Hépatocarcinome avancé: le sorafenib détrôné par une combinaison d’immunothérapie

Alexander Castellino

Auteurs et déclarations

28 mai 2020

Washington, Etats-Unis — Dans la prise en charge du carcinome hépatocellulaire (CHC) avancé, une immunothérapie combinant l’anti-PD-L1 atezolizumab (Tecentriq®, Roche) et l’anti-VEGF bevacizumab (Avastin®, Roche) s’avère supérieure en termes de survie globale par rapport au traitement standard par sorafenib, selon l’étude de phase 3 IMbrave150. Les résultats ont été publiés dans le NEJM[1].

Bien qu’elle ne soit pas encore autorisée, la combinaison d’anticorps sera d’ici peu recommandée en première intention dans le traitement de l’hépatocarcinome avancé, a indiqué, auprès de Medscape édition internationale, le Dr Josep Llovet (Icahn School of Medicine at Mount Sinai, New York, Etats-Unis), qui a participé à la rédaction des critères d’évaluation.

« Un progrès majeur »

« Ces résultats représentent un progrès majeur dans la prise en charge de l’hépatocarcinome avancé. Jusqu’à présent aucun traitement ne s’était montré supérieur en première ligne au sorafenib », a commenté l’hépatologue, qui n’a pas participé à l’étude, mais a conduit l’essai international ayant permis la validation du sorafenib en première intention.

Il s’agit également du premier inhibiteur de checkpoint à se révéler efficace dans cette indication, a-t-il précisé. « De précédentes études évaluant des inhibiteurs de checkpoint anti-PD-1 ou PD-L1 contre le cancer du foie avancé en monothérapie de première ou deuxième ligne se sont avérées négatives ».

Depuis plus de dix ans, la prise en charge thérapeutique du CHC avancé est dominée par l’inhibiteur de tyrosine kinase sorafenib (Nexavar®, Bayer), premier traitement systémique à avoir apporté un avantage significatif en termes de survie globale dans cette indication.

En 2018, après avoir montré une efficacité équivalente, un autre inhibiteur de tyrosine kinase, le lenvatinib (Lenvima®, Eisai), a été validé pour une utilisation en première ligne dans le traitement du CHC avancé ou non résécable. Aucune autre molécule ne s'était révélée supérieure à ces deux traitements.

Survie sans progression de 6,8 mois

Dans l’étude de phase 3 IMbrave150, le Dr Richard Finn (David Geffen School of Medicine, Los Angeles, Etats-Unis) et ses collègues ont inclus 501 patients avec un CHC métastatique ou non opérable. Naïfs de traitement, ils ont été randomisés pour recevoir la combinaison atezolizumab/bavacizumab par injection intraveineuse toutes les trois semaines (n=336) ou 400 mg de sorafenib, par voie orale, deux fois par jour (n=165).

Après un suivi médian de 8,6 mois, les résultats montrent une survie globale supérieure chez les patients traités par l’immunothérapie. Le taux de décès est de 28,6% (n= 96) dans le groupe recevant la combinaison atezolizumab/bavacizumab, contre 39,4% (n= 65) dans le groupe sous sorafenib.

Le taux de survie globale à six mois est de 84,8% chez les patients traités par immunothérapie contre 67,2% chez ceux recevant le traitement standard. A 12 mois, ce taux est respectivement de 72,2% et 54,6%.

Dans l’ensemble, le taux de décès ou de progression de la maladie atteint 58,6% sous immunothérapie (n=197) et 66,1% sous sorafenib (n=109). La médiane de survie sans progression est respectivement de 6,8 mois et 4,3 mois. A six mois, la survie sans progression concernait plus de la moitié des patients (54,5%) prenant l’immunothérapie, contre 37,2% de ceux recevant le sorafenib.

Taux de réponse à 27,3%

Selon l’évaluation de la réponse tumorale par les critères RECIST (Response Evaluation Criteria in Solid Tumors), le taux de réponse partielle ou complète est apparu plus élevé avec la combinaison de traitement comparativement au sorafenib (27,3% contre 11,9% avec le critère mRECIST et 33,2% contre 13,3% avec RECIST 1.1).

L‘étude montre également que les patients prenant l’immunothérapie voient leur qualité de vie se maintenir plus longtemps, le délai médian avant une dégradation de leur état étant de 11,2 mois, contre 3,6 mois avec le sorafenib.

L’incidence des effets indésirables de grade 3 ou 4 était similaire entre les deux groupes, les taux étant de 56,5% avec l’association de traitement et de 55,1% avec l’inhibiteur de tyrosine kinase. L’hypertension, la protéinurie, la hausse des transaminases ou la perte de poids font partie des effets secondaires les plus fréquents.

Des saignements ont été observés chez 25,2% des patients sous immunothérapie contre 17,3% chez ceux sous sorafenib. Des hémorragies ont induit un décès chez six patients prenant la combinaison de traitement et chez un patient sous traitement standard.

Evaluer le risque hémorragique

Dans un éditorial accompagnant la publication, le Dr Robin Kelley (University of Califoirnia, Sans Francisco, Etats-Unis) a appelé à la prudence dans l’utilisation de cette combinaison de traitement, en rappelant qu’elle a été évaluée sur des patients présentant le plus de chance de survie, du moins à moyen terme [2].

Les patients inclus présentaient, en effet, une insuffisance hépatique encore compensée (Child-Pugh de classe A), tandis que les cas d’hémorragie sur varice gastro-oesophagienne non traitée ou partiellement traitée, ainsi que les patients à risque hémorragique élevé, ont été exclus de l’étude.

« La sécurité du traitement n’a pas été établie pour ceux ayant un Child-Plug de classe B [insuffisance décompensée, ndr] et des thérapies alternatives doivent être envisagées chez les patients à haut risque hémorragique », souligne le Dr Kelley, qui recommande de réaliser une endoscopie digestive avant de prescrire l’immunothérapie.

D’autres études en cours

Une recommandation que partage le Dr Llovet. « Il est important de réaliser une endoscopie haute chez tous les patients ayant un CHC avancé afin d’exclure les cas avec des varices œsophagiennes, qui risquent de saigner sous l’effet du bevacizumab », estime-t-il.

Il a rappelé que les études de phase 3 incluent toujours des patients avec un Child-Plug de classe A, les scores de classe B étant davantage associés à des profils hétérogènes. Selon lui, d’autres études sont actuellement menées pour évaluer des combinaisons d’immunothérapie et d’anti-angiogéniques dans cette indication.

« Les résultats de ces essais seront connus d’ici 12 à 18 mois et devraient encore améliorer les approches standards dans le traitement du carcinome hépatocellulaire avancé ».

 

L’essai IMbrave150 a été financé par le laboratoire F.Hoffmann-La Roche/Genentech.

Le Dr Finn a déclaré des liens d’interêt avec AtraZeneca, Bayer, Bristol-Myers Squibb, CStone, Eisai, Eli Lilly, Exelixis, Roche, Genentech, Merck & Co, Novartis et Pfizer.

Le Dr Llovet a déclaré des liens d’interêt avec Bayer, HealthCare Pharmaceuticals, Eisai Inc, Bristol-Myers Squibb, Boehringer-Ingelheim, Ipsen, Eli Lilly, Roche, Genentech, Glycotest, Nucleix, Can-Fite Biopharma, AstraZeneca et Exelixis.

 

Cet article a été publié sur medscape.com sous l’intitulé 'Momentous' Data for First-Line Combo in Liver Cancer. Traduit et adapté par Vincent Richeux pour Medscape édition française.

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