COVID-19: une équipe espagnole suggère un risque accru de thrombose de stent

Debra Beck

Auteurs et déclarations

22 juin 2020

Albacete, Espagne Une équipe de cardiologues interventionnels espagnols rapporte une série de quatre cas de thromboses de stents, dont une thrombose aiguë, observées chez des patients infectés par le SARS-CoV2 pris en charge dans leur centre hospitalier [1]. Les patients ne présentaient pas de facteurs de risque majeurs.

« Notre objectif avec cette publication est de souligner la nécessité de mieux identifier les patients plus à risque de thrombose de stent, d’être rigoureux avec le résultat de l’angioplastie, en ayant plus largement recours à l’imagerie intra-coronaire et au traitement par un antiplaquettaire puissant », a précisé auprès de Medscape édition internationale, le Dr Juan Córdoba-Soriano (Complejo Hospitalario Universitario de Albacete, Espagne), qui a dirigé l’étude.

 
Notre objectif avec cette publication est de souligner la nécessité de mieux identifier les patients plus à risque de thrombose de stent. Dr Juan Córdoba-Soriano
 

« Dans le contexte d’un syndrome coronarien aigu, cette approche doit être privilégiée à celle consistant à traiter l’infection par le SARS-CoV2 en utilisant un antiviral, dont l’efficacité reste contestée », a ajouté le cardiologue.

Une incidence en hausse ?

Dans cette série publiée dans JACC Case Reports, trois patients ont eu une thrombose tardive, tandis que le quatrième a souffert d’une thrombose aiguë. Ils étaient âgés de 49 à 86 ans. Dans les cas de thrombose tardive, les stents avaient été posés en 2005, en 2007 et en 2018.

« En 2019, nous avons réalisé 899 angioplasties coronaires percutanées, dont 11 après une thrombose de stent. Parmi elles, figuraient trois thromboses aiguës et huit tardives. Cette incidence apparait beaucoup plus faible en comparaison avec ce que nous avons observé pendant l’épidémie de Covid-19 » précise le Dr Córdoba-Soriano.

Dans le cas de la thrombose de stent aiguë, le patient était âgé de 49 ans. Il présentait un syndrome coronarien aigu ST + latéral, 6 heures après l’apparition des premiers symptômes. Deux stents actifs contigus ont été posés d’emblée sur l’artère circonflexe pour réduire la durée du séjour à l’hôpital.

Une récidive douloureuse est apparue 30 minutes après l’opération avec un sous-décalage important du segment ST en lien avec occlusion aiguë du stent circonflexe, confirmée par une nouvelle coronarographie. L’imagerie a montré la présence d’un thrombus mixte intra-stent et un mauvais déploiement de la prothèse. Le patient a reçu l’antithrombotique tirofiban et la partie proximale du stent a été réajustée.

Cascade d’événements thrombotiques

Selon les auteurs, les complications thrombotiques survenues chez les patients infectés par le SARS-CoV2 seraient liées à l’état d’hypercoagulabilité induit par l’infection virale. « D’un point de vue physiopathologique, l’orage cytokinique survenant dans les 5 à 7 jours après le début des symptômes entraine une cascade d’événements thrombotiques ».

« Ces patients présentaient des facteurs de risque de thrombose de stent sans grande importance. Par conséquent, en considérant que cette infection provoque un état préthrombotique, on estime qu’elle pourrait agir comme un facteur déclenchant chez certains patients prédisposés », a commenté le Dr Cordoba Soriano.

 
Cette infection...pourrait agir comme un facteur déclenchant chez certains patients prédisposés. Dr Juan Córdoba-Soriano
 

En ajoutant à cette activation de la coagulation, la stase sanguine due à l’inflammation et les lésions de l’endothélium probablement provoquées par la fixation du virus sur les récepteurs ACE2, on retrouve les trois facteurs majeurs de la triade de Virchow, qui prédisposent à l’apparition de complications thrombotiques.

« Nous décrivons seulement notre propre expérience. Nous ne voulons pas créer d’alerte », a tenu à préciser le Dr Cordoba Soriano. Son équipe participe toutefois à un registre plus large mis en place pour évaluer le risque de thrombose de stent lié à la Covid-19, dont les résultats seront prochainement publiés, espère le cardiologue.

 
On retrouve les trois facteurs majeurs de la triade de Virchow, qui prédisposent à l’apparition de complications thrombotiques.
 

Confirmation du risque de thrombose

Cette série s’ajoute aux nombreuses données qui montrent que les patients atteints par le SARS-CoV-2 sont confrontés à un risque élevé de complications thromboemboliques, pouvant être liées à la formation de micro-thromboses. Des recommandations ont été émises pour réduire ce risque chez ces patients, notamment par l’administration d’un anticoagulant.

« Ces cas ne sont pas vraiment surprenants. Cependant, quelques cas isolés ne sont pas suffisants pour affirmer que le risque de thrombose de stent augmente de manière excessive avec la COVID-19 » a souligné le Dr George Dangas (Icahn School of Medicine at Mount Sinai, New York, Etats-Unis), interrogé par Medscape édition internationale.

 
Quelques cas isolés ne sont pas suffisants pour affirmer que le risque de thrombose de stent augmente. Dr George Dangas
 

« La thrombose de stent est habituellement un événement très rare. Il est donc difficile de l’étudier de manière systématique. Un foyer comme celui décrit dans cette correspondance venue d’Espagne est, par conséquent, utile. Si d’autres clusters de ce genre émergent, nous pourrons y voir plus clair », estime le Dr Dangas.

Des pratiques modifiées

Dans son hôpital, la prophylaxie de la thrombose suscite désormais beaucoup plus d’attention lors de la prise en charge des patients atteints de Covid-19, dont le risque thrombotique est désormais systématiquement évalué, a-t-il précisé.

De son côté, le Dr Cordoba Soriano affirme que la manière de traiter ses patients a également évolué au cours de l’épidémie. « Au début de la pandémie, les protocoles incitaient à remplacer ou à cesser les inhibiteurs de P2Y12 chez les patients traités par certains antiviraux en raison du risque d’interaction ».

En France, des centres hospitaliers se sont mis à administrer de l’héparine à titre préventif, à des doses curatives, chez tout patient infecté par la COVID-19 entrant en réanimation. Comme au CHU de Besançon, où un examen par angioscanner pulmonaire est également effectué en cas de difficultés respiratoires pour recherche d’éventuelles micro-thromboses.

Cet article a été publié initialement sur medscape.com sous l’intitulé « Case Series Hints at Excess Stent Thrombosis During COVID-19 », traduit et adapté par le Dr Jean-Pierre Usdin.

 

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