Le prasugrel est-il à oublier dans l'ICP primaire?

Bruce Jancin

Auteurs et déclarations

21 juillet 2020

Virtuel ― Le tirofiban est de loin supérieur au cangrélor pour inhiber rapidement et efficacement l'agrégation plaquettaire, mesurée par ADP in vitro, chez les patients subissant une intervention coronarienne percutanée primaire dans le cadre d'un STEMI (infarctus du myocarde avec élévation du segment ST), selon l'étude randomisée FABOLUS FASTER [1].

En revanche, l’étude a montré que le cangrélor est supérieur au prasugrel per os, explique Marco Valgimigli, qui s'exprimait ce 27 juin lors d’un PCR e-course organisé par EuroPCR (Association Européenne des Interventions Cardiovasculaires Percutanées). « Et contrairement à ce qu'on imaginerait a priori, le prasugrel à mâcher ne s'est pas montré plus efficace que le comprimé pelliculé pour inhiber les plaquettes », ajoute le cardiologue interventionnel de l'Université de Berne.

Selon l’essai, l'administration standard des nouveaux inhibiteurs oraux du P2Y12, que sont le prasugrel et le ticagrélor, chez les patients subissant une ICP pour cause de STEMI, ne permet pas d'obtenir une inhibition précoce optimale de l'agrégation plaquettaire.

Les antiplaquettaires parentéraux tirofiban (inhibiteur de la glycoprotéine IIb/IIIA) et cangrélor (inhibiteur du P2Y12) procurent une inhibition plus rapide et plus durable. Jusqu’ici, il n'existait encore aucune donnée comparative directe entre le tirofiban et le cangrélor dans le cas d'une ICP primaire pour cause de STEMI. C'était précisément l'objectif de l'étude FABOLUS FASTER, qui a comparé les effets pharmacodynamiques de ces deux produits entre eux et face au prasugrel à mâcher dans ce contexte clinique fréquent.

FABULUS FASTER

FABOLUS FASTER est une étude ouverte, randomisée et multinationale qui impliquait trois centres. Elle a inclus 122 patients subissant une ICP primaire pour cause de STEMI et les avait répartis en trois bras : un bolus intraveineux standard suivi, pendant deux heures, par une perfusion soit de cangrélor, soit de tirofiban puis par l'administration de 60 mg de prasugrel per os, et un troisième bras où les patients ne recevait aucun médicament à l'exception, après randomisation, d'une dose de charge s'élevant à 60 mg de prasugrel à mâcher ou en comprimé.

Le critère d'évaluation primaire était l'inhibition plaquettaire à 30 minutes, mesurée par agrégométrie optique (LTA) en réponse à 20 mcmol/l d'adénosine diphosphate (ADP).

Le tirofaban incontestablement supérieur

Le tirofaban est clairement ressorti gagnant dans cette étude avec 95% d'inhibition contre 34,1% pour le cangrélor, 10,5% pour le prasugrel à mâcher et seulement 6,3% pour le prasugrel en comprimé – et ce bien que la concentration en métabolite actif du prasugrel était nettement plus élevée avec la forme à mâcher (62,3 ng/ml) qu'avec la forme comprimé (17,1 ng/ml).

Le taux d'absence de réponse au tirofiban, définie comme supérieure à 59% d'agrégation plaquettaire, était de zéro pour le tirofiban au cours des deux heures de perfusion, pour s'élever à 8% à 3 et 4-6 heures. Quant à celui du cangrélor, il s'établissait entre 50 et 58% au cours des deux heures de perfusion, grimpant à 82% à 3 heures.

Pas d’évaluation clinique

L'étude FABOLUS FASTER n'était pas assez puissante pour l'évaluation par des critères cliniques, mais elle peut néanmoins avoir des implications cliniques importantes, d'après Marco Valgimigli. Ainsi, la supériorité du tirofaban et du cangrélor sur le prasugrel en termes d'inhibition plaquettaire puissante et précoce, incite à privilégier l'administration d'antiplaquettaires parentéraux par rapport à la voie orale pendant la phase aiguë du traitement d'un STEMI. De plus, l'excellente performance du tirofiban et la forte réactivité plaquettaire résiduelle sous cangrélor plaident fortement pour la réalisation d'études randomisées comparatives et à grande échelle pour comparer ces deux produits, avec des critères d'évaluation cliniques puissants.

Appelé à modérer ces résultats, le Dr Christoph K. Naber a indiqué qu'à son sens les résultats de FABOLUS FASTER ne devraient pas modifier pas la pratique clinique, et ce pour deux raisons. « L'inhibition plaquettaire mesurée par ADP in vitro n'est pas nécessairement associée aux effets réellement observés in vivo. Nous savons que les plaquettes sont activées par plusieurs mécanismes, et celui qui implique l'ADP n'est que l'un d'entre eux », explique le cardiologue interventionniste à la Clinique de Wilhelmshaven, en Allemagne. « Par ailleurs, il existe de bonnes raisons au fait que les inhibiteurs des glycoprotéines IIb/IIIA sont approuvés dans le traitement des STEMI, et pourquoi le tirofiban, malgré son impressionnante efficacité antiplaquettaire, est actuellement réservé aux cas graves comme les lésions complexes avec un état thrombotique important : la puissance antiplaquettaire élevée du tirofiban s'accompagne d'un risque hémorragique lui aussi élevé. »

 
Le temps est venu d'effectuer des études cliniques à grande échelle pour évaluer le rapport bénéfice/risque des perfusions brèves de ces agents. ― M. Valgimigli 
 

Pour sa part, Marco Valgimigli estime que cette notion de risque hémorragique excessif est principalement basée sur des études plus anciennes, où les inhibiteurs de glycoprotéine IIb/IIIA étaient administrés de manière prolongée en passant par la voie fémorale. D'après lui, le temps est venu d'effectuer des études cliniques à grande échelle pour évaluer le rapport bénéfices/risques des perfusions brèves de ces agents dans le cadre de la pratique actuelle des ICP primaires pour cause de STEMI.

Le Dr Marco Valgimigli déclare que Medicure, le sponsor de FABOLUS FASTER trial, lui a accordé une subvention institutionnelle pour conduire l'étude. Il a également déclaré plusieurs liens d'intérêt en dehors du sujet de cette étude. Les Dr Naber et Leroy déclarent n'avoir aucun lien d'intérêt avec le sujet évoqué dans l'article.

Cet article est une traduction-adaptation par le Dr Claude Leroy d'un article de Bruce Jansin publié récemment sur Medscape.com sous le titre Chewed Prasugrel for Primary PCI? Forget It! . L'article d'origine a été publié sur MDedge.com. Membre du réseau Medscape.
 

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