1 milliards d’euros seront consacrés aux établissements médico-sociaux sur 5 ans. « Le secteur médico-social sera un des grands bénéficiaires de ce plan d’investissement », a précisé le ministre de la santé qui annonce qu’un quart des places en EHPAD pourront être rénovées, rendues plus confortables, accessibles et conformes à la réglementation énergétique.

Investissements dans les territoires

Pour les territoires, le ministre a annoncé des projets « hôpital » mais aussi « ville-hôpital ». 2,5 milliards d’euros sur les 6 prévus seront consacrés à ces projets mixtes « pour casser les silos ».

Par ailleurs, Olivier Véran souhaite décentraliser les projets, les financements et donner plus d’autonomie aux territoires. « Le rapport de Nicole Notat nous invite à déconcentrer la gestion des investissements. Nous voulons que les territoires soient aux commandes ». Pour cela, des concertations seront menées avec les élus locaux. Enfin, les ARS seront renforcées au niveau départemental « pour créer davantage de proximité ». Cette reprise en main par les territoires s’appuiera sur des Conférences territoriales d’investissement en santé.

Décloisonnement

« Les 6 milliards d’euros devront s’inscrire dans une logique de décloisonnement », a indiqué le ministre qui souhaite que les médecins libéraux puissent plus facilement travailler à l’hôpital et que les praticiens hospitaliers puissent avoir une activité en zone sous-dense. « La mixité et la pluridisciplinarité sont aussi des réponses au mur démographique qui se présente devant nous », tout comme « l’hospitalisation à domicile qui souffre encore de freins, de carcans…».

Mettre fin aux carrières figées

Sur le sujet des moyens humains et des carrières : les places en IFSI (Instituts de formation en soins infirmiers) seront augmentées de 10 %, soit 2000 places supplémentaires, et les entrées en formation d’aides-soignantes vont être multipliées par 2 d’ici 2025. Aussi, le déploiement des infirmiers en poste avancé (IPA) va être accéléré avec pour objectif 3000 IPA formés d’ici 2022. Enfin, le ministre souhaite d’avantage d’accès au statut d’enseignant universitaire associé pour les PH, mais aussi les médecins de ville, et les paramédicaux.

Changer la gouvernance des hôpitaux

Sans surprise, jugée trop fermée, trop opaque, manquant de démocratie interne, la gouvernance des hôpitaux va être changée. « La remédicalisation de la gouvernance sera entreprise en suivant les recommandations du rapport du Pr Claris », a précisé Olivier Véran. Pour plus d’autonomie, il a indiqué que chaque hôpital pourra mettre en place une organisation adaptée à son contexte local grâce à un droit d’option.

Le ministre souhaite également redonner sa place au Service, lui donner « de véritables leviers d’action » et avoir une gouvernance plus participative. La nomination des chefs de service se fera, par exemple, après un appel à candidature et chaque candidat devra présenter son projet devant l’ensemble des personnels du service, a-t-il souligné. Les soignants et les usagers seront également mieux associés aux décisions dans les établissements.

Sortir de la rigidité des marchés publics

Le ministre souhaite sortir de la rigidité des marchés publics « dès lors que cela fait sens ». « Les règles ne doivent pas anéantir notre capacité d’adaptation », a-t-il souligné. Toutefois, les règlementations françaises et européennes ne permettront pas de changement simple et immédiat.

Prendre le virage du développement durable

L’investissement du gouvernement devrait aussi permettre d’opérer la transition énergétique et écologique des établissements de santé. Alimentation avec des circuits courts, meilleure gestion des déchets, moins de gaspillage, rénovation des bâtiments qualifiés par le ministre de « passoirs énergétiques », sont autant de mesures à mettre en œuvre.

Démocratie sanitaire, accès aux soins et lutte contre les inégalités de santé

Pour plus de démocratie sanitaire, le gouvernement s’engage à renforcer les CRSA (Conférences régionales de santé et d’autonomie) qui ont vocation à devenir de véritables « parlements de la santé en région ». Elles auront notamment pour mission d’encourager les initiatives territoriales visant à engager les usagers et leurs représentants sur la sécurité, la qualité et la pertinence des soins et de l’accompagnement médico-social.

Pour améliorer l’accès aux soins, télé-expertise, télésurveillance continueront leur essor avec l’aide du gouvernement (remboursement à 100%). Aussi, les collectifs de santé (CPTS MSP, centres de santé) seront incités à prendre en charge les soins non programmés. Et, la mise en œuvre du service d’accès aux soins (SAS) devra être accélérée pour réguler les appels et orienter les patients vers les structures adaptées. Le ministre s’est enfin engagé à développer dans les 6 mois la plateforme digitale unique pour les patients en partenariat avec la médecine de ville et le SAMU.

Pour lutter contre les inégalités de santé, le ministre a prévu la mise en place de programmes multidisciplinaires dans les régions, de renforcer les actions des ARS vers les travailleurs pauvres, mais aussi les 400 permanences d’accès aux soins de santé (PASS) qui prennent en charge les patients sans droits dans les hôpitaux, et de développer 60 centres de santé participatifs avec une offre adaptée aux populations des territoires défavorisés. Enfin, pour toucher les populations les plus difficiles à atteindre, des équipes mobiles pluridisciplinaires (PASS mobiles) seront développées et l’offre psychiatrique sera renforcée dans la population (des projets territoriaux de santé mentale seront signés en fin 2020/début2021).

Quelle exécution ?

Avant d’aborder la question de l’exécution de ce vaste projet, le ministre a souhaité souligner que certains sujets avaient été laissés de côté par ce Ségur, mais qu’ils feraient l’objet de prochains Ségur. Il a mentionné un possible « Ségur Outre-mer », et dès la rentrée, un « Ségur de la santé publique » pour « se préparer à de nouvelles crises », aux enjeux environnementaux…

Concernant la mise en œuvre de l’ensemble des mesures annoncées, Olivier Véran a précisé que des textes règlementaires, législatifs et de nombreuses concertations étaient attendus. Un comité de suivi sera mis en place pour veiller à l’avancement du projet.

50 jours de Ségur de la Santé

En 50 jours de Ségur de la santé:

- 100 réunions d’échanges et de concertations ont eu lieu au ministère;

- 200 contributions écrites ont été reçues et analysées ;

- 118 000 réponses à la grande consultation en ligne par les professionnels de santé ont été reçues ;

- 200 réunions ont été organisées dans le cadre du retour d’expériences territoriales ;

- 40 heures de négociations ont permis d’aboutir aux accords.
 

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