France – Connaissant l’impact du confinement sur la santé mentale et souhaitant l’évaluer, Santé publique France a réalisé une enquête dont les résultats sur les deux premières semaines de confinement montrent une incidence plus forte de l’anxiété dans certaines populations.
Si le niveau d’anxiété a diminué globalement entre la première et la deuxième semaine de confinement, certains critères comme le fait d’être une femme, d’être parent d’enfant(s) de 16 ans ou moins, de déclarer une situation financière « juste » ou « difficile » ont néanmoins constitué des facteurs de vulnérabilité, traduisant ainsi un creusement des inégalités de santé en situation de confinement.
Entre le 23 mars et le 1er avril
« Une revue récente de la littérature a montré que les quarantaines mises en place lors de précédentes épidémies avaient un fort impact sur la santé mentale, en particulier sur les troubles anxieux, les symptômes de stress post-traumatique, les troubles dépressifs, la détresse psychologique et les troubles du sommeil, certains de ces troubles pouvant perdurer jusqu’à plusieurs années après la fin du confinement » écrivent les auteurs.
Les raisons en sont multiples : la situation épidémique elle-même avec peur de la contamination pour soi et pour son entourage, les conditions de vie en confinement (pertes de liberté, isolement social ou promiscuité, perte de salaire) et l’anticipation de leurs conséquences économiques et sociales...autant de raisons d’éprouver un sentiment d’insécurité et d’angoisse.
C’est dans ce contexte que Santé publique France a mis en place une surveillance comportementale et psychologique s’appuyant sur un dispositif d’enquêtes par Internet. Un échantillon indépendant de 2 000 personnes âgées de 18 ans et plus résidant en France métropolitaine a été interrogé par Internet. Les données présentées ici sont issues des deux premières vagues du 23 au 25 mars et du 30 mars au 1er avril 2020.
HAD et paramètres socio-démographiques
Le niveau d’anxiété des personnes interrogées a été mesuré par l’échelle Hospital Anxiety and Depression scale (HAD) qui comporte 14 items, dont sept sur le repérage d’une anxiété et sept autres sur le repérage d’une dépression. Un certain nombre d’autres paramètres susceptibles d’influencer sur le niveau d’angoisse ont été évalués comme l’exposition à la maladie, la situation financière déclarée, les conditions de travail, la promiscuité au sein du foyer, l’exposition des proches à la maladie. De même que les critères socio-démographiques habituels : catégorie socioprofessionnelle, niveau de diplôme, le fait d’être parent d’enfant(s) de 16 ans ou moins, le sexe, l’âge.
Des inégalités en termes de risque d’anxiété
Lors de la première vague (23 au 25 mars), la prévalence de l’anxiété était de 26,7%, soit un taux deux fois supérieur à celui observé dans une enquête précédente (13,5% en 2017). En vague 2 (30 mars au 1er avril), la prévalence de l’anxiété avait significativement diminué à 21,5%.
Un risque plus élevé d’anxiété était associé :
1/ à des caractéristiques sociodémographiques : être une femme, un parent d’enfant(s) de 16 ans ou moins, déclarer une situation financière difficile ;
2/ aux conditions de vie liées à la situation épidémique : télétravailler en période de confinement et avoir un proche malade ou ayant eu des symptômes du Covid-19 ;
3/ aux connaissances, perceptions et comportements face au Covid-19 : percevoir le Covid-19 comme une maladie grave et se sentir vulnérable face à cette maladie.
« À l’inverse, écrivent les auteurs, avoir une bonne connaissance des modes de transmission de la maladie, respecter les mesures de confinement, se sentir capable d’adopter les mesures de protection et avoir confiance dans l’action des pouvoirs publics diminuaient le risque d’anxiété ».
Par ailleurs, la diminution de la prévalence de l’anxiété n’a pas été observée chez des personnes déclarant une situation financière difficile, celles de catégories socioprofessionnelles les moins favorisées ou encore celles vivant en promiscuité, « traduisant ainsi un creusement des inégalités de santé en situation de confinement » indiquent les chercheurs.
A noter : à ce moment du confinement, le fait d’avoir un espace extérieur accessible dans le logement, de vivre seul durant le confinement ou d’avoir un soutien affectif ou moral n’ont pas été significativement associés à l’anxiété lors des deux vagues.
Nécessité de protéger et d’accompagner les ménages les plus précaires
Les auteurs tirent plusieurs conclusions de ces résultats sur le début du confinement.
De façon générale, « nos données, écrivent-ils, attestent de la force du lien entre santé mentale et conditions socioéconomiques et confortent la nécessité de protéger et d’accompagner les ménages les plus précaires du point de vue de leur situation financière ».
Mais si on rentre dans le détail, on se rend compte que le confinement, envisagé comme un facteur de risque pour la santé mentale, aurait plutôt agi pour une majorité de la population comme un facteur de protection contre l’anxiété. « En réduisant efficacement le risque d’exposition au virus, le confinement a sans doute contribué à la baisse du niveau d’anxiété générale » considèrent les chercheurs de SPF.
Néanmoins, malgré les mesures mises en place (arrêt de travail, chômage partiel…) pour contenir le risque socio-économique, certains sous-groupes de la population, ceux vivant des conditions de confinement plus stressantes (promiscuité, situation financière difficile), n’ont pas bénéficié de l’amélioration.
Levée du confinement et risques pour la santé mentale
« Dès lors, la levée du confinement, engagée pour répondre à la nécessaire remise en route de l’activité économique, doit nous interroger sur l’évolution à venir des états anxieux en population générale, écrivent les auteurs en conclusion. Nos résultats montrent que le niveau de connaissance et la capacité perçue à mettre en œuvre les mesures de protection préconisées sont des déterminants importants de l’anxiété au sein de la population. »
Il sera intéressant d’interpréter ces résultats, qui ne portent que sur les deux dernières semaines de mars, au regard de l’avancée dans le confinement/déconfinement et de voir si les populations qui sont apparues ici comme étant plus vulnérables au confinement auront, plus que d’autres, besoin d’une aide psychologique au sortir de la crise.
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Citer cet article: Confinement et gestion de l'anxiété : une enquête de Santé Publique France - Medscape - 26 mai 2020.
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