L’arrêt du tabac est bénéfique même deux ans avant un diagnostic de cancer du poumon

Marine Cygler, Andrew D.Bowser

Auteurs et déclarations

27 mai 2020

Etats-Unis- « Il n'est jamais trop tard pour arrêter de fumer ». Telle est la conclusion d'une analyse poolée présentée au cours du congrès virtuel 2020 de l'American Society of Clinical Oncology (Asco 2020)[1]. Dans cette étude, le bénéfice sur la survie globale est significatif indépendamment de la durée du tabagisme pour ceux qui ont arrêté de fumer dans les deux ans précédant le diagnostic de cancer du poumon.

« Dans la population à haut risque, celle testée par dépistage, l'impact de l'arrêt du tabac sur la survie est important d'après les données de cette étude », s’enthousiasme le Dr Anne-Marie Ruppert (pneumo-oncologue, hôpital Tenon, Paris), coordinatrice du groupe Tabac de la Société de Pneumologie de Langue Française (SPLF) pour Medscape édition française.

Ces données devraient inciter les médecins à aborder la question du sevrage tabagique avec leurs patients quand ceux-ci sont le plus réceptifs à des consignes d'arrêt du tabac, au moment d'un scanner pulmonaire, par exemple, plaide le Dr Aline Fares (Princess Margaret Cancer Centre, Toronto, Canada), principale investigatrice de l’étude.

La démonstration chiffres à l'appui...

La Dr Fares a présenté les données de 35 481 patients atteints d'un cancer du poumon et qui avaient été inclus dans 17 études de l'International Lung Cancer Consortium .

Au moment du diagnostic, 47,5% des patients étaient fumeurs, 30 % étaient d'anciens fumeurs et 22,5% n'avaient jamais fumé.

Le risque de mortalité toute cause était diminué de 20 % parmi les anciens fumeurs qui avaient arrêté plus de cinq ans avant le diagnostic de cancer du poumon (P<0,001). La réduction du risque de décès toute cause confondue était de 16 % chez les patients qui avaient arrêté entre 2 et 5 ans avant le diagnostic et de 12 % pour ceux ayant arrêté dans les deux ans précédents le diagnostic (P<0,001 pour les deux comparaisons).

Le gain en survie globale est évident dans cette analyse poolée indépendamment du genre, du stade de la maladie, de l'histologie ou de la quantité de tabac consommée (exprimée en paquet-années), d'après la Dr Fares. Ceci dit, il semble plus important chez les gros fumeurs, c'est-à-dire plus de 30 paquet-années.

Concernant la survie spécifique du cancer du poumon, elle était améliorée de 15 % pour les patients ayant arrêté de fumer cinq ans avant le diagnostic. Pour ceux ayant arrêté dans un délai au diagnostic plus court, aucune tendance significative d'amélioration de la survie n'a été observée.

Reste que la survie globale était plus élevée dans le groupe des patients n'ayant jamais fumé, un résultat attendu d'après les données d'études antérieures.

Quelles implications ?

« Après une vie de fumeur, les patients pensent souvent qu'il est trop tard pour arrêter, que les dégâts sont faits » rappelle la Dr Fares. Or ces résultats montrent que ce n'est pas le cas. Dans sa présentation, elle a indiqué que le dépistage du cancer du poumon était un moment opportun pour aborder l'arrêt du tabac

Le Dr Maher Karam-Hage, responsable médical d'un programme d'arrêt du tabac (Anderson Cancer Center, Houston) pense aussi qu'il serait utile de partager ces informations avec les fumeurs à l'occasion d'un dépistage du cancer du poumon.

Des résultats négatifs du dépistage peuvent donner une fausse impression que la personne fait partie « des chanceux » qui ne seront pas concernés par le cancer bronchique et qui n'ont donc pas la nécessité d'arrêter de fumer, explique le Dr Karam-Hage, lui qui compare l'efficacité des différentes stratégies pour l'arrêt du tabac.

« Maintenant, on peut expliquer aux patients avant le scanner que quel que soit le résultat ils devraient arrêter de fumer et que le plus tôt est le mieux » ajoute-t-il. « On peut leur fournir des données chiffrées maintenant ». 

« Le dépistage est un « teachable moment », un moment propice pour délivrer des messages d'information et de prévention, indique le Dr Anne-Marie Ruppert. Il n'a de sens d'ailleurs que si à ce moment-là le médecin incite à l'arrêt du tabac ». Une chirurgie lourde ou la suspicion de toute maladie chronique liée au tabac sont des occasions pertinentes pour rappeler les conclusions de cette étude.

 
Ce qui est motivant pour les patients, c'est que cette étude montre ce qu'ils gagnent en arrêtant de fumer  Dr Anne-Marie Ruppert
 

« Ce qui est motivant pour les patients, c'est que cette étude montre ce qu'ils gagnent en arrêtant de fumer. On parle de gain de survie et non pas des effets néfastes du tabac, lesquels sont souvent minimisés par les fumeurs », indique-t-elle.

La spécialiste insiste sur le fait que lorsqu'on aborde la question de l'arrêt du tabac avec un patient fumeur, il est essentiel présenter les traitements remboursés (substituts nicotiniques et Champix), établir une prescription et proposer un suivi.

 

Article adapté de l'article "Quitting Smoking 2 Years Before Lung Cancer Diagnosis May Improve Survival" paru sur Medscape.com

 

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