Retour sur l’étude CORONADO et les facteurs aggravant chez les patients diabétiques atteints de Covid-19, et lancement du registre international CoviDiab, avec Boris Hansel et Ronan Roussel.
TRANSCRIPTION
Boris Hansel — Bonjour et bienvenue dans cette synthèse du congrès de l’American Diabetes Association (ADA) 2020 de Medscape, avec le Pr Ronan Roussel. Dans une précédente émission nous avons commenté trois études marquantes de l’ADA, et nous allons maintenant faire un point Covid, parce que le sujet a bien sûr été discuté en sessions et dans les couloirs [virtuels]. On essaie d’imaginer que c’est la fin, que c’est la synthèse. Que peut-on dire aujourd’hui ? Tout d’abord, est-il confirmé que la Covid-19 est un risque sévère pour les diabétiques ?
Ronan Roussel — Le diabète est un risque de complications de cette maladie, Covid-19, avec plus d’entrées en réanimation et plus de décès. Cela a été montré dans des études chinoise, américaine, et italienne. En France il y a l’étude CORONADO dont les premiers résultats ont été publiés pendant le confinement, dans Diabetologia. Elle porte sur des patients hospitalisés dans une soixantaine d’hôpitaux français, qui ont colligé extrêmement rapidement leurs données — les individus avec diabète et Covid confirmés hospitalisées : qui sont-ils ? Que deviennent-ils ?
Un des résultats importants de CORONADO est que cela concernait très peu les diabétiques de type 1 – environ 2 % – et beaucoup plus les diabétiques de type 2, plutôt âgés, plutôt en surpoids, voire obèses. Ce sont des facteurs qui sont associés à la survenue d’une complication à l’hôpital ― puisque c’était le critère de recrutement, d’une complication de la Covid : intubation, voire décès. Les résultats publiés dans Diabetologia il y a quelques semaines, juste avant l’ADA, concernaient le devenir de ces patients sept jours après leur admission, et les données à 28 jours sont en train d’être analysées pour ces patients. Donc on espère avoir plus de recul et notamment bien plus de sorties au domicile. C’est une étude qui a encore beaucoup à révéler.
Boris Hansel — À sept jours, est-ce que c’est l’équilibre glycémique qui est le déterminant principal ?
Ronan Roussel — Non. L’équilibre glycémique joue peu. En revanche, la glycémie au moment de l’admission est très importante pour le pronostic. Mais c’est quelque chose qui fait résonance avec ce qu’on connaît également pour l’infarctus du myocarde par exemple, ou le stress…
Boris Hansel — C’est un marqueur de la situation, un stress qui va témoigner qu’on est plus à risque. Deuxièmement, est-ce que le poids est le facteur déterminant ? On a beaucoup dit que les patients obèses étaient à surrisque de forme sévère.
Ronan Roussel — Oui. Cela rejoint ce qui a été observé également chez les personnes qui étaient non diabétiques mais avec avec obésité, par les collègues de Lyon notamment. C’est une observation qu’on retrouve chez les personnes diabétiques, c’est un facteur très important de pronostic péjoratif.
Boris Hansel — Et troisièmement, est-ce que prendre des sartans, des bloqueurs du système rénine-angiotensine-aldostérone, est un facteur déterminant ? On sait que les diabétiques en prennent fréquemment. Cela sort-il comme facteur pronostic ?
Ronan Roussel — Non. Il n’y a pas eu d’association, et cela rejoint d’autres études qui ont été également rassurantes. Il y a d’autres médicaments qui ont pu être proposés comme facteur d’évolution plus ou moins favorable de la Covid. Par exemple les inhibiteurs de la DPP4 — plusieurs articles qui sont des articles d’hypothèse à ce stade. Un essai est lancé en Floride par quelqu’un qui est convaincu que les inhibiteurs de la DPP4 pourraient avoir un effet favorable, puisqu’il se trouve que la DPP4 est aussi, comme l’ACE2, une protéine sur laquelle se lie le SARS-CoV-2.
Boris Hansel — Mais pas de scoop à l’ADA.
Ronan Roussel — Pas de scoop, mais CORONADO… La metformine également, va être étudiée pour son effet potentiellement bénéfique, donc ce sont d’autres études qui vont suivre.
Boris Hansel — Peut-être pour l’ADA de l’année prochaine, quand on sera bien après la Covid...
Ronan Roussel — Aussi, à l’ADA 2020, il y a eu l’annonce d’un registre qui s’appelle CoviDiab — le nom du site a été piqué…
Boris Hansel — Oui, parce que COVIDIAB est quand même une opération française, puisque nous avons suivi 15 000 patients diabétiques, mais d’autres ont pris ce nom.
Ronan Roussel — Voilà. C'est un registre de nouveaux cas de diabète à l’occasion de la Covid, parce qu’il semblerait que des patients aient révélé un diabète, à l’occasion. Alors, on peut se dire « oui – comme toute maladie grave bien sûr, si on était pré-diabétique, peut-être que cela a fait basculer ». Peut-être que c’est ce qui s’est passé. Peut-être que ce virus a également un tropisme pancréatique, comme on a vu qu’il pouvait l’avoir pour beaucoup d’autres organes. Mais c’est de la pure spéculation.
Boris Hansel — Il pourrait être la cause d’apparition d’un diabète.
Ronan Roussel — Sait-on jamais.
Boris Hansel — C’est vrai qu’il y a eu des hypothèses virales de la survenue du diabète, et donc l’idée ici, qui a été présentée, est que la Covid serait une cause de diabète. De type 1 ou de type 2 ?
Ronan Roussel — De diabète… Donc ils se donnent les moyens de répondre à la question en bâtissant un registre de ces nouveaux cas de diabète — c’est un registre international, une des annonces de l’ADA.
Boris Hansel — Et en parallèle une lettre a été publiée dans le New England Journal of Medicine .
Donc pas de grands scoops à l’ADA cette année, mais beaucoup de questions encore concernant le diabète et la Covid, à suivre dans les futurs congrès et, bien sûr, sur Medscape. Merci beaucoup.
Discussion enregistrée le 17 juin 2020
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Citer cet article: L’actualité COVID et diabète à l’ADA 2020 - Medscape - 29 juin 2020.
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