MINDACT : des données à 8 ans confirment l’utilité clinique des signatures génomiques pour certains cancers du sein

Marine Cygler

16 juin 2020

COLLABORATION EDITORIALE

Medscape &

France – Présentées à l’ASCO 2020, les données à huit ans de l’essai MINDACT affinent le profil des femmes pour lesquelles la signature génomique permettrait d'éviter une chimiothérapie adjuvante inutile. Avec les commentaires du Dr Jean-Yves Pierga (oncologue médical, institut Curie, Paris), l'un des investigateurs de l’étude.

Evaluer la signature génomique MammaPrint® de 70 gènes

Recourir aux signatures génomiques de la tumeur pour évaluer l'opportunité de se passer d'une chimiothérapie adjuvante est une stratégie évaluée depuis de nombreuses années dans le cancer du sein.

Différents tests sont d'ailleurs disponibles et sont évalués dans le cadre d'essais.  C'est le cas de la signature génomique MammaPrint® et de l'essai MINDACT dont les résultats avec plus de huit ans de recul ont été présentés à l'occasion du congrès virtuel de l’ASCO 2020 [1].

L’essai MINDACT évalue l’utilisation de la signature génomique MammaPrint® de 70 gènes afin de sélectionner les femmes atteintes de cancer du sein pour lesquelles l’adjonction d’une chimiothérapie adjuvante n’apporterait pas de bénéfice par rapport à une hormonothérapie seule.

Quant au test MammaPrint, il mesure, à partir d’une biopsie de la tumeur mammaire, l'activité de 70 gènes impliqués dans la récidive tumorale. Il emploie ensuite un algorithme pour générer un score qui détermine le niveau de risque de dissémination du cancer.

Choisir lors de pronostics discordants

Entre 2007 et 2011, l’étude prospective MINDACT a inclus 6693 patientes atteintes d’un cancer du sein de stade précoce qui avaient déjà subi une chirurgie du sein.

Ces femmes étaient réparties en trois catégories :

  • celles pour lesquelles les caractéristiques clinico-biologiques standard et la signature génomique indiquaient un haut risque de récidive : ces femmes recevaient alors une chimiothérapie adjuvante.

  • Celles pour lesquelles les caractéristiques clinico-biologiques standard et la signature génomique indiquaient un risque faible de récidive : ces femmes ne recevaient pas de chimiothérapie adjuvante.

  • Celles pour lesquelles les caractéristiques clinico-biologiques standard et la signature génomique menaient à un pronostic discordant.

Les femmes de ce dernier groupe ont été randomisées. La randomisation consistait à suivre l’indication de la clinique ou suivre les indications de la signature génomique de MammaPrint® pour décider ou non d’une chimiothérapie adjuvante.

Publiée en 2016 dans le New England Journal of Medicine [2], la première analyse avait conclu à l'intérêt du pronostic de la signature génomique. Des patientes ayant des caractéristiques clinico-biologiques à risque élevé de récidive (C-haut) donc relevant en principe d’une chimiothérapie, mais dont la signature génomique indiquait un risque faible (G-bas), avaient une survie sans métastase à distance (SSM) à 5 ans de 94,7% sans chimiothérapie. Dans ce même groupe, les patientes qui avaient été traitées en fonction de l’évaluation clinique et donc avec chimiothérapie, avaient également une SSM de 94 %. De quoi plaider pour la désescalade thérapeutique dans ces cas-là.

Confirmation des données à cinq ans

« On avait alors constaté que dans le groupe dont les pronostics étaient dissociés entre la clinique et la signature génomique, la survie était équivalente avec ou sans chimiothérapie adjuvante » rappelle le Dr Jean-Yves Pierga (oncologue médical, institut Curie, Paris), l'un des investigateurs de MINDACT.

Interrogé par Medscape édition française dans le cadre du partenariat avec la Société Française du Cancer, il indique que les résultats présentés à l'ASCO 2020 confirment la première analyse à cinq ans. Avec un suivi médian de 8,7 ans, la SSM à 5 ans dans la population C-haut / G-faible sans chimiothérapie est de 95,1% (IC95% [93,1-96,6]).

En revanche, la SSM à 8 ans dans cette même population est de 89,4% (IC95% [86,8-91,5]).

 

Principales données pour la population C-haut / G-faible

 

SSM avec chimiothérapie

SSM sans chimiothérapie

A 5 ans (IC95%)

95,7% (93,9-96,9)

94,8% (92,9-96,2)

A 8 ans (IC95%)

92,0% (89,6-93,8)

89,4% (86,8-91,5)

 

Survie globale avec chimiothérapie

Survie globale sans chimiothérapie

A 8 ans (IC95%)

95,7% (93,9-97,0)

94,3% (92,2-95,8)

 

« Avec presque quatre ans de recul supplémentaires, on constate une différence de 2,6 %de SSM en défaveur du bras sans chimiothérapie. Est-ce important ?  Est-ce que ces 2,6% valent la peine des effets indésirables de la chimiothérapie ? C'est toute la question. » s'interroge Jean-Yves Pierga en précisant que la différence de SSM est essentiellement observée chez les femmes de moins de 50 ans.

Avec presque quatre ans de recul supplémentaires, on constate une différence de 2,6 %de SSM en défaveur du bras sans chimiothérapie Pr Jean-Yves Pierga

Hypothèse de la suppression ovarienne

En procédant à une stratification des patientes, les investigateurs se sont en effet rendu compte que le bénéfice de la chimiothérapie adjuvante dépendait de l'âge. Ainsi d'après ces nouveaux résultats, il n'y a pas d'avantage à l'ajout d'une chimiothérapie adjuvante chez les femmes de plus de 50 ans alors que chez les plus jeunes, il y a un avantage sur la SSM à donner une chimiothérapie.

Comment expliquer cet effet de l'âge ? Une des explications est l'action de la chimiothérapie sur le plan hormonal. « On sait que la ménopause chimio-induite, effet secondaire de la chimiothérapie, a un impact positif sur la récidive. Les femmes de moins de 50 ans qui ont été traitées avec une chimiothérapie adjuvante ont probablement bénéficié de cet effet » explique Jean-Yves Pierga.

Selon lui, se pose la question pour ces femmes de prescrire une hormonothérapie ainsi que des molécules permettant la suppression ovarienne. Cette stratégie « hormonothérapie + suppression ovarienne » a été évaluée dans les essais TEXT et SOFT[3] qui ont montré l'avantage de la suppression ovarienne.

D'après ces nouveaux résultats, il n'y a pas d'avantage à l'ajout d'une chimiothérapie adjuvante chez les femmes de plus de 50 ans.

Quid des atteintes ganglionnaires ?

Y a-t-il d'autres cas pour lesquels une désescalade thérapeutique est envisageable ? Autrement dit, la signature génomique pourrait-elle éviter un traitement adjuvant de chimiothérapie pour d'autres femmes atteintes d'un cancer du sein, en particulier celles qui présentent une atteinte ganglionnaire limitée ?

« La question se pose en effet. Dans l'essai TailorX, ces cas étaient exclus. Dans l'essai MINDACT, les quelques femmes qui présentaient une atteinte ganglionnaire limitée ont des résultats comparables aux autres. Mais comme ce sous-groupe était faible en nombre, nous n'avons pas la puissance statistique pour conclure » indique le Pr Pierga. Cela dit, il lui semble intéressant de mieux évaluer ce sous-groupe de patientes, ce qui pourrait peut-être « augmenter le nombre de cas pour lesquels on pourrait éviter une chimiothérapie inutile ».

Interrogé sur un éventuel remboursement de ces tests dans ces indications en France, le Pr Pierga a indiqué que cela ne lui semblait pas d'actualité dans la mesure où les recommandations de la HAS demandaient de nouvelles études prospectives « irréalistes ».

 

 

 

 

 

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