Etats-Unis — En cas de récidive de cancer de l’ovaire survenant après au moins six mois sans traitement par platines, une deuxième chirurgie cytoréductrice complète suivie d’une chimiothérapie permet un gain de survie globale médiane de près de 16 mois chez des patientes pré-sélectionnées, selon l’étude de phase 3 AGODESKTOP III. Les résultats ont été présentés lors du congrès virtuel de l’ASCO 2020[1].
« Le bénéfice sur la survie globale est plus élevé et exclusivement observé avec une résection complète, ce qui souligne l’importance de bien choisir à la fois la patiente candidate à une nouvelle chirurgie et le centre expert pour réaliser l’opération », a commenté le premier auteur de l’étude, le Dr Andreas Du Bois (Kliniken Essen-Mitte, Duisbourg, Allemagne), lors de sa présentation en ligne.
La cytoréduction abdominale est une chirurgie élargie effectuée par laparoscopie consistant à retirer la tumeur primaire, ainsi que toutes les atteintes visibles disséminées dans l’abdomen. Si le bénéfice de cette chirurgie est bien établi dans la prise en charge initiale du cancer de l’ovaire, son intérêt en cas de récidive n’était pas clairement démontré et fait débat depuis plusieurs années.
Critères de sélection spécifiques
Récemment, l’étude randomisée GOG213 a montré une absence de bénéfice sur la survie globale d’une deuxième chirurgie cytoréductrice complète, suivie d’une chimiothérapie dans le traitement d’une récidive de cancer de l’ovaire, en comparaison avec une chimiothérapie seule [2]. Cet essai a inclus 485 patientes confrontées également à une rechute plus de six mois après la fin du traitement par platines.
Dans ce nouvel essai randomisé AGO DESKTOP III, des critères spécifiques (score AGO) ont été appliqués pour sélectionner les patientes pouvant bénéficier d’une nouvelle exérèse. Ces critères ont été définis lors des précédents essais DESKTOP I et II. Il s’agit de patientes en bon état général (score ECOG=0), avec une ascite < 500 mL, dont la récidive est tardive (≥ 6 mois après la fin du traitement par platines) et traitées une première fois par chirurgie complète.
Mené par le Dr Andreas Du Bois et ses collègues, cet essai a inclus 407 patientes en récidive de cancer de l’ovaire répondant aux critères de sélection (score AGO positif). Elles étaient âgées en moyenne de 61 ans. Elles ont été randomisées pour être traitées soit par chirurgie complète, suivie d’une chimiothérapie adjuvante, soit par chimiothérapie seule.
Pour trois patientes sur quatre, la récidive est apparue plus d’un an après la fin du traitement par platines. Le délai médian avant récidive était de 21 mois dans le bras chirurgie, contre 18,7 mois dans le bras sans chirurgie. Parmi les femmes opérées, la chirurgie a été considérée comme complète dans 75% des cas.
Survie globale de 62 mois
Dans les deux bras, la chimiothérapie était majoritairement à base de platines et associée, dans un cas sur quatre, à l’anti-VEGF bevacizumab. Les anti-PARP étaient encore peu administrés (4% dans le groupe chirurgie contre 6% sans chirurgie).
Les résultats montrent une survie globale médiane de 53,7 mois dans le groupe traité par chirurgie, contre 46 mois dans le groupe sans chirurgie, ce qui représente un gain de près de huit mois chez les femmes à nouveau opérées. La survie sans progression est respectivement de 18,4 mois et 14 mois.
Une analyse de sous-groupe montre un bénéfice majeur en terme de pronostic avec une cytoréduction complète, associée à une survie globale médiane de 61,9 mois, contre 28,8 mois chez les femmes ayant eu une résection incomplète, soit un gain de survie de près de trois ans. En comparaison avec le groupe sans chirurgie, le gain est de 16 mois.
Au cours de son intervention, le Dr Du Bois a rappelé que, parmi les patientes ayant une récidive de cancer des ovaires après un délai de six mois depuis la fin du traitement par platines, 50% auront un score AGO positif et seront donc éligibles à une deuxième opération. En considérant le gain de survie globale de 16 mois avec une résection complète, « cela vaut la peine de tenter l’opération », a estimé le cancérologue.
Quelles différences avec l’essai GOG213?
Invité à commenter les résultats, le Dr Robert Coleman (US Oncology Network, The Woodlands, Etats-Unis), premier auteur de l’essai GOG213 qui a rapporté une absence de bénéfice supplémentaire en termes de survie globale avec la chirurgie, a souligné les différences entre les deux essais sur la sélection des patientes et la chimiothérapie.
Les deux essais ont utilisé des algorithmes distincts pour sélectionner les patientes, celui de l’essai DESKTOP étant davantage axé sur l’imagerie et les paramètres cliniques. En outre, 84% des patientes de l’essai GOG213 ont reçu du bevacizumab en plus de la chimiothérapie, contre 24% dans l’essai DESKTOP. Une différence qui a pu favoriser le bras chimiothérapie seule, précise le Dr Coleman.
Les résultats montrent en effet que les femmes recevant la chimiothérapie seule ont une survie globale médiane de 64,7 mois dans l’essai GOG213, alors qu’elle est de 46 mois dans l’essai DESKTOP. Dans le groupe chirurgie complète, la survie globale est respectivement de 56 mois (absence de différence significative avec les 64,7 mois) et de 61,9 mois.
En revanche, l’essai GOG213 a montré des résultats concluants en termes de survie sans progression, critère secondaire d’évaluation de l’étude. Elle était respectivement de 22,4 mois contre 16,2 mois, soit des durées supérieures à celles observées dans DESKTOP.
Cet article a été publié initialement sur medscape.com sous l’intitulé: « Secondary Surgery Extends OS in Recurrent Ovarian Cancer », adapté par Vincent Richeux.
Actualités Medscape © 2020 WebMD, LLC
Citer cet article: Récidive de cancer de l’ovaire: une deuxième chirurgie complète améliore la survie globale - Medscape - 10 juin 2020.
Commenter