Etats-Unis— Le registre INFORM (Individualised Therapy for Relapsed Malignancy in Childhood) incluant 1300 patients atteints de cancers pédiatriques recrutés à partir de 72 centres dans 8 pays montre que pour les enfants en échec thérapeutique, les thérapies ciblées identifiées par un algorithme augmentent la survie sans progression (PFS) d'environ 3 mois de plus que pour les enfants pour lesquels aucune thérapie ciblée n’est adaptée.
Il n'existe toutefois pas de différences en survie globale entre les deux groupes.
Les thérapies ciblées ont considérablement amélioré le pronostic des cancers chez les patients adultes. En revanche, l’évolution dans la population pédiatrique est restée un peu en retrait, a souligné le Pr Cornélis van Tilburg (Heidelberg, Allemagne) qui a présenté les résultats du registre lors du congrès virtuel de l’ASCO 2020 [1]. « Mais aujourd'hui les lignes commencent à bouger et l'idée émerge que les enfants pourraient aussi retirer un bénéfice de cette approche », indique l’orateur qui souligne qu’il s’agit de la première fois que de telles données sont publiées en situation de vie réelle et à grande échelle.
Approché pour un commentaire, le Pr Vivek Subbiah (Anderson Cancer Center, Etats-Unis) a indiqué : « C'est une nouvelle porte qui s'ouvre à un moment où nous avons un peu fait le tour de la chimiothérapie, de ses avantages et de ses limites… »
Un algorithme décisionnel
Le registre INFORM a été conçu par un consortium d'oncologues pédiatriques et de chercheurs en biologie moléculaire pour évaluer l'efficacité des thérapies ciblées dans une population pédiatrique avec un cancer à haut risque, résistant ou récidivant. Au cœur de l'idée, figure un algorithme en 7 étapes développé pour identifier les altérations moléculaires ou les voies de signalisation qui doivent être prioritairement ciblées. Celles-ci sont en principe toutes associées à des médicaments commercialement disponibles ou en développement.
La sélection repose sur différentes caractéristiques incluant les performances du produit, l'expression et les modifications génétiques et la spécificité du ciblage.
Une meilleure survie sans progression sous thérapie ciblée
Au total 1300 patients recrutés dans 72 centres de 8 pays ont été enrôlés dont 526 ont terminé l'étude et sont inclus dans l'analyse finale. L'âge médian des patients était de 12 ans. Dans cette cohorte, 8% étaient classés en très haute priorité pour une thérapie ciblée, 14,8% en haute priorité, 20,3% en priorité modérée, 23,6 % en priorité intermédiaire, 4,4% en priorité limite inférieure, 2,5% en priorité basse, 1% très basses et 15,4% sans intérêt pour une thérapie ciblée.
Au total 149 patients ont été mis sous thérapie ciblée choisie sur la base des cibles identifiées parmi lesquels 20 (8%) ont une très haute priorité (principalement pour ALK, BRAF, NRAS, MET et NTRK). Ils étaient principalement atteints de neuroblastomes et de gliomes de hauts grades avec mutations et fusions ELK.
La survie médiane sans progression était de 116 jours pour l'entièreté du groupe et de 204,5 jours pour les patients qui avaient reçu une thérapie ciblée.
Toutefois, aucune différence cliniquement significative en survie globale n’a été rapportée entre les patients du groupe sous thérapie ciblée et ceux non traités par thérapie ciblée, avec une médiane de survie globale de 289 jours. Des syndromes de prédisposition ont été identifiés chez 7,8% des patients (nouvellement diagnostiqué dans la moitié des cas).
Des thérapies ciblées qui arrivent au bon moment
Selon le Pr V. Subbiah « nous avions aujourd'hui un peu fait le tour des ressources de la chimiothérapie, sachant que les taux de guérison pour la plupart des cancers pédiatriques sont relativement hauts, mais qu'en revanche les maladies à haut risque récidivantes ou réfractaires sont toujours associées à un mauvais pronostic avec chez ces enfants un taux de survie globale de 20% et une médiane de survie de 9,5 mois. Ce sont surtout les tumeurs récidivantes ou réfractaires, de même que les sarcomes osseux ou des tissus mous et dans une certaine mesure, les leucémies myéloïdes aiguës qui posent le plus de problèmes ».
Jusqu'à présent les essais cliniques avec des thérapies ciblées dans une population pédiatrique étaient particulièrement rares. Le peu de données publiées, le petit nombre d'enfants touchés, la rareté de ces cancers a fait que peu de ressources publiques et privées ont été consacrées à la résolution de cette problématique.
Aujourd'hui, l'arrivée de nouvelles techniques de biologie moléculaire comme le NGS (séquençage de nouvelle génération) ouvre la porte à une oncologie de précision. Nous avons maintenant des outils performants et des données robustes en vie réelle pour identifier les patients pédiatriques qui seront réceptifs à des thérapies ciblées, et en plus choisir quelles sont les cibles prioritaires.
Cette étude a été financée par la German Cancer Aid, la Fondation allemande pour l'oncologie de l'enfance, la Fondation Ein Herz fur Kinder et le German Cancer Consortium. Van Tilburg a des liens d’intérêt avec Bayer et Novartis; plusieurs coauteurs ont également des relations avec l'industrie, comme indiqué dans l’abstract. Le Dr Subbiah a des liens d’intérêt avec Helsinn Therapeutics, Loxo, MedImmune, QED Pharma et R-Pharma-US et a reçu des financements de recherches (institutionnelles) de nombreuses sociétés pharmaceutiques.
Ce texte a été adapté de l’article: « Cancers en population pédiatrique: les thérapies ciblées améliorent le pronostic… (ASCO 2020) » paru sur MediQuality, du groupe Medscape.
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Citer cet article: Cancers pédiatriques et thérapies ciblées : résultats prometteurs d’un registre international - Medscape - 8 juin 2020.
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