Suresnes, France -- A côté des patients qui sont pris en charge pour des soins de réadaptation après un passage en réanimation ou en soins intensifs, il y a ceux atteints par une forme moins grave du Covid 19 mais qui des semaines après ne peuvent pas reprendre une vie normale. Plutôt jeunes, actifs et en bonne santé avant la pandémie, ils sont maintenant en grande difficulté. Découvrant cette situation par ses collègues des urgences de différents hôpitaux recevant en nombre ces patients d'un nouveau profil, le Dr Nicolas Barizien a décidé de mettre en place une consultation dédiée. Ainsi, depuis le 12 juin, le service de médecine physique et réadaptation de l'hôpital Foch s'ouvre à ces patients deux à trois demi-journées par semaine. L'objectif : à l'issue d'un circuit d'évaluation pluridisciplinaire d'environ trois heures, un bilan de synthèse oriente le patient, le plus souvent une patiente, vers des soignants en ville.
« Le muscle, c'est la santé »
« Ce bilan d'évaluation fonctionnel suit un circuit bien défini mis en place depuis quatre ans dans notre service pour reconditionner les patients à l'effort avant une chirurgie pour cancer. Il faut les aider à arriver en forme pour l'opération et les traitements qui vont suivre. C'est un programme importé de l'université canadienne Mc Gill » explique Nicolas Barizien.
« Depuis une quinzaine d'années, on sait que le muscle, c'est la santé. Perdre sa masse musculaire, c'est perdre son capital santé », considère-t-il. Avant de transposer à la problématique du Covid : « les patients atteints par le coronavirus ont pour la plupart été convalescents pendant le confinement, c'est-à-dire dans des conditions tout à fait inhabituelles. Résultat : certaines personnes gardent un déconditionnement cardiaque et/ou respiratoire à l'effort »
Le chef du service de médecine physique et réadaptation de l'hôpital Foch à Suresnes a donc adapté l'expertise de son équipe pour proposer des solutions non-médicamenteuses aux patients en post-Covid.
Ses patients, une quinzaine reçue depuis le 12 juin, sont en majorité des femmes d'une quarantaine d'années ou des hommes plus jeunes plutôt en bonne santé et sans comorbidité. Au moment de reprendre le travail, pourtant guéris, ils ont été incapables de mener de front leurs obligations professionnelles et familiales. Le Dr Barizien ne reçoit pas ceux qui ont été hospitalisés en réanimation ou en soins intensifs qui reçoivent une prise en charge adaptée dès leur sortie d'hospitalisation.
Le rôle du médecin généraliste
« Tout le monde n'a pas besoin d'une exploration hospitalière. » prévient Nicolas Barizien. Les patients n'arrivent pas par hasard ici. Ils sont adressés par leur médecin généraliste qui doit s'être assuré de ne pas être devant un cas de rechute ni de complications du Covid.
Aussi le médecin généraliste commence-t-il par prescrire une échographie cardiaque, un scanner thoracique et une prise de sang (D-dimères).
Une PCR négative, des examens parfaits... Quelle est alors la conduite à tenir ? La suite, « une version light, facile à faire et peu chronophage » du bilan proposé à l'hôpital Foch, permet déjà d'orienter son patient.
Ce premier bilan dont les étapes sont détaillées sur le site de l'hôpital francilien repose sur l’évaluation de la perte de poids, deux auto-questionnaires Nijmegen et PCL-5 à donner en salle d’attente ainsi qu’un test physique de 30 secondes.
En cas de positivité de plus d'un critère sur les quatre évalués, le médecin peut soumettre le dossier à l'équipe de l'hôpital Foch en envoyant sa demande de prise en charge par message électronique à une adresse dédiée (secretariatmpr@hopital-foch.mssante.fr ou secretariatmpr.foch@medical92.apicrypt.org).
« Si ce n'est pas le cas, nous avons aussi des modèles d'ordonnance pour orienter les patients vers des paramédicaux- diététicien, psychologue, kiné... » explique Nicolas Barizien qui conseille :
si la perte de poids excède 10 % du poids de routine, un rdv chez un diététicien ou nutritionniste
si le Nijmegen > 23 d'orienter le patient pour avis auprès d'un pneumologue ou d'un kinésithérapeute respiratoire
si le PCL-5 > 30 de conseiller une prise en charge psychologique (psychologue clinicien/ psychiatre)
si l'indice est inférieur à trois pour le test debout-assis de prescrire un reconditionnement à l’effort par un kinésithérapeute.
Le bilan à Foch
Quant aux patients pour lequel une demande a été envoyée, ils sont reçus une demi-journée au cours de laquelle ils rencontrent quatre intervenants, 45 minutes prévues pour chacun, pour un bilan d'évaluation « REHAB COVID ».
D'abord, le médecin rééducateur – ils sont deux pour ce programme spécifique au post-Covid, fait faire une épreuve d'effort avec une analyse des gaz respiratoires. « Comme ce sont des patients à qui on va demander de faire du sport, il faut voir comment le cœur et les poumons se comportent à l'effort », explique Nicolas Barizien. Un test de tolérance à l'apnée et une impédancemétrie complètent ce premier rendez-vous qui documente le déconditionnement physique.
Puis, c'est le rendez-vous avec la nutritionniste diététicienne qui au cours d'un long entretien essaye de comprendre le régime alimentaire avant la maladie, comment celle-ci a modifié le poids du patient et quels conseils donner pour « faire du muscle » .
La psychologue, elle, recherche un trouble de type stress anxieux tout à fait attendu dans cette situation où la maladie continue à avoir un impact négatif très fort sur la personne alors même que celle-ci est considérée comme guérie.
Le kinésithérapeute, lui, recherche un syndrome d'hyperventilation avec un test de 6 minutes de marche et une dynamométrie. « Il en profite pour montrer des exercices à faire à domicile. Notre but est que le maximum puisse être fait en auto-rééducation à domicile, car ce sont des gens qui ont repris le travail », commente Nicolas Barizien.
A l'issue de ce bilan personnalisé, le patient revoit le médecin rééducateur qui oriente vers des professionnels en ville si besoin en plus de l'autorééducation. « On les revoit au bout de deux mois. Mais le kiné les appelle une fois par semaine et les retours sont positifs. Ils avancent, même s'ils n'en ont pas fini avec la maladie ».
Eviter la fatigue chronique
Comment expliquer ce tableau de symptômes chez des personnes en bonne santé ? Pourquoi le virus a-t-il un effet dévastateur sur elles ? Le Dr Barizien a son idée. « Je ne pense pas qu'il s'agisse d'une séquelle bizarre. Pour l'instant, on a l'impression que c'est du déconditionnement physique mais qui peut à long terme faire le lit de la fatigue chronique, qu'on ne sait, elle, pas guérir. » indique-t-il, fort des observations cliniques qu'il fait depuis plusieurs semaines.
Pour lutter contre la fièvre, le système immunitaire et l'énergie musculaire sont indispensables. Or chez certains patients les périodes de fièvre particulièrement longues ont fait fondre la masse musculaire. « Si on ne récupère pas de muscle, le recrutement cognitif est plus important, le quotidien nécessite plus d'énergie. Habituellement automatique, la marche par exemple devient pénible ».
Son conseil pour tous les ex-malades du Covid : des vacances actives. « Bien sûr, on peut faire une sieste mais on fait ses 6000 à 7000 pas par jour. Il faut bouger et refaire de la masse musculaire afin de récupérer de ce qui pourrait devenir de la fatigue chronique ».
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Citer cet article: COVID peu sévère : l'hôpital Foch propose un bilan d'évaluation en cas de syndrome post-COVID handicapant - Medscape - 17 juil 2020.
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