Ségur de la santé : les 6 milliards d'euros vont-ils apaiser la colère ?

Philippe Anaton

Auteurs et déclarations

26 juin 2020

France -- Le Ségur de la santé laissera-t-il les médecins sur leur faim ? La réunion du 23 juin dernier laissait augurer le pire. Alors que les syndicats de praticiens hospitaliers avaient fait paraître en fin de semaine dernière un communiqué commun qui posait clairement les revendications des syndicalistes, le ministère de la santé, qui devait chiffrer des revalorisations salariales ce 23 juin, est arrivé les mains vides. Depuis, le ministre de la Santé a dévoilé le montant qui serait consacré à la revalorisation des salaires des personnels non médicaux (soignants non-médecins)  : six milliards d'euros. Une somme "importante" mais qui reste loin du compte pour certains syndicats qui revendiquent une revalorisation générale des salaires d'au moins 300 euros net par mois dans les établissements publics. La revalorisation des salaires des médecins fait l'objet d'une autre négociation dont l'aboutissement n'est pas connu.

Pour rappel, le Ségur de la santé a débuté le 25 mai, comme pour concrétiser les promesses qu'Emmanuel Macron avait énoncé un 25 mars à Mulhouse en pleine épidémie de Covid-19. Il avait alors promis un « plan massif d’investissement et de revalorisation de l’ensemble des carrières ». Sous la houlette de Nicole Notat, ancienne secrétaire générale de la CFDT, le Ségur de la santé doit rendre ses engagements palpable. Plus précisément, il doit répondre à quatre chantiers, baptisés les quatre piliers du Ségur :

1- Transformer les métiers et revaloriser ceux qui soignent,

2- Définir une nouvelle politique d’investissement et de financement au service des soins,

3- Simplifier radicalement les organisations et le quotidien des équipes,

4- Fédérer les acteurs de la santé dans les territoires au service des usagers.

Salaire net entre 5000 et 10000 euros

C'est le premier pilier qui semble accaparer les organisations syndicales de personnels médicaux et non médicaux. Le 22 juin, une journée avant la réunion qui devait permettre de discuter plus avant de possibles revalorisations de salaires de praticiens hospitaliers, les organisations syndicales avaient fait paraitre un document commun qui résumait leurs prétentions. Ils réclamaient un salaire net « de 5000 € net en début de carrière à 10 000 € net en fin de carrière hors primes et indemnités, avec reclassement de tous les praticiens en fonction de l’ancienneté pour une revalorisation immédiate de leur traitement ».

Mais aussi la revalorisation de l'indemnité de service public exclusif à 1000 euros net pour tous les statuts, quelle que soit l'ancienneté, la revalorisation des indemnités de sujétion pour les gardes à 650 euros nets et 100 euros nets pour les astreintes. Les heures supplémentaires, ou temps de travail additionnel, « doit être rémunéré à hauteur de 50% de plus que le travail de jour ». Les organisations syndicales demandaient aussi que la journée de travail soit décomptée en 5 plages horaires plutôt que 4. Autre demande : la possibilité d'exercer d'autres activités que la clinique, appelées des valences (enseignement, management, recherche...) à hauteur de 20% du temps de travail, rémunéré à hauteur de 20% du salaire de base. Enfin, les organisations syndicales demandaient une protection sociale complémentaire abondée par l'employeur. Les organisations syndicales avançaient aussi une série de revendications pour les PUPH et les contractuels. Pour les PUPH, elles réclamaient une retraite calculée sur les émoluments hospitaliers et universitaires, et une revalorisation de 30% des revenus des PUPH. Pour les contractuels, même combat : +30% de salaire en plus.

Protocole d’accord pour les personnels non médicaux

Quelle ne fut pas la déception des organisations syndicales que de constater que le gouvernement, ce 23 juin, n'avait rien à proposer ! « A l’issue de la réunion du 23 juin, aucune mesure concrète de revalorisation des carrières ou d’amélioration des carrières médicales ni calendrier n’ont été avancés par les pouvoirs publics, contrairement à ce qui avait été annoncé lors de la réunion précédente. Des pans importants des revendications pourtant actées lors de la réunion de cadrage du 16 juin n’ont pas été repris », se désolent les organisations syndicales dans un communiqué commun. Les documents apportés par la tutelle lors de cette réunion de négociations ne comportaient, en effet, aucune proposition chiffrée. Pire, un certain nombre de points, qui avaient été discutés les semaines précédentes, ne figuraient plus sur les documents du ministère de la santé, comme les obligations de service, la prévoyance. De fait, les syndicats ont donc décidé, séance tenante, de quitter la négociation. Aucune nouvelle date de négociations salariales n'a été pour l'heure proposé aux syndicats de PH.

Une enveloppe de 6 milliards d’euros pour le personnel soignant non-médecin 

Du côté des personnels non médicaux, les négociations semblent plus avancées. Le ministre de la Santé, Olivier Véran, a proposé mercredi 24 juin aux syndicats une enveloppe de six milliards d’euros pour revaloriser les salaires des personnels hospitaliers non médicaux, « pour les hôpitaux, les établissements médico-sociaux (publics, ndlr) et les établissements privés », a indiqué à l’AFP un des participants. Avant cela, un premier protocole d'accord, amendé et rejeté par les organisations syndicales, avait été proposé à la signature, rapporte le Parisien . Ce premier protocole d'accord prévoyant une augmentation sous la forme d'une bonification indiciaire pour l'ensemble des personnels de la fonction publique hospitalière et ce, dès le 1er juillet. Cette augmentation générale serait complétée par une majoration supplémentaire  pour les personnels soignants et médico-techniques, et le passage de la catégorie C à la catégorie  B pour les aides-soignantes, ainsi que le passage de toutes les infirmières à la  catégorie A. Un second protocole d'accord devrait être rapidement proposée aux organisations syndicales.

Parallèlement aux augmentations de salaire, le gouvernement a proposé aux organisations syndicales une simplification de l'organisation des équipes de soins. Cette réorganisation s'appuie, pour ce qui concerne les médecins, sur les propositions du rapport Claris. Ce rapport prévoit, entre autres, une direction plus collégiale entre les présidents de CME et les chefs d'établissement. Mais ce rapport a été rejeté par le collectif inter-hôpitaux, composé principalement de praticiens hospitaliers. « Le collectif inter hôpitaux s'oppose vivement au rapport Claris, qui malgré le constat d'une coupure entre la gouvernance des hôpitaux et les soignants du terrain, ne propose aucune solution concrète satisfaisante ». Pour le Collectif inter-hôpitaux,  il faut associer les personnels paramédicaux, dans la direction de l'hôpital,  supprimer l'obligation de pôle, et faire du service l'unité de base de l'organisation hospitalière. Le Ségur de la santé doit prendre fin à la mi-juillet.

 

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