
Dr Georges Boussignac
France – Moins agressive que l’intubation, la ventilation par pression continue, dite CPAP, qui a fait la preuve de son efficacité dans les services de réanimation pendant la crise du Covid, chez certains patients gravement atteints du Covid-19 est l’invention du Dr Georges Boussignac. Ironie du sort, celui-ci est décédé le 21 mai dernier, à l’âge 76 ans. L’occasion de revenir sur l’origine de l’invention et le parcours hors norme de celui qui, de SDF à son arrivée à Paris [1] est devenu expert international sur les techniques de réanimations cardio-pulmonaire, comme il se définissait sur son compte Twitter.
Réfugié d’origine croate
Croate, Georges Boussignac quitte son pays d’origine pour la France en 1965 pour des raisons politiques. Il est alors âgé d’une vingtaine d’années, a deux années de médecine derrière lui et ne parle pas un mot de français. Arrivé gare de l’Est, sans rien, il est d’abord SDF à Paris, avant qu’un compatriote lui propose un travail de plombier pour gagner sa vie. Sur les chantiers, il apprendra aussi l’électricité et la mécanique des fluides – ce qui lui sera utile par la suite [1]. Au bout de quelques temps, il se retrouve garçon de salle à l’hôpital Saint-Antoine dans le service du Pr Caroli, où il se fait alors remarquer en posant un diagnostic juste à la place de l’externe ! Le Pr Caroli l’incite à reprendre ses études et le refugié croate s’inscrit en auditeur libre à la fac de médecine. Il finira médecin-anesthésiste dans le service du Pr Pierre Huguenard à l’hôpital Henri Mondor (Créteil).
Un crash aérien à l’origine de l’invention
C’est à ce moment-là que se produit l’évènement déclencheur, celui qui va le conduire à mettre au point le système qui portera, par la suite, son nom, la CPAP Boussignac. Il s’agit d’un crash aérien. Le 11 juillet 1973, un Boeing s’écrase à Saulx-les-Chartreux [2]. Parmi les personnes présentes dans l’avion, il y aura 125 morts et quelques survivants, dont trois qui arrivent en hypoxémie sévère avec les poumons brûlés à Créteil où travaille le Dr Boussignac. Les médecins militaires ont peu d’espoir et l’intubation n’est pas indiquée, car trop risquée pour ces patients fragiles [3]. Dans le service du Pr Huguenard, l’anesthésiste bricole un casque fait d’un sac plastique transparent, relié à une chambre à air de vélo d’enfants, le tout entouré de sparadrap pour assurer l’étanchéité. Il fixe alors le débit continu à 65 L/min d’oxygène et la pression positive est obtenue par l’intermédiaire de tuyaux immergés dans un bocal d’eau. Doté de ce dispositif expérimental, les trois blessés s’en sortent ; ils reviendront chaque année à l’hôpital avec du champagne pour remercier leurs « sauveurs », témoigne le Dr Boussignac [3].
Bricoleur invétéré
Néanmoins, il fallait trouver un moyen pour réduire la quantité d’oxygène utilisée pour limiter les risques de combustion – et, à l’époque, les gens fumaient dans les salles de réanimation, rappelle l’inventeur. Après plusieurs années de travaux dans son garage, il parvient à développer un dispositif qui pourrait être utilisé dans les hôpitaux. Le Dr Boussignac convainc un industriel, puis le projet est abandonné, avant d’être finalement repris par le groupe Vygon en 1991. Auparavant, le dispositif expérimental avait été expliqué physiquement en 1988 par une équipe de l’Inserm emmenée par les Drs Alain Harf, Daniel Isabey et lui-même, lit-on dans une interview à SecoursMag[4]. Le dispositif fera ensuite l’objet d’une publication dans le Journal of Applied Physiology.
124 brevets
De nature très indépendante, le Dr Boussignac choisira d’exercer en libéral et officiera comme médecin généraliste pendant plus de 30 ans, en gardant une activité d’attaché consultant à l’hôpital dans différentes spécialités : pneumologie, cardiologie, urologie.
Avec son système ouvert qui fait sa spécificité, la CPAP connaitra le succès que l’on sait dans des situations d’hypoxie non traumatique, comme le syndrome d’apnée obstructive du sommeil (SAOS) et, tout dernièrement, les patients atteints du Covid en service de réanimation [5,6]. Inventeur prolifique – il détient plus de 124 brevets –, il développera ensuite d’autres systèmes comme le tube RCP adapté à la prise en charge des accidents cardiaques, ou encore, tout dernièrement la b-card, permettant de se passer de l’intubation.
Crédit photos : compte Twitter et Linkedin du Dr Boussignac
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Citer cet article: Décès du Dr Georges Boussignac : retour sur le parcours hors norme de l’inventeur de la CPAP - Medscape - 4 juin 2020.
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