Round-up : Bayer choisit de payer pour éviter le procès

Marine Cygler

Auteurs et déclarations

3 juillet 2020

Etats-Unis – Les victimes américaines du Roundup vont être indemnisées par Monsanto-Bayer. Lesquels ne reconnaissent toujours pas la dangerosité de leurs produits qui sont toujours commercialisés.

Plus de 125 000 plaintes en lien avec un lymphome non-hodgkinien déposées

En 2018, un tribunal californien avait condamné Monsanto à payer près de 290 millions de dollars de dommage à Dewayne Johnson , un jardinier américain diagnostiqué avec un lymphome non hodgkinien en 2014. Les jurés avaient estimé que Monsanto n'avait pas informé Mr Johnson de la dangerosité de son herbicide Roundup. Ils avaient aussi considéré que Monsanto avait agi avec "malveillance" et que son herbicide Roundup, ainsi que sa version professionnelle RangerPro, avaient "considérablement" contribué à la maladie du jardinier américain. Même si le montant des indemnités a été revu à la baisse et que le procès est toujours en appel, on s'est vite attendu à que ce jugement exemplaire entraîne une cascade de procès à l'issue identique. De fait, plus de 125 000 plaintes de personnes souffrant d'un lymphome non-hodgkinien ont été déposées au cours des deux dernières années.

Un accord clôt environ 75% des plaintes

Mais Bayer, qui a racheté la firme Monsanto en 2018, a décidé de clore le dossier et de tourner la page judiciaire du Roundup. Le 25 juin, le géant de la chimie a annoncé dans un communiqué « une série d’accords pour résoudre les principaux litiges liés à Monsanto aux États-Unis, en particulier celui concernant [l’herbicide] Roundup ».  Autrement dit, la firme allemande accepte de payer plus de 10 milliards de dollars « pour mettre fin aux litiges en cours et aux potentiels futurs litiges ». Et en effet, cet accord clôt environ 75% des plaintes et prévoit une clause pour les futurs plaignants. Le journal Le Monde explique que « pour ces derniers, Bayer a prévu un instrument innovant : un conseil d’experts indépendants sera créé, afin de clarifier scientifiquement et de façon transparente les liens entre le glyphosate et le lymphome non hodgkinien, une forme de cancer. Si ce conseil établit que l’herbicide cause effectivement ce cancer, et à quel niveau d’exposition, alors les futurs plaignants auront bien droit au versement d’une compensation. Ce dispositif doit encore être approuvé par un juge californien. »

Pour mémoire le Roundup est un herbicide dont le principe actif est le glyphosate.

Le Roundup, « cancérigène probable » pour le CIRC

Le CIRC (ou IARC en anglais) a classé le glyphosate comme « cancérigène probable » en 2015. L'agence intergouvernementale créée en 1965 par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), fonde ses conclusions sur des études épidémiologiques et notamment les résultats de l’Agricultural Health Study (AHS) qui suit depuis 1993 l’état de santé de 90 000 agriculteurs et de leurs conjoints en Iowa et Caroline du Sud, la seule actuellement disponible pour évaluer sur le long terme l’effet des pesticides sur la santé. Il s’appuie aussi sur des études « cas-témoins » centrés sur la question des lymphomes non-hodgkiniens (LNH) et d’autres cancers hématopoïétiques menés sur le continent américain et européen. Concernant de la génotoxicité du glyphosate, le CIRC considère qu’il y a une preuve solide (strong evidence) mise en évidence par des expériences in vitro sur des cellules humaines, par des modèles expérimentaux portant sur les mammifères et les non-mammifères.

Mais cette position défavorable glyphosate n'est pas partagée par des agences d’évaluation, notamment l’EFSA (European Food safety Authority) qui, d'autres études à l'appui, considère « improbable que le glyphosate fasse courir aux humains un danger cancérogène ». De même en janvier dernier, l'américaine EPA (Environnemental Protection Agency) indiquait de « pas avoir constaté de risque pour la santé pour les personnes humaines en cas d’exposition au glyphosate ». Les conclusions de ces deux agences expliquent pourquoi le glyphosate, Roundup en tête et tous les autres produits qui en contiennent depuis que la molécule est tombée dans le domaine public, est toujours commercialisé (Lire Agences sanitaires : sont-elles indépendantes ? L’exemple du glyphosate).

D'ailleurs, quelques jours avant que l'accord entre les différentes parties soient scellées, un juge fédéral californien a annulé lundi 22 juin une ordonnance qui obligeait Monsanto à prévenir des risques de cancer sur les étiquettes de ses produits au glyphosate. « Une première victoire de Bayer aux Etats-Unis » ainsi que le rapporte Courrier International.

Changement de tactique

Bayer a d'abord essayé d'utiliser la controverse entre experts sur la dangerosité ou non du glyphosate sur la santé humaine, pour plaider la sécurité de ses produits herbicides. Mais en 2019, changement de tactique, un négociateur a été engagé pour trouver un accord financier avec les avocats des plaignants. Dans un article paru en février dernier, Le Monde avait interrogé Kirk Junker, professeur de droit américain à l’université de Cologne, qui considérait que « pour les plaignants du glyphosate, un accord à l’amiable avec Monsanto est une solution intéressante, car cela leur permet d’être dédommagés plus rapidement. D’autant que, s’ils sont atteints d’un cancer, ils n’ont pas de temps à perdre. »

En ce qui concerne Bayer, cet accord financier est tout à fait « acceptable » comme l'explique France 24 qui livre une analyse économique dans laquelle on apprend que Monsanto est très rentable pour le groupe Bayer qui a augmenté son bénéfice de 141 % l'année dernière. Bayer, qui nie toujours la dangerosité du glyphosate, continuera de le commercialiser et d'engendrer des profits confortables.

 


 

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